lundi 1 octobre 2012

Papouasie Nouvelle-Guinee

L’Océanie! Me voici en partance pour ce continent dont j’ai tant entendu parler, et dont je rêvais de fouler les terres un jour. Je vais d’abord, depuis l’Indonésie et Bali, m’envoler pour l’Australie. La ville de Cairns, au Nord-Est de ce pays insulaire, sera ma ville d’accueil pour seulement 4 jours. Malgré ce cours séjour, je vais y vivre une expérience nouvelle. Mais ce n’est pas encore le sujet de ce récit.

Le choix de cette de transition ne fut pas anodin. En effet, avant de revenir passer un temps indéfini au «pays des Kangourous», je pars réaliser un nouveau rêve, découvrir une forte culture dans ces horizons lointains australes… Voici de petits indices pour vous mettre sur la piste. Il s’agit d’une des dernières frontières de ce monde moderne globalisé. Des explorateurs y ont découvert, il y a tout juste un peu plus de 50 ans certaines les dernières tribus humaines encore complétement isolées du reste de la planète et n’ayant eu encore aucun contact avec un étranger, un individu eurasien, de race blanche.

«Auriez-vous déjà une petite idée du pays que je pars découvrir? Non, aucune? Pas de problème, il est toujours possible d’étayer les détails sur ce peuple si particulier!»

820 langues et dialectes différents sont parlés sur ces terres (soit 12% de toutes les langues du monde pour une population représentant moins de 1% des habitants de cette planète), des rituels fascinants sont encore d’actualités de nos jours, ce pays partage une île avec l’Indonésie. Ces terres sont contrastées, ces fonds-marins encore totalement intacts, sa diversité biologique, faune et flore confondues, est une des plus riches et importantes au monde. Les populations indigènes, ayant très longtemps vécues reclus sur elles-mêmes possèdent une forte et puissante histoire. Ce pays aux «Milles cultures» possède toujours une forte réputation de cannibalisme. Voici donc d’autres des spécificités de ce pays mystérieux, atypique et encore à l’abri d’un tourisme de masse inexistant.
«Non, cela ne vous met toujours pas sur la voie?» Ce pays, à l’autre bout du monde depuis nos terres européennes, n’a pas réussi encore à vous transmettre des ondes attractives, vous chuchotant son nom à vos oreilles grâce à ces esprits. Laissez-moi alors vous transporter à ma manière sur ces terres qui me marqueront à jamais!
La Papouasie Nouvelle-Guinée est son nom! Sa simple évocation a toujours été pour moi un hymne à l’aventure, un appel vers des contrées vierges et sauvages! L’envie, omniprésente à mon esprit, de découvrir des civilisations et cultures encore préservées de la société de consommation quasi-universelle de nos jours, semble maintenant à porter de mains. Mes attentes touristiques ou l’envie de visiter de lieux spécifiques sont néants. En revanche la recherche d’expériences nouvelles spécialement auprès de la population locale est grande! Pour ces raisons, pour laisser libre cours à l’improvisation, au hasard des rencontres, je ne planifierais et préparerais aucun itinéraire. Les seuls paramètres plus ou moins fixes seront mes dates de séjour ainsi que les lieux de départ et d’arrivée afin d’assister à deux événements annuels hors du commun.
Jeudi 9 Septembre 2012, à 12h00, je m’envol depuis Cairns en direction de la capitale; Port Moresby!

C’est le seul point d’entrée international dans le pays. Le premier cadeau de ce périple s’offre déjà à moi. Quelques minutes seulement après le décollage, nous survolons l’océan et plus spécifiquement la fameuse grande barrière de corail. Le spectacle depuis le hublot est à couper le souffle. Les différentes couleurs bleues et vertes de l’eau, le blanc de l’écume créent un milieu naturel époustouflant. Le moment est encore plus magique du fait que nous découvrons cette merveille naturelle après être sorti des nuages présents sur la côte. Tel un cadeau que l’on découvre après avoir arraché le papier cadeau, c’est en s’extirpant du voile nuageux que l’avion nous laisse apercevoir vu du ciel ce site particulier. Pour parfaire, le show, au milieu de la mer de Corail, séparant l’Australie et la Papouasie Nouvelle-Guinée (désignée ultérieurement par les initiales P.N.G.), je pourrais observer un atoll à la forme profilée. J’aurais envie de crier à l’avion entier de regarder ce qui se passe à l’extérieur plutôt que de dormir, lire ou effectuer toute autre activité quotidienne réalisable partout ailleurs. Mais je garde finalement ce plaisir rien que pour moi, pensant tout de même à tous ceux avec qui j’aimerais partager ces moments ou aux personnes qui rêveraient d’être à ma place…

Atteignant les côtes maritimes de PNG, je profite encore de paysage mixant les coraux dans la mer, le bleu du ciel azur et des reliefs qui s’élèvent rapidement pour former des collines puis des montagnes.
Le survol en quasi rase-motte de la capitale me permet de me donner une première idée sur le niveau de développement de ce pays. De nombreuses routes sont encore que de simples chemins de terre, les maisons sont pour une majorité encore construites en matériaux naturels tel que le bois, le bambous ou faite d’un simple assemblage de tôles métalliques de base qualité. Le contraste sera alors saisissant à l’atterrissage, quand dans un aéroport ultra-moderne doté d’ATM, d’un bar et de tout le confort imaginable, je dois faire la queue pour des démarches administratives et bureaucratiques. J’ai décidé de ne pas rester dans la capitale.

Tout juste le temps de faire mon visa «On Arrival» («à l’arrivée»), d’effectuer proprement le transit pour mon vol interne et de réaliser mes premiers pas sur ces terres entre les deux terminaux, me voici déjà dans un nouvel avion! JE me dirige vers le Nord, à 300 kms de là, dans la région des «Western Highlands» (Hauts plateaux de l’Ouest). L’avion est le seul moyen, si ce n’est la marche à travers des hautes montagnes tropicales, pour traverser le pays du Nord au Sud! Il n’existe pas de routes pour traverser la chaine montagneuse qui domine la Papouasie en son centre. J’atterris donc à Mont Hagen, troisième ville du pays, seulement 12000 habitants. Elle se constitue de 3 axes principaux, 3 rues parallèles formant le centre-ville. Ce dernier regroupe de nombreux services et commerces permettant de fournir une région entière.

Le choix de cette première destination est liée au calendrier et au fait que deux jours plus tard se déroulera un programme culturel regroupant les différentes tribus des environs. Demandant des informations à une dame venue accueillir des touristes, j’obtiendrais finalement, par ces soins, un transport gratuit jusqu’au centre-ville. Elle me dépose devant un des logements les moins onéreux de la ville pour les visiteurs. Il s’agit d’une mission tenue par des missionnaires catholiques venue prêcher la bonne parole et aider les populations environnantes en apportant éducation, support logistique, nourriture,… Le prix pour une chambre partagé est de 100 kinas! (Monnaie Locale du pays. Ce montant équivaut à 42 euros).

D’où vient ce prix exorbitant pour un dortoir? La surprise n’est néanmoins pas d’actualité me concernant. Il s’agit d’une simple fatalité. Ceux sont les informations que j’avais eues suite à la recherche de détails sur la façon de voyager dans ce pays. Pays où le tourisme est quasiment néant, la flambée des prix des logements d’accueil s’explique par la présence de riches compagnies minières, l’exploitation des sols et des terres par de grandes multinationales qui emploient des expatriés. Le pays aux multiples ressources naturelles a donc vu sa monnaie être surévaluée et les services aux personnes se déplaçant dans le pays devenir prohibitifs. La non-concurrence est un autre point expliquant facilement les prix appliqués. Cela contrastera, tel un choc pris en pleine figure, avec la vie dans les villages et les fonds monétaires disponibles pour la majorité de la population. Mes futurs récits, mes prochaines expériences, viendront éclairer vos lanternes et mettre en abîme cet état de fait alarmant, amplifiée par la corruption des politiciens et des hauts dignitaires, qui profitent avec exagération de la jeunesse de ce pays, qui doit encore apprendre à voler de ces propres ailes. Quoi qu’il en soit, il va me falloir trouver une solution pour me loger. La mission est déjà totalement réservée lors des prochaines nuits pendant cette période de festivités.

La première citation locale que je vais être amené à entendre et, que j’entendrais à maintes reprises ultérieurement, va alors prendre tout son sens!

«IN PAPOUA NEW-GUINEA EXPECTS THE UNEXPECTED!»
(En PNG, attendez-vous à l’inattendu!).

Elle sera le maître-mot caractérisant les jours suivants et elle se vérifiera tout le long de mon séjour. Une partie d’altruisme, d’opportunisme, d’instinct du voyageur vont faire le reste.

Après m’être installé, avoir déposé mes affaires, je retourne à la réception pour demander de plus amples détails sur la ville, les activités possibles, les endroits où je pourrais me loger. Il est déjà 17h30, la nuit tombe dans une heure. Un pasteur et sa femme vont me mettre rapidement au parfum de la situation dans le pays et principalement dans les villes. Ils semblent alarmistes et effrayés par les aspects de sécurité dans le pays. Ils me déconseillent de sortir de nuit, de me promener seul dans les rues même en journée. Ils introduisent le fait qu’un touriste sera vite vu, par ici, comme une manne d’argent facile à obtenir. Je ne suis pas un fanatique et fervent croyant en cette vision pessimiste. Heureusement, un aspect beaucoup plus positif va se présenter à moi!

Une voyageuse débarquant de nulle part se présente à la réception. Arrivant elle aussi sans réservation, elle obtiendra, elle aussi, la possibilité de ne rester dans la mission que pour une seule nuit. A situation et galère similaire, l’esprit de groupe et d’entre-aide du voyageur prend alors le naturellement le dessus. Spontanément, je me présente à elle. Je lui fais rapidement un topo des informations recueillies antérieurement. Nous décidons à deux d’aller explorer les alentours pour trouver une solution aux équations, encore non résolues de cette première étape.

Je ne le sais pas encore mais cette rencontre inopinée et peu probable, au vu du nombre de voyageurs à sac à dos trainant dans les parages, va bouleverser les événements des prochaines secondes, heures et jours!
«L’effet Papillon» est alors en marche! Cette théorie consiste à dire que chaque événement, imbriqués les uns aux autres, sont liés. La modification du moindre des paramètres, le décalage d’une seule seconde entraîne un cataclysme pouvant modifier entièrement le futur, la destinée d’une ou plusieurs personnes…
L’inattendu va se produire. Cela simplifiera grandement la résolution des problématiques qui se présentaient à moi. Cette rencontre, l’interaction qui va en découler avec de nombreuses autres personnes, certains côtés absurdes et burlesques des prochains jours m’apporteront beaucoup plus que je n’aurais pu l’imaginer.

Cette voyageuse s’appelle Nicole. Elle est canadienne, voyage seule et avait ce rêve à l’esprit depuis des années. A l’aéroport de Port Moresby, dans la file d’attente pour l’obtention du visa, elle a fait la connaissance, pendant 10 minutes, d’un homme né en PNG, originaire d’Australie, qui rentre après 5 mois d’absence. Il lui aura eu le temps de lui donner un précieux conseil. Il s’agit pour lui de se rendre dans la seule adresse de la ville où il est possible pour les expatriés et touristes ne volant pas rester cloitrer dans leur hôtel, de boire un verre et manger le soir.Nous voici dont rapidement devant les portes du Hagen Club.
Heureusement, la pluie qui avait commencée quelques minutes auparavant ne nous a pas freinées dans notre initiative. Cela nous a permis, qui plus est, de fuir, de nous extirper des griffes de ce couple de missionnaires, qui continuent de nous sermonner «leur mauvaise parole». Pour eux tous les aspects de la vie, pour des personnes de type eurasien ne se déplaçant pas sous l’égide de la foi ou d’organisations humanitaires, semblent être un calvaire parsemés d’embûches et de risques démesurés à chaque coin de rue. Arrivés avec un optimiste sans borne et une envie débordante de découvrir ce pays unique, nous ne pouvons et ne voulons pas tomber dans ce pessimisme ambiant régnant dans la mission. Nous avons donc décidés d’écourter la conversation et d’aller découvrir par nous-même la situation à l’extérieure tant qu’il fait encore jour.

Faisant face à l’enclos ultra-protégé du club (hauts murs barbelés avec un vigile), nous nous confrontons, à la porte d’entrée, au premier gardien. Il faut être réaliste et honnête, la couleur de notre peau jouera grandement en notre faveur pour nous permettre une entrée aisée dans l’antre de ce lieu réservé. Arrivés devant le bâtiment principal, nous faisons face à un deuxième gardien. N’étant pas membre du club, l’entrée semble compromise. Que faire? Nicole évoque alors à ce dernier, la rencontre avec Nick. Néanmoins, sans signature d’un membre nous ne pouvons pas prétendre rentrer à l’intérieur. L’arrivée de l’un d’entre-eux, un des plus éminents de ce club; Dom, va nous sauver la mise. Sa signature apposée sur le registre des entrées, à la fin de la ligne concernant nos identités, va alors nous projeter instantanément dans la place.

Dans le bar enfumé, des expatriés, plus ou moins jeunes, de riches propriétaires tous d’origine étrangère se tiennent autour du comptoir en bois derrière lequel des serveurs papous s’affairent! Ni femmes, ni individus ayant des origines profondes du pays ne font parties des clients. L’instant de blocage sur le pas de la porte passé, nous faisons alors quelques pas vers la zone d’activité principale. Accoudé au comptoir, Shan, homme chauve d’une cinquantaine d’années sera notre premier interlocuteur. Doté d’un fort accent australien et dans un état avancé d’alcoolisation, sa première question concernera notre choix pour la boisson qu’il souhaite nous offrir. Rapidement fixé, nous opterons pour la South Pacific beer (SP) produite dans le pays. Très vite, nous allons entamer de nombreuses autres conversations avec les différentes personnes autour de nous.
Une fois la première barrière passée, cet endroit glauque et sinistre va nous révéler sa lumière, celle-ci nous sautera aux yeux. Tous les contacts humains sont simples, agréables et riches de précieux renseignements. La générosité de chacun sera sans bornes. Nous allons nous voir offrir un repas et de nombreuses tournées de boissons alcoolisées, plus que nous ne pouvons raisonnablement en accepter. Des femmes d’expatriées vont petit à petit se joindre à la foule. Cet endroit chaleureux est le seul moyen pour eux de partager, converser, et passer du bon temps dans un pays parfois hostile, beaucoup moins qu’ils ne le croient mais je vous laisse la surprise dans les prochains paragraphes de ce récit. Nous allons faire la connaissance de deux femmes, d’origine papou, à fort caractère et mariées à des expatriés beaucoup plus âgées qu’elles. Ici va la vie comme dans beaucoup de pays en voie de développement ou de vieux brisquards viennent finir leur carrière afin d’arrondir gracieusement leur futur retraite. Ces deux femmes se prénomment Anita et Aileen. Nous passerons encore beaucoup de temps à leur côté dans les prochains jours.

A la fin de la soirée, nous avons échangés avec une quinzaine de personnes. J’ai fait la connaissance de Nick, arrivé tardivement avec sa nouvelle petite-amie. Son arrivée tardive ne m’empêchera pas de lier un très bon contact et de constater sa côte de popularité dans cette enceinte privée. Finalement, nous avons passés du bon temps et reçu propositions de logement gratuit. La donne est maintenant totalement différente et nous avons en mains toutes les cartes pour effectuer un bon début de séjour. Un des membres du club nous raccompagnera dans son impressionnant 4x4 à la mission, s’assurant par la même occasion de notre sécurité. L’intendante de l’hôtel est soulagé de nous voir rentrer sain et sauf. «Oh mon dieu, j’ai prié pour qu’il ne vous soit rien arrivé et que vous rentriez entier. La nuit noire étant présente depuis plusieurs heures, je me suis inquiété comme jamais, mais vous voilà revenu des enfers! Je suis soulagé». Esquissant un joli sourire, nous nous excusons et prenons congés avec en tête tous les bons moments que nous venons de vivre.

Je m’endors l’esprit léger, près à découvrir ce pays qui a toujours fait, et fait encore vibrer mon esprit par ces aspects mystérieux hors des standards de la vie moderne à l’occidentale. Il m’attire tel un aimant puissant pour lequel j’aurais travaillé sans effort, au cours des derniers mois de voyage, ma polarité.
Le réveil en ce vendredi 10 Août se fera en douceur. La continuité de l’organisation des prochains jours se fera naturellement. Nous allons tout d’abord acheter les billets d’entrée pour le festival. Nous faisons face aux premiers vrais contacts avec la population locale. Ces derniers se déroulent très bien avec une communication bilatérale forte intéressante. Le sourire sera là encore un moyen puissant d’interagir avec autrui, de modifier les paramètres de la connexion avec son interlocuteur et de pouvoir constater un sensible changement au niveau des traits du visage des individus côtoyés.

Pass en poche pour le festival, monnaie locale acquise dans un distributeur, nous prenons la direction du marché pour y découvrir les principaux produits frais vendus sur ces hauts plateaux. La part est belle pour les bananes, les noix de coco, les ananas, différentes herbes et plantes vertes à cuisiner, quelques fruits tropicaux et légumes. Le lauréat de la plus grande quantité revient sans hésiter à la pomme de terre douce, dénommé dans la région sous le terme «Koko»! Cette dernière est, à ces altitudes, l’élément de base de la nourriture quotidienne. Les acheteurs un peu plus fortunés peuvent aussi se procurer des poulets, cochons, œufs, cigarettes, tissus, sacs typiques du pays, appelé Billong.

Le produit phare pour les locaux, engendrant un business monstrueux dans tout le pays, n’est pas présent dans l’enceinte de ce marché. Il est à disposition dans de nombreux petits stands à l’extérieur de ce dernier et partout en ville ou dans les campagnes. Il s’agit de la buai ou, en français, le bétel. Il occupe une place centrale dans la société papoue. Le bétel désigne le mélange de la noix d’arec, issue d’un palmier, à mâchée avec le haricot du poivrier et une chaux le plus souvent issue de coraux brûlés, réduits en poudre blanche. La réaction chimique, qui en résulte, produit un jus rouge légèrement excitant voir droguant! Les habitants, toutes strates de la population confondues, passent une grande partie de leur temps, de leur argent et de leurs efforts pour aller en chercher dans la région de la côte, seul endroit où la noix pousse,se l’échanger ou simplement mâcher cette substance particulière. Des trainées rouges jonchent le sol. Il s’agit du jus recraché par chacun et parfois pas d’une façon des plus élégante...

Première approche du pays effectué, il est grand temps pour Nicole et moi-même de rentrer à la mission pour procéder au changement de logement. Neil nous accueille chez lui. Nous sommes immédiatement projetés dans la vie d’un expatrié en PNG. Nous faisons la connaissance de sa jeune femme Papoue, Florence accompagné dans la région par sa sœur, Stella. Ils se sont rencontrés en effet à Lae, sur la côte d’où elles sont originaires. En raison du travail de Neil, ils se sont trouvés catapultés à Hagen, il y a tout juste un peu plus d’un an. L’accueil est chaleureux. Nous nous sentons les bienvenus et prenons directement quartier dans la chambre d’amis. La maison est grande, dotée d’eau chaude, des appareils électroménagers modernes (télévision, lave-linge, micro-onde,…). Nous constaterons que la différence de niveau de vie est énorme, si nous comparons avec les standards de la vie dans les villages du pays que nous allons arpenter un peu plus tard. L’absurdité de la situation et le contraste entre ces 2 façons de vivre cohabitant tant bien que mal va rythmer notre emploi du temps des jours à venir.

Ballade en ville, discussions, découverte des habitudes en PNG et soirée au Hagen club seront les principales activités de cette première journée complète sur le territoire. Dans la rue, les personnes nous dévisage, surpris de voir deux blancs se promener seuls à pied. L’interrogation se lit facilement sur les visages. La curiosité pousse certains à venir entamer une discussion avec nous. Un homme nous interpellant dans la rue et nous sermonnant, de manière virulente, sa foi, provoque instantanément un regroupement de plus de 50 personnes qui nous encerclent. Pour éviter que la situation ne dégénère, aidé par un local nous faisant signe, nous nous extirpons de ce piège qui se referme doucement sur nous. Quoi qu’il en soit, je ne me suis jamais senti menacé comme les missionnaires ou Florenceont pu nous le mentionner. Chaque sourire que j’esquisse ne reçoit pas obligatoirement un grand sourire en retour. Mais c’est généralement le cas. Même si parfois, les visages restent fermés, si le regard foncé et inquisiteur n’évolue pas, je peux noter un sensible changement et sûrement pas le moindre signe d’une possible agression. Un peu plus tard, de l’autre côté de la barrière, au Hagen Club, nous nous sentons déjà comme chez nous. Nous sommes accueillis les bras ouverts par les expatriés et leurs femmes en soif de nouvelles histoires, d’un nouveau divertissement dans leur vie monotone. Ce sang neuf de jeunes voyageurs leur permettent le temps d’un instant de s’en échapper. Ils se trouvent entre les 4 murs d’une communauté cloisonnée de leur «prison dorée», constituée de leur lieu de travail, leur 4x4 rugissant et leur maison au standard européen mais entourée de barbelés et surveiller 24h/24 par un gardien. De fil en aiguille, nous multiplions les connexions avec les membres du club. Nous obtiendrons des billets gratuits pour le bal, événement majeur, qui a lieu tous les ans pendant le festival culturel de la ville. Nous devons cette grande faveur à George Leahy. Homme de petite stature, d’une soixante d’années, il possède un charisme important et fort. Il possède un vaste empire minier, manne financière colossale. Mais plus incroyable encore, il est le fils de Danny Leahy, qui, à la recherche d’or, avec son frère; Mick, ont découvert en 1930 une population de plus d’un million d’habitants, vivant sur les hauts plateaux, lieu actuel de notre rencontre, et alors totalement coupé du monde moderne en pleine ébullition révolutionnaire technologique. Nous sommes donc en présence d’une influente dans le pays. Ces origines irlandaises, similaires à celle de Nicole, finiront de sceller un lien fort entre nous. Nous sommes définitivement intégrer dans ce cosmos bien spécifique de l’expatrié en PNG. L’argent y coule à foison en raison des business miniers, de productions de café et tabac, très juteux. Nous sommes alors à mille lieux des réalités du peuple qui survit grâce aux seuls apports de la nature et de ce sol riche et fertile.
Mais revenons au plus proche de la population, des différentes cultures et des traditions qui font la splendeur de ce pays! Plongeons en cette journée du samedi 11 Août 2012 dans des temps immémoriaux où la vie des tribus était régler par des combats inter-ethnies, entre villages voisins où seuls les esprits et les chefs de clan rythmés la vie de la population sous leur responsabilité. Ces réalités sont toujours d’actualité de nos jours, seul l’accoutrement vestimentaire et le monde moderne, qui essaie petit à petit de grignoté du terrain et de créer des besoins non primitifs dans les coins les plus reculés de notre planète, sont venu amenuiser ces pouvoirs! Le christianisme est venu aussi se suppléer ou se combiner aux croyances animistes. Les tribus ne vivent plus en autarcie. De nombreux échanges ont lieu dans tout le pays et de plus en plus de produits modernes font leur apparition dans les foyers. Mais n’oublions pas que tout de même encore plus de 85% de la population vit seulement grâce à une agriculture d’autosubsistance et qu’elle ne possède aucune entrée d’argent régulière. Le troc, les échanges font encore partie du quotidien. La suite de mon périple sera au plus proche de ces réalités.

En attendant, je vous emmène dans un univers onirique pendant ces 2 jours de festival culturel. Je vais y découvrir les peintures et les habits revêtis pour les événements importants tel que les mariages, décès mais principalement aussi les combats, dans le but d’effrayer l’ennemi, de magnifier le corps lors des événements majeurs de la vie et de se démarquer des tribus voisines afin d’affirmer l’appartenance à un groupe.

Dès 7h00 du matin, Neil nous dépose avec Nicole aux portes du lieu de rencontre de ces différentes tribus. Les portes sont closes et elles le resteront encore pendant plusieurs heures. Mais l’activité est ailleurs, non pas dans cet enclos vide, mais dans les environs où les préparatifs s’intensifient. Aidés par des locaux, nous sommes accueillis par une tribu qui a investie pour l’occasion deux huttes en bois. Branle-bas le combat! Hommes d’un côté et femmes de l’autres s’affairent pour préparer leur tenue. Différents étapes son entreprises dans le processus. La première consiste à peindre son visage et parfois des parties du corps avec des colorants naturels trouvés sur leur terre. La constitution du chapeau est une étape importante, surtout pour les femmes, qui font revêtir une parure exceptionnelle. Leur chapeau est un assemblage gracieux de plumes d’oiseaux, entre autre celles du fameux oiseau du paradis, d’insectes, de coquillages, de bois et toutes autres ressources intéressantes provenant directement de l’exploitation de leur sol. La bonne humeur est de rigueur. Le partage de ces moments assez intimes avec des étrangers se fait naturellement. Nous sommes les bienvenus et cela se ressent. Pas le temps de s’appesantir, de réfléchir à ce que nous vivons, nous sommes happer par l’émulation, porter par les tribus se rapprochant du lieu de festivité…

Dans un champs de nombreux autres villages sont assemblés. L’intensité augmente encore d’un cran. Les tenues sont plus resplendissantes les unes que les autres. Les aspects multicolores et intenses des parures et peintures attirent mon attention, détourne mon regard dans toutes les directions. Je ne sais plus où donner de la tête. Les premiers battements de tambour retentissent dans le ciel, les « Singsings » (chants en Tokpisin, langage usité pour communiquer entre les différents clans) les accompagnent créant ainsi une atmosphère envoûtante. Mon esprit s’évade. Je rentre dans un état de transe qui ne va pas me quitter pendant de longues heures. Vivre des moments révolus dans notre société moderne devient alors une réalité de mon présent. Je suis téléporter dans un monde de traditions qui m’a toujours fasciné et le moment vécu ira bien au-delà de mes espérances. L’envoutement est complet.
Je fais très rapidement abstraction de quelques autres touristes présents. Ils sont venus en grands groupes organisés, possèdent de l’argent, et traitent parfois nos semblables comme des bêtes de foire. Certains semblent n’accorder aucune importance aux traditions ancestrales. Derrière leur appareil photographique numérique, ils donnent des ordres aux papous pour obtenir l’exacte photo désirée. Je m’éloigne très vite de ces perturbations. Je préfère replonger dans le monde que je viens à peine de découvrir. Je vais lier le plus de contacts possibles avec les tribus, prendre part à leurs danses rythmées.

Les préparatifs étant finis, les groupes rentrent un par un dans l’arène. Chacun possède son propre style, différentes façons de se mouvoir et de s’exprimer artistiquement parlant. Je ne sais vraiment plus où donner de la tête. Je me concentre alors sur une petite zone avec un groupe donné. Je navigue à gauche et à droite. Quand un signal lointain vient interférer et perturber le moment vécu, je décide ou non de changer de lieu pour découvrir encore une fois quelque chose de différent. L’intensité sonore et visuelle atteint son apogée lorsque tous les groupes sont enfin réunis dans ce près verdoyant. Je vais petit à petit revenir à la réalité en raison d’une baisse progressive de l’activité. Une sensation d’épuisement remplace alors petit à petit l’euphorie. Je ne comprends pas immédiatement pourquoi. La réponse est cependant évidente: mes 5 sens ont été mis à rude épreuve pendant un lapse de temps important.


Les participants et la foule venue les admirer prennent congés progressivement. Le temps est maintenant au repos pour pouvoir dès le lendemain produire un spectacle du même acabit. De retour en milieu d’après-midi chez Neil, nous nous apprêtons à un changement drastique d’atmosphère. Le temps est déjà aux préparatifs pour l’événement auquel nous avons été conviés le soir même au Hagen Club. Ce bal est, pour tous les expatriés et leur proche, un moment spécial et attendu de l’année. Dans mon sac de voyageur au long cours aucun vêtement ne peut être approprié pour ce type d’événement. Heureusement, Nick, aux mensurations similaires aux miennes, m’a généreusement proposé de me prêter une tenue digne du standing requis. Nicole sera, quant à elle, totalement habillée par les deux femmes de la maison et Anita, une nouvelle amitié que nous venons de créer au club. Ce n’est pas vraiment dans le lieu que j’avais imaginé, mais je revêts, en PNG, mon premier costume depuis le départ de mon Vol Libre. Cela ne m’a aucunement manqué. C’est néanmoins un réel plaisir de se sentir dans la peau d’un autre homme, que j’ai déjà été, le temps d’une soirée. Une fois encore, j’adore cette sensation de pouvoir, tel un caméléon, changer d’habits et de couleurs pour me morfondre dans un environnement donné.

Tout le monde est sur «son 31». Nous sommes d’attaque pour une soirée mémorable, loin des traditions et cultures propres au pays mais toujours à mille lieux des activités touristiques usuellement pratiquées. Je voulais connaître ce pays en profondeur. J’en découvre dès les premiers jours certains des principaux aspects qui régulent une des dernières frontières de notre planète mélangeant vies traditionnelles et monde moderne!

La douche chaude prise, la robe de soirée enfilée pour Florence, Stella et Nicole, le costume revêtit pour Neilet moi-même, et nous sommes, dès 18h30, aux portes du Hagen Club. Nous sommes dans les premiers arrivés. Nous commençons par discuter, boire un verre à l’étage. Suivrons les photos de début de soirée, et l’entrée dans la salle principale accompagnée pour chacun d’un verre de champagne. Le grand bar miteux, enfumés et peuplés par des expatriés alcoolisés à la bière c’est métamorphosé. Il a lui aussi revêtit son plus beau costume. Nous faisons face maintenant à une pièce embellie par la décoration festive. Les murs sont recouverts d’un tissu noir qui permet de mettre en valeur tous les autres éléments particuliers ajoutés pour jour si particulier: estrade pour le groupe de musique, tables magnifiquement agencées dans l’espace et, sur lesquelles la vaisselle, harmonieusement disposée, scintille. Le buffet impressionnant aux nombres de mets incalculables trône dans le centre de la pièce. Les invités arrivent au compte-goutte. La salle se remplie néanmoins rapidement. La soirée peut alors commencer. Rencontres, discussions sérieuses ou franches rigolades, dégustation d’un succulent repas rempliront une soirée passée à grande vitesse. Nous occuperons, avec les filles et certains autres jeunes hommes, la piste de danse pendant une bonne partie de la nuit. Il est déjà 1h30, en ce dimanche matin! La soirée touche à sa fin. George Leahy nous proposent de prolonger cette dernière chez lui. Nous le remercions chaleureusement mais refusons l’invitation. Un programme chargé et riche en nouvelles sollicitations physiques nous attendent dans les prochaines heures.
Après une courte nuit de sommeil, nous nous apprêtons à vivre le deuxième jour du festival.Nous voici reparti dans une ambiance virevoltante, colorée, puissante en expériences sensorielles et en ressentis physique et psychique. Telle une machine à remonter le temps, ce festival nous plonge dans un monde parallèle où les traditions et coutumes ancestrales régulent le peu de règles régissant la vie de ces tribus primitives… Nous conservons néanmoins toujours un pied dans le présent de notre monde contemporain. En premier lieu, les effets de surprise et de jubilation de la première journée sont passés. J’analyse plus précisément, et avec un niveau de détailsbeaucoup plus important les traditions qui nous sont présentées… Les costumes ne forment plus seulement un bel «ensemble folklorique» mais tous les éléments se détachent les uns des autres. Je ne suis plus simplement emporter par le flux d’informations mettant mes 5 sens à rude épreuve mais je suis capable maintenant de les analyser en profondeur. La modernité nous rattrape aussi rapidement lorsque des participants en accoutrement traditionnel utilisent un téléphone portable. La sponsorisation majeure de ce festival, pour la première année, par l’enceigne Coca-Cola, est un autre facteur démontrant, si cela était nécessaire, l’ambivalence d’un pays en proie au changement. L’envie de ces habitants de raccrocher leurs wagons au train à grande vitesse de la modernité est une réalité. Une globalisation des envies et besoins universels de l’être humain moderne, quel que soit son origine culturelle, est un état de fait! L’organisation de ce festival par un mécénat étranger soucieux de conserver les habitudes culturelles du pays fait déjà parti d’un temps révolu.
Je vole librement au cours de ce projet que j’ai tant désiré. Je conserve néanmoins toujours à l’esprit la topographie du terrain d’évolution qui consiste en l’instant présent conjugué aux réalités géopolitiques et économiques mondiales.

Je reste envouté et fasciné par le spectacle proposé. Les liens que nous établissons, Nicole et moi-même, sont encore plus forts avec la population locale et certains étrangers. Le festival touche à sa fin. L’intensité des chants s’estompe, les tambours se taisent un à un, les jambes lourdes des tribus se caractérisent par un déplaçant à la verticale vers le bas des participants s’asseyant sur la pelouse. Le discours de clôture et les quelques mots de Nicole au Micro de l’organisation, pour représenter les touristes, entérineront une fin prévisible. Je rentre avec des images pleins la tête, des sons résonnent encore au niveau de mes lobes cérébraux…


J’ai vraiment envie maintenant d’aller découvrir encore plus la vie actuelle des habitants de PNG. Une rencontre et une longue discussion avec un jeune, puis son chef de tribu, devrait me permettre, 2 jours plus tard, de me rapprocher de ce but.

Se reposant, en fin d’après-midi dans la maison de Neil, nous allons assister à une vérité beaucoup moins plaisante du nouveau monde urbain de PNG. Implantée sur une petite colline, nous avons une vue plongeante sur le marché et les environs. Brutalement les rues sont enflammées par la violence. Des éclats de verre sont les premiers signes qui nous mettent en alerte. Il s’en suit des cris de la population. Des personnes courent dans tous les sens pour éviter d’être pris dans la tourmente des combats. Un premier coup de tonnerre retentit dans l’atmosphère. Un coup de feu vient d’être tiré. Il s’en suivra plus d’une quarantaine pendant les 2h00 suivantes. Depuis les fenêtres de la maison de Neil, nous assistons impuissants à cette scène horrible. Un peu loin de la scène, nous ne pourrons pas voir les dégâts au sein de la population. Encore interloqué par ce que je viens de vive, je suis simplement heureux d’être sain et sauf et de ne pas m’être trouvé au mauvais endroit dans un mauvais timing. Je comprends alors un peu mieux pourquoi les étrangers ou les habitants d’autres régions peuvent être effrayés. Les combats entre tribus étaient monnaie courante il y a quelques décennies. Cela se ressent encre aujourd’hui dans les comportements de nombreux individus, spécifiquement les personnes en ville qui n’ont rien et trop de temps libre.

Nous n’allons néanmoins pas déroger aux habitudes prises ces derniers jours. Nous nous rendons en début de soirée de nouveau au Hagen Club. Ayant apprécié de porter une tenue habillée, je décide de la porter de nouveau. La soirée sera plus calme mais intéressante pour différents aspects. Le groupe de musique est toujours présent. Nous danserons de nouveau sur des rythmes endiablés. Ensuite, une fameuse chanteuse canadienne en devenir va nous interpréter quelques chansons mondialement connues. Elle est venue pour les 50 ans de sa tante. Ayant fait sa connaissance quelques jours plus tôt, nous savons, que derrière cette voie mélodieuse et puissante, se cache une femme au caractère bien trempé et remplie de sensibilités. Il s’en suit un tirage au sort pour désigner les heureux chanceux qui remporteront quelques beaux cadeaux. La chance du voyageur et des personnes ambitieuses va une nouvelle fois me sourire. Le numéro sur mon ticket va être tiré au sort. Je suis alors le propriétaire d’un téléphone portable Nokia tout neuf. Les contrastes en PNG sont, une nouvelle fois de plus, saisissants. Je ne me plaindrais pas, bien au contraire, car cela me sera sûrement très utile lors de mon séjour en Australie un peu plus tard. Avec Nicole, nous finirons la fin de soirée avec 2 jeunes employés de la croix rouge. Ils nous invitent à venir là où ils travaillent. Les discussions sur leur travail, les problèmes du pays, la dangerosité de certains endroits, les conflits encore fortement présents, les comportements horribles vis-à-vis de nombreuses femmes mais aussi la gentillesse d’une majorité des habitants, la beauté du pays… Avant même de nous lancer vraiment dans l’aventure, ces échanges vont nous permettre de comprendre un peu mieux la vie quotidienne qui se trame en PNG.
Le lendemain sera une journée plus calme sur Hagen. Les échanges avec Nicole vont me permettre de constater que nous partageons de nombreux points en commun dans notre façon d’être, nos comportements, nos envies, nos fortes personnalités. Ces similitudes sont flagrantes. Nous ferons, pour sûr, de très bons compagnons de voyage. Mais ce n’est pas sûr qu’une amitié soit réellement possible dans la vie de tous les jours. Je découvre, chez elle, une sensibilité exacerbée. Derrière ces certitudes, son besoin de contrôle, l’affirmation d’un féminisme extrême, se cache une femme pouvant fondre en larmes devant un quasi inconnu dès que nous évoquons des sujets sensiblespropre à son expérience de vie passée ou en cours. Il est intéressant de discuter avec elle et de comprendre le chemin qui l’a conduit ici en Papouasie Nouvelle-Guinée aujourd’hui.

Le séjour à Hagen aura été très agréable. Les rencontres, les échanges nous aurons déjà apportés beaucoup. Cependant, le temps est maintenant à l’action, au mouvement. Nous plions bagages et partons à la découverte de ces contrées, qui devraient être un vrai terrain de jeu pour de nouvelles aventures.

Comme convenu par oral 2 jours plus tôt, mardi matin à 8h00 tapante, Mr Kuipa, chef du village de Polga, est venu nous chercher près du marché où il vient de faire quelques emplettes. Il est accompagné de Salie, femme de son fils aîné. Elle parle un parfait anglais et elle sera d’une aide précieuse durant notre séjour. Ensemble, nous prenons un P.M.V. (« Public Motor
Vehicle » qui est un van pour le transport des locaux) pour nous rendre dans le village quelques dizaines de kilomètres plus loin. Sortant rapidement de la ville, de ces amoncellements de détritus et de ces rues boueuses, nous sommes immédiatement plongés dans un paysage verdoyant d’une campagne foisonnante. Après un peu plus de 45 minutes de trajet, nous atteignons leur lieu d’habitation. Sa maison se trouve dans un environnement humide composé d’arbres et de fleurs tropicaux. Il possède un grand terrain qui nous réservera quelques surprises. Ils nous présentent tout d’abord, 2 de ces 6 femmes. La polygamie est en effet largement répandue dans le pays.La seule obligation morale étant de pouvoir et de devoir fournir la même qualité de vie aux nombreuses différentes épouses. Elles possèdent chacune une grande pièce de vie dans différents bâtiments. Elles élèvent ensembles les nombreux enfants. Il est l’heureux père de 10 enfants qu’il a eu seulement avec trois de ces femmes.
Nous déposons nos affaires dans la pièce qui nous servira de résidence. Nous pouvons maintenant partir à la découverte de certains endroits mystiques de ce lieu de résidence. Le chef nous conduit d’abord dans la maison des esprits qui est accessible, par le commun des mortelles, seulement en journée. Cette hutte de bois contient des pierres rondes et lisses sacrées. Des ossements de cochons, chèvres et animaux sauvages ornent les murs de ce lieu accueillant les esprits des environs, les âmes déchues. Ce lieu permet de communiquer avec eux. C’est aussi un passage obligé pour le corps d’un défunt avant d’être enterré auprès des siens et de rejoindre ces ancêtres! Un peu plus loin dans une autre clairière se détache une maison comprenant d’autres objets culturels ; une flûte à bec en bois de bambous, des gourdes en terre cuite, des lances en bois, armées d’une pointe métallique, des boucliers, des ornements pour les guerriers ou les danseuses de la tribu. Continuant notre visite, nous découvrons ces plantations et ces cultures agricoles d’autosubsistance.

La fin de la journée se passera dans un jardin aménagé parsemé de jolies fleurs auprès de la maison principale du chef de tribu. Nous passerons beaucoup de temps à discuter de la vie qu’ils mènent, de la culture, des croyances, des religions, des habitudes.

A 16h00 tapante, il est déjà temps de commencer à préparer le diner. En effet, chaque besoin vital et journalier pour l’être humain demande rapidement un temps infini. Après avoir récupérés du bois, nous allumons un feu pour la cuisson des différents éléments qui constitueront notre repas! C’est un vrai festin qu’ils s’apprêtent à nous offrir. Pour rappel, l’alimentation de base, sur ces hauts plateaux, est patates douces, bananes, et légumes verts à base de plantes locales. Riz et pâtes sont des éléments exportés par forcément accessiblepour celui qui n’a aucune rentrée d’argent. Pour l’occasion, ils ont achetés un poulet. Ce dernier est vivant quand il arrive dans la cuisine. Il se débattra quelques instants lorsque Salie plantera un couteau dans sa gorge. Le sang coulant le long de son cou avant de finir dans un récipient sera le signe de la fin de son agonie. La seconde étape consistera à le tremper dans de l’eau bouillante, cette action facilitant grandement le plumage à la main du poulet. Utilisant une machette, nous séparons ensuite le poulet en 4 parties principales, plus le cou et la tête d’un côté, et les entrailles mises de côtés. La cuisson se passera à l’étouffée dans une grande casserole en forme de Wok. Un fond d’eau, de l’huile, du sel et des herbes seront les ingrédients supplémentaires introduit pendant la cuisson. 45 minutes plus tard, après avoir été régulièrement arrosé et retourné, les pièces de viandes sont prêtes à être dégustées. Reste néanmoins encore à préparer les différents féculents et légumes qui l’accompagneront. Nous allons donc cuire par la suite du riz, des légumes verts que nus mixerons avec des pâtes instantanées type chinoise. Il ne reste plus qu’à faire bouillir l’eau pour servir le thé sucré.

Il est 19h30 quand nous commençons à déguster notre repas, qui vous vous en doutez, n’est pas vraiment chaud, à peine tiède, mais composé de bonnes saveurs. Le chef, Sali et sa deuxième femme resteront avec nous pendant que nous dégusterons les différents mets mais ils ne se joindront pas à la tablée. C’est une tradition dans le pays de servir en premier lieu les invités être sûr qu’ils auront assez à manger, de les accompagner en début de soirée et de finalement manger les restes une fois que les invités aient pris congé pour la nuit. Nous discuterons encore ensemble en ce début de soirée avant de nous retirer dans « nos appartements ».

Un lien fort se crée déjà entre nous et cette famille. Il ne fera que se renforcer les 2 jours suivants. Nous vivons, mangeons et respirons maintenant comme et avec les papous des hauts-plateaux. Découvrir les petits marchés, écoles, cimetières, églises bien implantées dans la culture et le paysage local, fermes et plantations seront différents points d’arrêts lors de nos différentes visites et ballades à pied dans le village. Nous allons faire de nombreuses autres rencontres, échanger, rigoler, nous voir offrir des fruits et légumes. J’essaierais aussi pour la première la noix d’arec associée au haricot du poivrier et à la chaux de coquillage. La réaction chimique est immédiate, l’effet euphorisant est instantané. Une sensation de fraîcheur monte au cerveau et joue avec mes sens pendant quelques minutes. Je ne suis pas un grand du goût, de l’obligation de mâcher cet ensemble qui se décompose en petit morceau dans la bouche. J’aurais quoiqu’il en soit essayer ce produit local incontournable et cela me plait de pouvoir avoir expérimenté ce que les papous font tous les jours. Je ne renouvellerais seulement pas l’expérience. Pendant le reste du séjour, nous occuperons le reste de notre temps, à jouer entre les gouttes, à lire, écrire, discuter, préparer les prochains repas. Nous allons apprendre par exemple comment ils cuisent directement dans les braises les pommes de terre douces. Les 2 dîners suivant, sur notre requête, nous mangerons tous ensemble et seulement avec les produits alimentaires qu’ils consomment au quotidien.

Le temps est venu de partir pour la prochaine étape. Le but sera cette fois-ci de nous confronter à la nature et d’escalader le plus haut sommet du pays; le Mont Wilhelm! Notre départ du village provoquera quelques déchirures. La deuxième des femmes du chef sera la première à verser des larmes. Emu, c’est le cœur serré mais léger que je continue l’aventure avec Nicole. Cette vraie première expérience avec le peuple papou fut exceptionnelle. J’espère bien évidemment que ce ne sera pas la dernière.

Sautant dans un P.M.V., nous voici arpentant un trajet qu’il dénomme par la «Highway» (autoroute) de Papouasie Nouvelle-Guinée. Cette route plus ou moins bien entretenue, comprenant parfois de grosses ornières, ou étant encore parfois un simple chemin de terre, commence à 150 kms à l’Ouest d’Hagen et descend jusque sur la côte Nord vers les deux villes principales de la région Lae et Madang. Elle traverse dans ces premiers tronçons de fabuleux paysages de montagnes.
Après 2h00 de trajet, nous nous arrêterons à Kundiawa, lieu de départ de la piste menant à Kegsul. Quand je parle de piste, je n’amplifie aucunement la réalité du terrain. Il s’agit d’un chemin de terre complétement défoncé qui serpente pendant plusieurs kilomètres les contres-forts du plus haut sommet du pays. Seul un véhicule 4 roues motrices peut s’aventurer sur ce chemin en espérant conduire les passagers à leur destination finale. Nous attendrons ce moyen de transport aux abords du marché de la ville. La chaleur est accablante en cette fin de matinée. Nous sommes les seuls blancs dans les environs et automatiquement tous les regards se tournent vers nus. Les visages laissent transpirer différentes émotions, différentes intentions! Certains locaux semblent bienveillants. Ils vont directement nous prendre sous leurs ailes. Ils nous proposent leur aide et nous acceptons volontiers. De nombreuses personnes interpellées par notre présence se rapprocheront pour nous saluer. Dans les rangs de nos bons samaritains, les avis vont diverger concernant lequel des véhicules empruntés pour nous rendre à la fin de la piste et au début du trek. Certaines personnes imposeront leur point de vue aux autres en nous expliquant pourquoi l’un plutôt que l’autre. Nous sautons finalement sur la plate-forme arrière d’un 4x4 Toyota rouge. Un des hommes monte à nos côtés dans le véhicule. Il s’appelle John et nous dit qu’il peut nous guider jusqu’à destination. Les différences culturelles, une mauvaise compréhension, des intentions de chacun opposées et un possible appât du gain pour cet homme provoqueront un peu plus tard, une situation que nous n’avions pas souhaitée mais qui va encore nous apprendre énormément sur le pays et la façon d’agir. Il s’affirme très vite de lui-même, aux autres passagers comme notre guide pour gravir le sommet. Nous n’en avons pas discutés ensemble, nous n’avons pas trouvé d’accord sur les modalités entre autre financières qu’il s’est déjà proclamé comme tel. Malheureusement nous n’allons pas réagir assez rapidement et comme nous aurions dû pour dissiper tout malentendu. Nous lui répétons simplement que nous n’avons rien décidés et que nous n’avons pas la certitude d’entreprendre l’ascension avec lui… Rien à y faire!
Nous sommes secoués dans la montée, sur ce chemin chaotique. Les 5h00 assis sur nos sacs à faire du trampoline en discontinue ne seront pourtant pas déplaisantes. Une fois encore, les paysages de montagnes sont à couper le souffle. Lors de notre passage, dès que les habitants, de 4 à 84 ans, nous aperçoivent, une excitation démesurée les envahies. Les jeunes enfants crient «White mens» et ils courent après la voiture. Tous répondent à nos sourires et nos salutations par de grands signes de la main, des deux mains, des gestes de la tête. Les visages tout d’abord étonnés se trouvent rapidement illuminés. Dans le 4x4 l’ambiance est au beau fixe. 2h00 après le départ de Kundiawa, nous nous retrouvons bloqués pendant de longues minutes. Des habitants élaguant les abords de la piste ont coupés un arbre imposant. Il barre complétement le chemin. La découpe à la hache d’un tronc d’environ d’un mètre de diamètre demandera du temps. Copeaux après copeaux, la sueur au front, ils arrivent à bout de la séparation de 2 imposants blocs de bois. Grâce à un système ingénieux de pousser et de glissement, la route se dégage finalement.

Je vais comprendre un peu trop tard que la personne qui nous aide n’habite pas à Kegsul mais bien plus bas. Il est persuadé qu’il sera notre guide. Il est persuadé que quoi qu’il arrive, il percevra une rémunération. Nous avons beau eu lui répéter avec Nicole que nous devions d’abord définir ensemble les modalités de notre voyage ensemble, il continue de s’affirmer comme notre guide. L’arrivée à Kegsul, au niveau de l’aéroport désaffecté signera la fin de la chevauchée en véhicule motorisé. Encore trente minutes de marche et nous atteignons le début du trek pour le sommet et un Lodge réputé, celui de Betty. Il nous a été conseillé par Georges Leahy. Le standard de cet hôtel est élevé: eau chaude, insert et feu de bois, grandes pièces, salon, restaurant, literie confortable. La fréquentation étant quasi-nulle depuis que l’aéroport à fermer, les intendantes ont demandées à la patronne d’adapter le prix en fonction de la clientèle qui se présente. Un peu de lue à petit prix, cela ne se refuse pas! Nous discutons finalement avec John des modalités du trek que nous nous apprêtons à faire. Nous tombons d’accord sur l’horaire de départ le lendemain et sur le prix de sa prestation. Un seul hôte est déjà présent dans le Lodge. Il assistera à nos pourparlers et nous donnera quelques conseils. Une fois cette étape terminée nous allons prendre un peu plus de temps pour échanger. Il s’agit d’un australien de 30 ans qui se prénomment Nick. C’est le premier autre backpacker que nous sommes amenés à rencontrer. Il a gravi le sommet le jour précédent avec des israéliens et a décidé de passer une journée à se reposer dans ce lieu paisible avant de continuer son chemin. Encore une fois, chaque détail, chaque décision de chacun peut changer le cours du temps pour soi et autrui. Cela deviendra une réalité quelques jours plus tard principalement pour Nick et moi…

En raison de l’altitude, la soirée dans ces lieux va être fraîche, froide en extérieure. Mais peu importe pour nous. Après une bonne douche chaude, après s’être réchauffé auprès du feu, et avoir bu un bon thé chaud, un magnifique repas nous est servi à table. Il s’agit de poissons frais provenant de la ferme d’aquacultureappartenant aussi à Betty. Régina et Maria nous servirons avec de nombreux légumes et féculents provenant du jardin potager qu’elles entretiennent avec minutie; carottes, petit-pois, pois chiches, pomme de terre, légumes verts et patate douces. La fatigue prenant le dessus et l’électricité procurée par un groupe électrogène s’arrêtant assez tôt seront les déclencheurs d’un repli stratégique sous nos couettes moelleuses et épaisses.

A 5h30 du matin, le réveil retentit dans la pièce. A l’heure dite, 6h00, Nicole et moi-même nous tenons sur le pas de la porte prêt à attaquer l’ascension. Une heure plus tard, Jon n’a toujours pas donné signe de vie. Nous ne lui faisions déjà pas entièrement confiance après les quelques entourloupes qu’il a déjà effectué et sa façon d’agir à des années lumières de nos standards. Envisageant forcément le pire, nous sommes prêts à sauter sur toutes opportunités qui se présenteront à nous. Maria se propose de nous trouver un guide en urgence pour partir immédiatement. Après quelques instants de réflexion, nous acceptons sa proposition. Un quart d’heure plus tard, Max surgit de nulle part. Dès le premier contact, une énergie intéressante nous lie à trois. Celle-ci va se confirmer au cours des premières heures de notre randonnée. Avançant dans une jungle tropicale dense et humide, nous apprenons à nous connaître. Il nous donne des informations sur la région, le climat, les conditions de vie. Nicole désire se retrouver seule pour méditer et profiter à sa manière de la nature environnante. Cette requête est complétement contre les règles de déontologie d’un guide. Après avoir longtemps argué, Max acceptera cette dernière. Nous avançons petit à petit, attendant Nicole après chaque quart d’heure de marche. Les paysages changent petit à petit, la végétation évolue avec l’altitude, des espaces ouverts possédant de l’herbe se présentent alors à nous. Nous entamons une partie qu’il dénomme par le terme de savane. Nous atteignons un point de vue qui nous permet d’admirer toute la vallée en contre-bas et d’apercevoir le village de Kegsul que nous avons quitté 2h00 plus tôt.

Un événement inattendu va se produire confirmant une nouvelle fois le dicton réglant la vie ou visite en Papouasie Nouvelle-Guinée («En PNG, attendez-vous à l’inattendu!»). Deux voies se font de plus en plus fortes. Nous ne sommes plus seuls sur ce flanc de montagne. Il s’agit du propriétaire des terres, à qui nous avons payé un droit de passage, et de John. Ils nous ont rattrapés et ils demandent réparation. Que dis-je, ils nous demandent que l’on paie la totalité de la somme convenue pour la prestation de guide à John. Selon eux, nous sommes en tort et c’est nous qui avons changés décider d’engager un autre guide sans raison. La stupéfaction est de rigueur. Le ton monte. Nous ressentons de la violence dans leurs propos, le but étant bien sûr l’intimidation. Les différences culturelles ont jouées un rôle important pour en arriver à ce point de non-retour. Les pourparlers vont durer de longues minutes. N’étant pas dans notre pays et nous voulant surtout pas envenimer les débats et créer un problème majeur, nous allons calmer les débats. Une solution à l’amiable sera trouvée, nous nous entendrons sur un dédommagement. Ils s’en retourneront et disparaitront aussi vite qu’ils nous avaient rattrapés. La pression retombe très vite. Nous échangeons 5 minutes de plus sur cet événement. Max s’excuse mille fois, nous le rassurons et lui confirmons qu’il n’y est pour rien. Reprenant notre marche en avant, nous ne regarderons plus en arrière. Analysant, plus tard, la situation, je reste persuadé que ceci fut un mal pour un bien. Nous avons gagnés à l’échange concernant notre guide. Nous sommes maintenant entre les mains d’un guide plus expérimenté, passionnant, avec qui l’atteinte au sommet est envisageable. Ça sera l’unique fois aussi pendant tout le séjour que je serais confronté à un problème avec un papou. La relation établie, avec Max dès le départ, restera au beau fixe jusqu’à ce que nos chemins se séparent quelques jours plus tard. La nature nous offre dans ces montagnes un spectacle magnifique: palmiers, torrents, cascades, bruits d’insectes, dizaines d’oiseaux s’amusant dans leur terrain de jeux favoris: le ciel et les arbres!

1h30 de marche plus tard, nous atteignons le camp de base marquant la fin de cette première courte étape. Le refuge se tient juste aux abords d’un lac dans lequel se reflètent les montagnes environnantes. Le ciel est bleu, le soleil réchauffe l’atmosphère. Nous avons toute la fin de journée pour apprécier l’endroit! Après avoir rincés quelques affaires, repris des forces, nous allons nous balader autour du lac. Allongés dans les herbes hautes, nous profitons simplement de la vue et du fait que nous soyons seuls. A 17h00, la nuit tombe rapidement. Nous avons déjà commencés, au feu de bois, la préparation du dîner. Nous mangeons très tôt et nous préparons à aller nous coucher, peu avant 19h00, quand un groupe d’expatriés fait éruption dans le refuge. Ils viennent de Port Moresby, ils sont avec un guide. Ayant seulement le week-end pour profite r de l’endroit, ils ont dû sérieusement compacter leur séjour et l’ascension. Rompant notre solitude plaisante, ils s’installeront, préparerons leur diner. Nous échangeons un peu avec eux avant de partir nous reposer. Le réveil est prévu à 00h30, départ 1h00 plus tard.
Le ciel est clair et remplie d’étoiles quand nous quittons le camp de base au milieu de la nuit. Armés de lampes torches ou frontales, nous entamons une longue ascension dans le noir complet. L’autre groupe ayant décidé de se lever une heure plus tard, nous continuerons notre aventure à 3. Personne ne viendra plus interrompre cet esprit d’équipe en petit comité. Je prends très vite le leadership du groupe ne pouvant pas rester derrière Nicole qui avance à son rythme. Je vais passer, pendant cette montée, plus de temps à attendre qu’à marcher, mais cela n’aura aucune importance au final. Nous avons entrepris cette ascension ensemble et ensemble nous allons faire le nécessaire pour atteindre l’objectif fixé. 2h00 après le départ, un changement climatique brutal va changer totalement la donne. Les nuages envahissent rapidement le ciel. Atteignant une altitude de plus en plus élevée, nous sommes rapidement pris dans un épais brouillard. Continuant l’ascension, nous sommes maintenant dans les nuages. Très rapidement, nous nous retrouvons totalement détrempés. Les effets de l’altitude et de la fatigue jouent de plus en plus sur le physique de Nicole. Elle ralentit de plus en plus son rythme, recherche son souffle. L’attente pour Max et moi devient de plus en plus longue mais elle persévère, se bat contre la nature et les réactions de son corps.

Le jour se lève doucement éclairant, tant bien que mal, un paysage chargé en condensation de vapeur d’eau. A 7h30, nous nous retrouvons à seulement quelques mètres du sommet devant des rochers à pics. Encore quelques derniers efforts à effectuer. Nous escaladons certains des rochers avant d’atteindre le sommet du Mont Wilhelm à 4509 mètres d’altitude. La joie d’avoir gravi la plus haute montagne de Papouasie Nouvelle-Guinée est présente. Le froid, le vent et le temps qui passe nous pousse néanmoins à rebrousser chemin rapidement. Pas de vue jusqu’à l’océan comme promis. Nous ne pouvons qu’accepter cet état de fait. La nature en a décidé ainsi. La montagne n’est pas toujours un terrain de jeu ponctué uniquement de plaisirs mais parfois de souffrance et de dépassement de soi.

La descente sera plus rapide mais pas moins dangereuse. Le terrain déjà glissant est devenu une vraie patinoire. Tous les endroits recouverts simplement par de la terre sont les plus dangereux. Chacun aura le droit à ces frayeurs, ces quasi-chutes, ou certaines réelles qui les pousseront à se retrouver les fesses à terre. Les articulations des genoux travailleront aussi énormément. Désirant finalement aller à mon rythme, je pars seul devant pour revenir au camp de base. Mon sac refait, j’attendrais Nicole et Max au camp de base. Nous prendrons le déjeuner ensemble avant de finir la descente pour atteindre Betty Lodge. Une fois encore, je prends les devants. Je vais apprécier grandement la solitude dans cet environnement. J’écoute les différents sons qui m’entourent. Nombreux d’entre-eux proviendront d’oiseaux hors de portée visuelle. Certains rentreront dans mon champ de vision mais disparaîtront aussi rapidement qu’ils sont venus dans la forêt tropicale où la densité de la végétation est très importante, trop importante pour espérer suivre un oiseau qui se meut de branche en branche. Enfin certains, même si en petit nombre, se laisseront admirer. Ça sera le caspour un couple de perroquets au plumage majoritairement vert. J’observerais aussi un oiseau du paradis noir. D’autres oiseaux dont je ne connais pas exactement le nom seront de couleur jaune, bleu, rouge. Avant d’atteindre le village, je tomberais nez à nez avec un Wallaby. Contrairement à ce que j’aurais pu croire ça ne sera pas en Australie que je vais voir, en liberté, pour la première fois, un des congénères de la famille des kangourous. Je suis néanmoins impatient de découvrir un peu plus tard son fameux grand cousin qui vit en nombre, sur l’île voisine que les papous surnomment leur grande sœur…

La nature m’a réservée un beau cadeau lors de cette descente finale. 15h00 après le départ dans la nuit, je finis cette longue journée de marche. Détrempé, boueux, j’atteins néanmoins le Lodge avec un grand sourire qui éclaire l’intégralité de mon visage. Laver les affaires, puis les faire sécher, prendre une douche chaude, se réchauffer auprès du feu, et discuter avec les personnes de l’autre groupe, qui n’a pas atteint le sommet, seront les principales activités de la soirée.

Se reposer une journée pour se remettre de l’ascension, hors de question! Le temps est limité pour Nicole et nous avons encore quelques aventures à vivre ensemble. Un but précis nous guide vers la côte. Levé à 5h00 du matin, nous ne savons pas encore que nous nous apprêtons à vivre un trajet de plus de 26h00 pour atteindre Madang sur la côté Nord du pays. Max nous accompagne pour une marche d’une heure dans le but d’attraper le premier véhicule qui redescendra vers Kundiawa. La descente sera plaisante avec un magnifique et coloré lever de soleil, deux arcs-en-ciel et la traversée de paysages toujours splendides. Malheureusement nous sommes dimanche et le fait d’arriver, comme désiré, à 6h00 à la jonction de départ des PMV, ne nous servira à rien. Aucun transport ne pointera le bout de son nez. Le premier PMV et le seul qui fera son apparition est celui commandé par le groupe d’expatriés. Plier en quatre avec Nicole, nous trouvons cela hilarant. Nous éclaterons plusieurs fois de rire lors de la remontée avec le 4x4 jusqu’au Lodge pour récupérer ceux qui attendent patiemment. Nous venons déjà de prendre 3h00 de retard sur le planning prévisionnel devant normalement nous conduire à destination en 12h00.

L’habitude aidant, nous prenons cela avec philosophie. La descente pour rejoindre Kundiawa est tout aussi spectaculaire que lors de la montée. Seul un arbre au milieu de la route, encore un me direz-vous, viendra stopper la quiétude de ce voyage en douceur si l’on fait fides mouvements de terrain.

Ne voulant pas attendre que la route soit dégagée, nous grimperons dans un PMV se trouvant en Aval de l’arbre. Le chauffeur peut s’en problème nous conduire jusqu’à Kundiawa quelques kilomètres plus bas. Un des hommes occupés à abattre et découper cet arbre ne sera pas de notre avis. Il nous rejoint et demande une somme d’argent, une compensation pour le simple fait d’avoir passé cet arbre obstruant notre chemin. Une nouvelle fois le ton monte, la colère se perçoit dans tout son corps. Je ne prendrais pas part aux échanges estimant qu’il y a déjà trop de personnes impliquées. Discutant, arguant, l’incident sera conclu sans créer de trouble ou sans d’aucune manière à avoir à lui remettre une somme d’argent. La population s’étant agglutinée autour du véhicule s’excusera pour son comportement. Nous finirons après cela notre chemin en quelques minutes.

A Kundiawa, le temps va jouer en notre faveur. A peine 10 minutes après être arrivé, un véhicule prend la direction de Madang. Sans transition, nous sommes partis pour la suite du trajet. Au bout de nos surprises vous croyez, détrompez-vous! De nombreux passagers descendent à Goroka, une ville assez importante des hauts plateaux. Le conducteur va tourner plus de 3h00 dans la ville afin de trouver assez de passagers pour rentabiliser son business privé. Le temps sera long. Notre seul choix sera pourtant de prendre notre mal en patience. Il est donc 18h00 quand nous quittons enfin cette ville pour continuer la descente vers la côte. Les montagnes se transforment en paysages vallonnés recouvert d’herbe seulement. Je n’avais encore jamais vu de tels terrains esthétiquement et visuellement intéressants. La nuit tombant, nous allons voyagés la suite du trajet en convoi avec d’autres véhicules. Le but est de se protéger au maximum de possibles attaques. Les arrêts seront nombreux. Nous dormirons à même le sol pendant plus de 3h00 aux abords de Madang. Pour des raisons de sécurité, les véhicules ne rentrent pas en ville avant l’aube. Les discussions avec les locaux, lors de ces nombreux stops, nous permettent de savoir que la majorité d’entre-eux voyagent dans le but d’acheter les noix d’arec qu’ils revendront beaucoup plus chers sur les hauts plateaux. En effet, ces dernières ne poussent que sur la côte nord du pays, principalement dans la région du Sepik. Les acheteurs font donc un long trajet afin d’acheter à bas prix les noix sur leur lieu de production. Ce ne sera pas la dernière fois que je vais suivre ce flux commercial et profiter des moyens de transport mis en place pour en assurer la continuité. Nous pouvons alors les highlanders d’être des fans de ce produit addictif.

Il est 7h lorsque nous rentrons dans Madang. Nous trouverons un agréable logement, en bord de mer. L’ambiance y est agréable et une particularité de cette auberge de jeunesse va retenir notre intention. Une partie des bénéfices et reversée à différentes associations qui aident les femmes en détresses. La joviale propriétaire, fait partie de plusieurs de ces associations créées par des bénévoles. En effet, dans le pays rien n’est encore vraiment fait par les instances publiques malgré un besoin urgent de changement dans les mentalités. Espérons que leur combat aboutira à des changements concrets.

En attendant, nous nous installons tranquillement dans notre chambre et essayant de retrouver nos esprits grâce à une bonne douche et quelques minutes de repos. Sortant de la douche, je fais être surpris par un bruit terrifiant. J’ai l’impression qu’un énorme animal ou une personne se meut sur le toit, sautant, et faisant trembler la structure entière du bâtiment. En fait, je viens d’assister, pendant quelques secondes, impuissant, à un phénomène naturel pouvant être incroyablement fort et intense. Pour la première fois de ma vie, j’ai vraiment vécu et ressenti une secousse sismique! De faible amplitude sur l’échelle de Richter, cet événement est tout de même impressionnant.

Remis de cet accueil très particulier, nous partons effectuer les démarches financières, administratives, et de recharge énergétique pour nos corps... N’ayant pas pris de vrai repas depuis plus de 36h00, nous en ressentons un vrai besoin. En contact téléphonique avec Nick depuis la veille, nous le retrouvons à l’heure de midi sonnante et trébuchante devant notre hôtel. Nous partagerons ensemble notre chambre comprenant 3 lits. Nous allons pendant 2 jours profiter de cette ville réputée comme la plus belle du pacifique. Une chose est sûre la zone côtière de cette presqu’île est splendide. L’océan apparaît à chaque coin de rue, de nombreux parcs, espaces verts et lacs sont parsemés dans toute la ville.Au large, à vrai dire à seulement quelques dizaines de mètres, se trouvent différentes petites îles toutes magnifiques. Les quelques canaux présents et bateaux qui sont arrimés devant des maisons de particuliers lui donne un air de déjà vu me concernant. En effet, à certains endroits, j’ai le sentiment de me retrouver à Miami où j’ai habité pendant 1 an. Cela me rappelle mon appartement où depuis les fenêtres je pouvais admirer ce genre de paysage tout en étant à moins de 5 minutes de la plage.

Les nombreux ficus, dispatchés un peu partout aux abords des routes, sont imposants à leur base et s’élancent ensuite élégamment dans le ciel. Levant la tête vers leurs sommets, nous pouvons apercevoir une autre particularité de cette ville. Depuis 1970, sans explication rationnelle et ornithologique probante, des milliers de roussettes ont envahies les arbres de la ville. Ces chauves-souris gigantesques, plus d’un mètre d’envergure, planent dans le ciel au lever et coucher de soleil. J’admirerais le spectacle à de nombreuses reprises. J’approcherais aussi ces dernières lorsqu’elles sont au repos, tête en bas, perchées sur les branches les plus hautes des arbres. Cette espèce,à la mauvaise réputation depuis des siècles, nourrit, chez l’être humain, les mythes les plus sordides. Je les trouve plus sympathique et agréable à regarder se mouvoir.

Profitant des installations touristiques, nous partons avec Nicole faire du canoë aux abords des différentes îles et lagons. Plongeant avec masque et tuba au niveau de superbe massif corallien, nous ne ferons pas l’après-midi s’écouler et la nuit venant petit à petit assombrir le ciel. Nous occuperons le reste du temps sur place entre flâneries, ballades, discussions, temps de repos et lecture. A l’hôtel, les chambres sont occupées par des locaux, seul un autre étranger est présent. Je vais faire le premier pas entamant une discussion forte intéressante. Il s’appelle David, 40 ans, français, travaillant sur des reportages photographiques dans le pays. Individu ayant déjà beaucoup voyagé et travaillé à l’étranger, possédant encore beaucoup de projets et de rêves, nos sujets de discussion sont tous trouvés.
Par un pur hasard, nous partons le même jour dans la même direction. Nous voyagerons donc à 4 seulement pour le temps du trajet. Nous longerons la côte vers le Nord-Ouest à l’arrière d’un camion. Nick, Nick et, moi-même, nous nous arrêterons à Bogia. David continuera son chemin un peu plus loin, dans un village où il a déjà passé 2 semaines, il y a un mois de cela. Il s’est rendu sur place avec un écrivain féminin pour concevoir un reportage «à quatre mains». Il désire y retourner quelques jours pour se reposer avant de retourner travailler à Port Moresby. A cet instant, «mon petit doigt» me dit que nous n’allons pas passer longtemps avant que nos chemins se recroisent de nouveau. En attendant, nous faisons face avec Nicole à un projet qui a mûrit doucement mais sûrement depuis une conversation avec un canadien, au festival culturel d’Hagen. Nick a adhéré à ce dernier dès la première évocation. L’excitation monte dans les rangs. La seule idée de réaliser ce rêve nous enflamme. Nos regards s’animent tel des braises ardentes à chaque fois que nous y faisons allusion.

Aurons-nous le plaisir, dès le soir de notre arrivée sur cette côte, d’admirer un spectacle naturel peu commun? Nous rendant sur la plage, nous pouvons, dans le noir deviner la silhouette parfaite et caractéristique de l’île de Manam. La terre va nous laisser apercevoir en ces lieux ces entrailles et sa composition souterraine. Nous faisons face à un des volcans les plus actifs du monde. Son grondement sourd retentit à fréquence régulière. Lors de cette première approche, nous ne ferons que deviner l’un des aspects les plus exceptionnels. Des nuages peu épais recouvrent le sommet. Ils revêtent une couleur rougeâtre, tel que pour un coucher de soleil au beau milieu de la nuit… Rien à y faire, les nuages restent scotchés au sommet. Nous regagnons notre chambre. Nick exténué tombe rapidement dans un profond sommeil. Avec Nicole nous discutons longuement sur la vie, nos personnalités, nos projets, nos envies. Nous confrontons nos points de vue, nous nous titillant régulièrement pour imposer plus ou moins notre opinion…

Un de nos longs débats clos, nous décidons de retourner sur la plage observer ce qui se passe au large, l’île de Manam se trouvant seulement à quelques encablures. Le coup d’œil faudra le coup. Le ciel est clair et totalement dégagé. Les éruptions de lave fréquentes illuminent le ciel. Sur la face Est du volcan, une longue traînée de lave incandescente descend petit à petit la pente douce. L’utilisation de l’ensemble des superlatifs à disposition dans mon vocabulaire ne suffirait pas à décrire l’état de transe dans lequel je me trouve pendant plusieurs dizaines de minutes, où nous admirerons ce spectacle «volcanisant».
La réalisation d’un rêve est en cours. Nous n’avons pas encore dit notre dernier mot, afin de rendre définitivement l’expérience inoubliable.

Tout d’abord, le lever de soleil, le lendemain, est mémorable. Dans la pénombre, nous pouvons observer, la lave à travers les nuages, qui recouvrent le sommet de l’île. Puis le ciel se remplie de couleurs jaunes-orangés avec en fond panoramique le volcan actif et en premier plan des dauphins, en meute, chassant et jouant avec les vagues. Je me dis aussi de mentionner ce qui se trouve dans mon dos, sur la terre ferme. Les habitats traditionnels en bois construit sur la plage sont sublimes. Les habitants sont peu habitués à la présence d’hommes blancs. M’approchant un peu trop près d’un jeune garçon, il fondera en larme et se réfugiera le plus rapidement possible dans la hutte de ces parents. Je n’ai pas l’habitude de faire ce genre d’effet aux enfants. Mais je me dois de réaliser le choc que cela peut être pour un enfant n’ayant jamais vu de spécimen tel que moi auparavant dans sa vie… Cela n’enlève en rien le charme de ce début de journée. Bien au contraire, je suis dans un endroit encore préservé et vivant à l’écart de la globalisation mondialiste de plus en plus oppressante.

Suite au petit-déjeuner, nos sacs prêts, nous arrangeons un bateau pour nous rendre sur l’île et y prendre quartier pour les prochains jours. Je pense que nous n’avons pas conscience des dangers qui nous menacent. Des éléments, collaborant cet état de fait, apparaîtrons au fur et à mesure de notre séjour. La traversée en bateau sur une mer bleue transparente et limpide est forte agréable. Plus nous nous rapprochons de cette île volcanique, plus les détails se font précis. En premier lieu, nous apercevons le cône parfait formé par ce volcan de type gris aux roches basaltiques et andésites. Puis en second lieu, le panache de fumée qui surmonte son sommet, nous apparaitra clairement. La nature luxuriante, les forêts verdoyantes et denses ne laissent pas imaginer la possibilité qu’en quelques fractions de secondes cette île peut se transformer en un véritable champ de cendres incandescentes qui créeraient alorsune atmosphère de désolation après avoir exterminé toutes sortes de vie. Ceci est arrivé plusieurs fois au cours de la dernière décennie. Les premières coulées de lave froides et noirâtres, rejoignant la mer, que nous apercevrons en longeant la côte, nous permettront un peu d’intégrer la réalité de ces lieux. La façade est du volcan nous plongera définitivement dans cette ambiance de frayeur. Les paysages sont dévastés, simplement constitué d’amas de cendres qui se sont accumulés en suivant le flot des coulées successives. La plus grande d’entre-elles est le vestige d’une violente éruption ayant eu lieu en décembre 2004. Elle a tué de nombreuses personnes et força la population à fuir l’île. Une autre coulée atteignant la mer est apparue en 2007. Réfugiés sur la terre ferme, sans propriété et terres, la plupart des habitants de l’île effrayés décidèrent de ne pas remettre sur leur terre natale instable et dangereuse. Malheureusement, ils vivent encore pour une majorité dans une situation précaire de squatteurs. Les conflits sont encore d’actualités entre ces réfugiés et les propriétaires des terres de la côté de Bogia.

Après 25 minutes de trajet et avoir longé la côte pour admirer d’un peu plus près cette merveille, nous accostons sur une plage de sable noir dans la baie de Tanbalay. Nous sommes accueillis par Stephen, un des derniers réfractaires au départ, vivant encore sur les lieux avec sa famille, bien décidé à exploiter ces terres. Les 26 habitants du petit village ont investis des anciens bâtiments désaffectés construits pendant la colonisation allemande. Nous entrons dans un des seuls bâtiments avec un étage. Le rez-de-chaussée devait servir d’entrepôt, l’étage fort abîmé possède quelques pièces de vie. Les fenêtres sont absentes depuis fort longtemps, les murs sont humides, le plafond contient de nombreux nids d’insectes. Mais l’élément le plus caractéristique et omniprésent est la fine couche de cendres grisâtre qui recouvre chaque millimètre carré du bâtiment.

Nous sommes les premiers touristes depuis fort longtemps à fouler ces terres. Peu d’étrangers, hommes blancs ou papous de la terre ferme, se sont risqués à séjourner dans cet environnement instable, soumis à la puissance terrestre, et qui, soudainement,peut basculer dans les enfers. L’aspect lugubre de l’endroit lui donne un cachet sans égal et pimente encore un peu plus ce séjour. Le grondement régulier du volcan renforce ce sentiment. Nos imaginations fonctionnent à plein régime. La similitude de la situation présente avec des films d’horreur visionnés dans ma jeunesse amplifie l’atmosphère macabre ressentie dans ces lieux. Allons-nous être manipulés par un esprit démoniaque? Cette visite est-elle le fait d’une machination machiavélique afin d’assurer la soif de sang frais d’un serial killer (tueur en série)? La folie gagnera t’elle l’un d’entre nous? Finirons-nous par nous entretuer sans raisons particulières?

L’ambiance décontractée au sein du groupe, le contact plaisant et souriant avec la population ne cohobèrent pas ces solutions. Attention tout de même à l’arbre qui cache la forêt et à l’aspect sournois d’une folie humaine passagère pouvant surgir de nulle part quand les conditions sont réunies. Bien décidés à profiter des lieux, nous longeons la plage, nous installons sur un arbre centenaire s’élançant au-dessus de l’océan et plongeons au niveau de récifs coralliens très intéressants (poissons colorés, coraux d’une rare beauté et de formes diverses dans des eaux peu profondes). Nous aurons la chance de nager avec des tortues et d’admirer à quelques mètres des dauphins chassant en groupe. Je ne me lasserais définitivement jamais de la magie de la nature et des rencontres qu’elles me proposent généreusement. Une fois de retour au village, nous cuisinerons notre repas au feu de bois, dégusterons une cuisine peu sophistiqué, mais néanmoins goûtue et nourrissante.

Avant que la nuit tombe, un bateau nous attend sur la plage. L’idée d’aller admirer de près et de face la coulée de lave incandescente éveille en nous une excitation jubilante. Alors que le ciel est encore clair, nous apercevons, en naviguant, la lave rougeâtre se détachant du sommet du volcan. Malheureusement des nuages vont venir recouvrir le sommet. Ils resteront accrochés à ce dernier pendant de longues heures. Nous patentions dans le noir sur le bateau. Nous sommes constamment poussés par les vagues vers le rivage rocailleux et découpés. L’attente étant trop longue, la mer devenant de plus en plus inhospitalière, nous décidons à l’unanimité de rebrousser chemin et de revenir le lendemain. Nous nous couchons tant bien que mal dans cet environnement poussiéreux. Le grondement récurrent du sous-sol nous rappel, si besoin, où nous nous situons. Je m’endors instantanément, à la première seconde où, quand étant allongé, je fermerais les yeux.

Réveillé de bonne heure, avec Nick, nous suivons Stephen dans quelques-unes de ces activités journalières. Nous partons en premier lieu dans son jardin où il cultive ces fruits et légumes. Ne vous imaginez pas qu’il faille seulement traverser une petite allée, bordée de fleurs, pour nous rendre dans ces lieux. Ici le jardin est en plein milieu de la forêt. Nous l’atteignons après plus d’une demi-heure de marche. Il est réparti sur plusieurs hectares et se mêlent à la végétation environnante. Il y a des cocotiers, manguiers, bananiers mais aussi des ananas, des féculents et certains légumes verts. Le contraste, entre la cendre grisâtre présente sur l’intégralité du sol et les couleurs vivifiantes de la nature bourgeonnant sur ces terres, est marquant. Les yeux au ciel, j’aperçois des feuilles brûlées, des arbres carbonisés. Je questionne alors Stephen sur ces éléments. La cause de ces destructions est toute trouvée. Il s’agit de nuage de cendres qui s’abattent sur toute l’île quand l’activité du volcan est plus élevée. Ces cendres brûlent tout sur leur passage. Nous apprenons alors que le dernier nuage, responsable des constatations que j’avais faites, c’est abattu sur l’île il y a moins d’un mois. Rassurant? Pas vraiment. Les jets de cendres et la lave qui en découlent sont magnifiques à observer. L’idée d’imaginer que c’est matériaux proviennent des profondeurs de la terre enflamme mon imagination et mon excitation. Mais ceux ne sont pas les seuls phénomènes produits par ce volcan actif et sûrement pas les plus dangereux. Les menaces permanentes qui pèsent sur les habitants du volcan sont:
  • Les coulées de lave et éruptions gigantesques, les plus fréquentes à Manam,
  • Les nuées ardentes ou coulées pyroclastiques, les plus dangereuses et destructrices, 
  • Les cendres volcaniques incandescentes, très mobiles et brulant tout sur leur passage, 
  • Les séismes, et Tsunami,Les glissements de terrain,
  • Et les gaz volcaniques qui sont à long terme très dangereux pour la santé de l’être humain.
Gardant ces données à l’esprit, nous restons confiants sur nos devenirs et espérance de vie. Stephen nous apprend comment, à partir de feuilles de cocotier, créer un sac à main. Nous dégustons avec délectation les fruits frais tout justes cueillis avant de rentrer au village.


Continuant une journée type, nous nous rendrons sur la plage pour nous laver. Nous en profiterons pour retourner explorer ces incroyables fonds-marins. Le temps est venu par la suite de préparer notre repas principal de la journée. Il sera constitué de poissons fraîchement pêchés puis cuisinés, de riz et pommes de terre douce cuit avec du lait de coco. Lors du repas, Stephen va violemment propulser à l’extérieur du bâtiment les chiens maigrichons et affamés qui tournaient autour de la table. Ce geste sans conséquence apparente lors de l’action va avoir une répercussion notable, pour moi, quelques minutes plus tard.

Repu, les assiettes vides, nous prenons congés de la salle à manger improvisée. Je sors alors prendre l’air et regarder le sommet du volcan. L’action qui va se dérouler dans un avenir proche sera d’une rapidité déconcertante. N’ayant pas le temps de saisir ce qui se trame, je ne réagirais pas, je ne bougerais pas. Un des chiens, le mâle adulte, fonce vers moi. La douleur est instantanée, le sang coule déjà le long de ma jambe rougissant ensuite la cendre grisâtre sur le sol. Il vient d’enfoncer ces crocs dans mon mollet gauche puis il est reparti aussi vite qu’il avait surgi de nulle part. Alerté par mes cris de stupeurs, tout le monde sort du bâtiment. Ils constatent bouche-bée l’état de ma jambe. Immédiatement la femme de Stephen, Nicole partent chercher le nécessaire pour les premiers soins. Nous nettoyons à l’alcool mon mollet dans lequel 6 traces de crocs se détachent nettement. Il plane sur moi l’ombre d’une possible contamination par la rage et ces conséquences possibles. Fais-je me transformé en le meurtrier sanguinaire assoiffé de sang qui s’apprête à contaminé l’ensemble de ces congénères? Je reste persuadé que non et deux facteurs particuliers me rassurent un peu. En effet, il faut toujours rester positif et voir le bon côté des choses. Je suis premièrement vacciné contre la rage de façon préventive et deuxièmement ce chien ne semble pas être malade et il ne présente aucun symptôme d’une bête enragée. Il fut juste guidé par ces instincts, son état de malnutrition flagrante et le fait qu’il ne soit pas habitué aux êtres humains de type eurasien. Pourvu tout de même que cet événement ne soit très vite qu’une histoire amusante à raconter, un souvenir de plus dans ce périple au long cours. Mais compagnons tourneront en dérision ce qui s’est passé et ensemble nous rigolerons.

Je décide de rester au calme sur mon matelas pour me reposerpendant que les autres partent assister à une réunion avec tous les membres du village. A leur retour, le résumé des discussions est le suivant: «Evacuation imminente de l’île, dans environ une semaine, en raison d’une activité volcanique prévisionnelle très forte et d’un possible risque d’explosion». Nous assistons encore une fois à une facette noire et sordide de la vie à Manam. Le grondement de la terre et l’activité éruptive puissante en début de soirée iront dans le sens de l’agenda et des conclusions de la réunion de l’après-midi. Nous pourrons admirer la lave, giclant à plusieurs dizaines de mètres d’altitude au-dessus du volcan, coulant majoritairement sur la face Est, non visible où nous nous trouvons. Mais le vent pousse les cendres vers le sud, en direction du village. De retour dans nos quartiers, je m’endormirais profondément. L’activité volcanique sera tout de même omniprésente lors de mon sommeil.

La nuit sera courte. Levés à 3h00 du matin, nous longeons tout d’abord la côte de l’île. Nous pouvons admirer finalement la lave qui s’écoule sur le flanc de ce cône volcanique. Le ciel clair nous permet une vision parfaite. Après avoir passé de longues minutes à l’arrêt sur le bateau, nous prenons la direction de la terre ferme. Avant l’aube, Nicole prend un PMV pour retourner à Madang avant de prendre un avion le lendemain en direction de ces terres natales. Le périple ensemble fut agréable, intéressant. J’espère toujours garder contact avec des personnes telles quelles et savoir ce que deviennent dans un futur plus ou moins proche et savoir si elle arrivera à réaliser ces projets de vie et rêves.

Avec Nick, nous allons continuer l’aventure un peu plus vers l’Ouest. En contact avec David, nous savons que nous sommes les bienvenus dans le village où il réside actuellement. Nous attendrons que le jour se lève, admirerons le soleil pointant son nez à l’horizon avant de reprendre la route. Aucun véhicule ne passera pendant les 30 minutes où nous discuterons avec des jeunes de Manam. Totalement alcoolisés, ils écoutent de la musique occidentale à fort volume depuis un poste de radio. Ils ont bus toute la nuit un alcool local produit artisanalement. Il s’ajout de jus de noix de coco, et d’ananas auxquels ils ont ajoutés du sucre, de l’ambre et qu’ils ont laissés fermentés pendant de plusieurs après distillation au feu de bois. Il le dénomme Ambrou. Ils insisteront pour que nous y goûtions. Une seule gorgée suffira! Il s’agit d’un alcool fort proche au goût de la tequila. Le genre de breuvage en résumé que je n’ai pas l’habitude d’ingérer à 7h00 du matin. Aucun transport en commun n’étant prévu prochainement. Désirant nous extirper des griffes de ce groupe de jeunes, nous décidons d’avancer et de marcher. Nous longeons la côte vers l’ouest. Nous sommes entourés par de nombreuses plantations de cocotiers et cacaotiers, vestiges exploités de la colonisation allemande. Le chemin sus une chaleur de plomb, sera plus long que prévu. 1h00 passe puis 2! La motivation réside dans le contact chaleureux avec la population et les papous, marchant sur la route en direction opposée et qui semble apparemment être déjà au courant de notre arrivée. Nos discussions basiques en Tokpisin, puis en anglais nous permettent de continuer à avancer sereinement. «Morning, U olright?» (Bonjour. Comment allez-vous?)
«Me olright!You go weh?»
(Je vais bien! Où allez-vous?)«Awar stupwai? We go there looking to David!"(Où est Awar? Nous y allons pour rencontrer un ami, David)«Oh, yé, David look to see you, this way!" (David, il vous attend, cette direction)"tank you streth,  Hamamas loloking you"(Merci, heureux d’avoir fait votre connaissance)
Encore quelques pas dans ces paysages tropicaux et nous voici arrivé aux portes du village d’Awar qui se trouve dans la baie Hansa. Nous sommes accueillis par Guilleon et ces 2 femmes Bessy et Sandy. Petite communauté d’individus, ils vivent dans des conditions sommaires. Ils survivent seulement grâce à une agriculture et pêche d’autosubsistance. Leur seul revenu monétaire est lié au business du bétel et des noix d’arec transitant chez eux depuis le Sepik en direction des hauts-plateaux. Leur habitat, plus ou moins grand et sophistiqué, est entièrement construit avec des éléments biodégradables, directement prélevés dans la forêt environnante. Ces maisons en bois sont constituéesavec plusieurs couches de grandes feuilles de cocotiers superposées et agencées d’une manière bien précise. L’armature et charpente principale sont faites de troncs d’arbres durs trouvés dans les marécages environnants. Le sol et les murs sont constitués par des assemblages de bambous ou palmiers et le tout est ficelé par des lianes résistantes à des tractions longitudinales et de torsions importantes. L’eau à disposition provient de la récupération des eaux de pluies et les eaux filtrées à travers le sol. Le tout étant conservé, à même le sol, dans une sorte de puits. Les toilettes et douches n’existent pas. Le bush, la mer, et la mangrove permettent d’assouvir ces besoins hygiéniques.

La présence d’hommes blancs ne fait pas partie du quotidien. Ils ont eu tout de même de nombreux contacts avec ces derniers lorsque des scientifiques belges sont venus sur une petite île au large, étudier l’écosystème terrien et marin de ces terres, riches en ressource et en spécimens jamais encore étudiés. Ils sont restés pendant plusieurs années mais ont quittés les lieux il y a plus de 30 ans déjà. La présence, un mois de cela, de David et de l’écrivain Marie, ont permis d’habituer un peu les enfants à des pseudo-humains (hommes blancs) totalement différents de ce qu’ils n’avaient jamais vu. David, dans un village voisin à notre arrivée, fera son apparition une heure plus tard. Nous nous installons tranquillement et préparons notre couchage. Celui-ci résidera en une simple moustiquaire et une serviette en guise d’oreiller.

Nous dormirons à même les lattes de bois constituant le plancher de cette maison surélevée. La journée s’organisera entre rencontres avec les villageois, découverte de la baie à proximité, de ces eaux calmes et des pêcheurs y travaillant et à l’organisation d’une nouvelle aventure dès le lendemain. «Attendez-vous à l’inattendu » sera une nouvelle fois mis en abîme. La soirée sera calme. Nous dégustons un plat de riz cuisiné avec du lait de noix de coco, des légumes verts et quelques pâtes instantanées. C’est un spécial repas pour les invités. Sirotant un thé, nous allons apprendre un nouveau jeu de cartes populaire dans le pays; «7 bomb». Nous échangerons aussi autour du feu de bois.

Réveiller une nouvelle fois avant le soleil, nous marchons dans le noir en direction du village voisin. Nous partons chercher des canoës traditionnels en bois. Attendant ensuite que le jour se lève, David, Nick et moi-même s’apprêtons à prendre le large avec deux locaux : Curry et un second David. Nous emportons avec nous provisions alimentaires et eau potable.

Ces canoës sont-ils insubmersibles? Laissez-moi en douter!La première vague franchie et voilà l’intérieur évidé du tronc d’arbre qui nous sert à naviguer déjà plein d’eau. Les affaires sont toutes trempées. Il est nécessaire d’écoper d’urgence. La marmite que nous transportons pour cuisiner ultérieurement sera alors d’une grande utilité. Cette première barrière franchie, la mer sera par la suite assez calme. Nous prenons le large vers une destination mystérieuse. Nous pagayons en direction de l’Est avec en visu l’île de Manam.

2h00 d’efforts plus tard, nous voici en face d’un paradis terrestre. Ayant franchi un magnifique massif corallien, nous accostons sur une plage de sable blanc. L’île d’environ 4000 mètres carrés de superficie, recouverte d’arbres tropicaux, est déserte. Les 2 jours à venir seront pour nous l’occasion de jouer notre propre partition de l’aventure de Robinson Crusoé. Après avoir débarqués les affaires, nous entreprenons le tour de notre nouveau territoire. Cette île tropicale est un havre de paix surveillée seulement par deux aigles marins qui tournoient dans le ciel.
Curry part immédiatement à la pêche au harpon. Nous commençons l’installation du camp. Le feu allumé, nous nettoyons une partie de la plage en écartant les feuilles mortes, branches et rochers qui jonchent le sol. Nous dormirons à même le sable. Dans l’éventualité de la pluie en soirée et du vent, nous entreprenons la construction d’un abri de fortune. La structure sera constituée de tronc d’arbres, les liens figés avec des lianes rampantes, le toit et le mur face au vent étant une succession de couche de feuilles de cocotiers. Cet assemblage nous demandera un peu de temps. L’édifice finalisé sera néanmoins une grande fierté. Il s’en suit un cours d’art manuel proposé par les locaux. A partir de feuilles de cocotiers, nous allons concevoir des paniers, des éventails pour raviver le feu de bois et des paillasses entre-autre. La suite de la journée consistera en la plongée sur ce massif corallien coloré, la préparation de nos repas et la dégustation de délicieux poissons tropicaux multicolores accompagnés par du riz et du Sagou, le maintien du feu, nos amusements et concours avec le fusil artisanal et ces harpons, et le fait de profiter des lieux en toute simplicité.
Le coucher de soleil est magnifique. La vue, la nuit tombante, de l’autre côté de l’île sur le Manam et son activité éruptive ajoute une touche magique à ce cadre naturel sans équivalence. La soirée prendra une tournure mystique lorsque David et Curry allumerons des feux à différents endroits de l’île, invoquant et communiquant avec les esprits. Autour du feu, les histoires et mythes échangés compléteront le tableau idyllique de l’endroit. Il est intéressant de voir les croyances ancrés chez les papous. Curry nous racontera par exemple, la possibilité pour lui, grâce aux esprits, de devenir invisible et de pouvoir se déplacer dans les villes et camps ennemies sans être repéré. Il évoquera aussi la possibilité d’utiliser la magie noire pour infliger des blessures à des personnes qu’il ne porterait pas dans son cœur, simplement en utilisant quelque chose leur appartenant.
La vie sur l’île s’écoulera naturellement et paisiblement. Nous serions bien restés plusieurs jours de plus mais nos réserves s’épuisent, les pêcheurs à qui nous avons loués leur bateau seront sûrement heureux de retrouver un de leurs outils de travail et, d’autres aventures nous appellent. Nos affaires pactées, remportant avec tout ce que nous avons amené, les seules traces de notre passage seront notre abri et les cendres des feux de bois. Pagayons en sens inverse, nous ne nous retournerons pas. Les souvenirs, encore tout frais de ces instants hors du temps, ne sont pas prêts de s’effacer.

A Awar, nous décidons d’y rester pour les 3 prochains jours afin de partager le plus longtemps possible la vie d’une communauté. Nous avons beaucoup de choses en commun avec Nick. Nous sommes à la recherche des mêmes expériences, ici, en PNG, particulièrement vivre la vie des populations sans artifices touristiques.

Nous allons en premier lieu apprendre, comment à partir d’un arbre, le sagoutier, extraire un des éléments majeurs de l’autosubsistance sur la côte. Abattre l’arbre est la première manœuvre avant d’enlever l’écorce sur la totalité de sa longueur. Grâce à des outils, ils découpent ensuite le tronc en petit copeaux. La dernière étape de la préparation consiste à extraire l’amidon grâce à un système de filtre utilisant des tissus poreux, de l’eau et un pressage manuel. Ils peuvent par la suite stocker le produit, le partager entre les différentes familles et l’utiliser le moment venu. La cohésion est forte dans le village. Ils se partagent de nombreuses tâches utiles pour la communauté et que chacun mettra «la main à la patte», même les chefs de village ou les personnes plus importantes, en ne faisant aucune distinction de rang social quel que soit le travail et sa difficulté. Cet esprit de groupe, loin d’objectifs purement personnels et individualistes, sera renforcé, quand après l’effort, nous sommes invités à partager un repas avec tous les travailleurs. Autour de la table de grands plats de riz avec différents accompagnement tournent dans les mains de chacun. Le partage est une règle de base.

Nous allons assister à de nombreux autres moments de vie dans ce village: une réunion du Council, une messe funéraire suivi d’un enterrement, la pratique de sports avec les jeunes hommes, la préparation de repas, et beaucoup de temps passé dans la «house boy» (lieu protégé par un toit où seuls les hommes sont admis), à discuter et raconter des histoires. Quelques autres éléments marqueront notre séjour. En premier lieu, la baie d’Hansa est une ancienne base Japonaise de la seconde guerre mondiale. De violents combats ont eu lieu avec les australiens et américains sur ces terres. Les vestiges y sont encore bien présents. Nous pourrons y voir d’anciens véhicules, des batteries d’artillerie et autres objets métalliques. Mais le plus impressionnant sur terre est la carcasse d’un bombardier qui c’est scratché dans la forêt tropicale.
Pour notre grand bonheur, les fonds-marins ne sont pas en reste et certaines épaves gigantesques gisent sur le sable noir des eaux de la baie. Ces vestiges, pleins de vies et de couleurs (poissons, coraux), accessibles avec masque et tuba seront de vrais terrains de jeu pour Nick et moi. En second lieu, il y a ce début de soirée, avant le coucher de soleil, sur le terrain de football. Il est toujours inhabituel et surprenant de voir tous les hommes se déplacer en permanence avec une machette, un couteau ou des lance-pierres. Cet état de fait est valable pour les enfants dès l’âge de 5ans. Ensuite, Nick aidant à couper l’herbe montante pour rendre le terrain un peu plus praticable, va par mégarde laisser filer de ces mains le coupe-coupe qu’il utilisait. Celui-ci tournoie dans le ciel, effleure la tête d’un jeune qui arrive à l’éviter de peu et fini sa course dans l’herbe tout juste rasée. Nous venons de frôler l’accident et les conséquences en seront finalement qu’une franche rigolade. Pour couronner les éléments inattendus, j’assisterais ébahi à la mise à feu, par des enfants, d’herbes sèches coupées il y a de cela quelques jours. Le feu enflamme très vite les hautes herbes et arbres aux alentours. Les flammes consument violemment de nombreux mètres carrés. Nick n’en revient pas, je n’en crois pas mes yeux tandis que les locaux n’y prête aucunement attention. Petit à petit le feu s’étouffe dans les herbes humides. Nous imaginons de tels agissements dans nos pays respectifs, cela n’est pas envisageable une seule seconde et les conséquences, surtout par temps sec, seraient désastreuses. Nous éclatons de rire. Finalement la vie est simple, d’une lenteur et d’une répétitivité perturbante pour un occidental toujours en mode action. A chaque fois que je pose la question du planning de leur journée, ce qu’ils ont de prévus, ou ce qu’ils pensent faire les prochaines minutes, la réponse est automatiquement : « Rien»!
Il fut plaisant de vivre au rythme d’Awar pendant plusieurs jours. Nous avons tout de même un objectif en commun avec Nick; rejoindre le Sepik. Nous allons donc plier bagages et passer les prochains jours sur la route à nous atteler à atteindre ce lieu mythique. Pour parvenir à nos fins, nous allons utiliser le trajet emprunté par les acheteurs travaillant dans le business de la vente des noix d’arec. Avant cela nous devons dire au revoir aux personnes avec qui nous avons créés des liens forts (Jayne, Max, Joseph, Bessy…). Cela n’est jamais la meilleure partie des rencontres mais c’est un facteur et passage obligé quand tu voyages et te déplaces beaucoup. Nous nous apprêtons à partir pendant la nuit suivante. La veille nous avons arrangés notre transport et le fait que le chauffeur doit venir nous prendre au passage à 4h00 du matin. Cela correspond à ces horaires habituels pour prendre la route en direction Madang. Il doit nous laisser quelques kilomètres plus loin dans la baie de Mandy où nous avons accostés après notre séjour sur Manam. Réveiller à 3h30, nous allons attendre. 1h00 passe, puis 2 et 3. Nous sommes déjà retournés nous reposer dans la maison quand finalement à 8h00, le conducteur fait son apparition aux commandes de son camion. Alcoolisé, il ne s’est pas réveillé. Nous prenons la route avec lui, sans trop d’espoir néanmoins de pouvoir monter dans un bateau en direction de l’Ouest et de la région du Sepik. En effet, ils repartent normalement dès que le jour à fait son apparition.

Arrivés à «Mandy baie» nous ne pouvons que constater ce que nous avions pressentis. Tous les bateaux ont déjà levés l’ancre. Par acquis de conscience, nous faisons le tour de toutes les âmes vivantes présentes dans les environs pour trouver une solution. La résolution de notre problématique viendra d’un professeur des écoles partant avec sa femme dans la direction que nous envisageons d’emprunter. Village à mi-chemin entre l’endroit où nous nous trouvons et Angoram, où nous souhaitons nous rendre, Wattam sera donc notre prochain port de transit pour la journée. Etre flexible et ne pas avoir un planning réglé à la minute est une obligation lors d’un voyage, non organisé, avec sac-à-dos en PNG. 2h00 plus tard, nous arrivons finalement dans le village. Cette étape non prévue au programme se révélera des plus agréables et digne d’intérêts.
C’est un magnifique village, construit au milieu d’une clairière d’herbe rase. Un chemin passe au milieu de cet espace ouvert et se dirige vers la mer. Les maisons vieillissantes, en bois, sont disposées de chaque côté. Une fois encore l’accueil est très chaleureux. En guise de bienvenue, ils nous offrent une tasse de café puis un déjeuner succulent constitué de riz cuit avec du lait de coco, des pâtes, légumes verts et poissons marinés. Notre promenade au bord de l’océan, nous permettra par la même occasion de trouver un point d’eau douce où nous nous laverons. Le temps file sans que nous puissions en inverser la tendance. La nuit fait déjà son apparition.

Nous allons passer la soirée à échanger sur divers sujets. Les principaux évoqués tourneront autour des traditions dans le village et le risque qu’elles disparaissent petit à petit du paysage local. Ici, pour les touristes et l’agence qui les amène en groupe, ils produisent toujours une danse du dragon (différent de son cousin chinois) et la procession qui l’accompagne sur le rythme endiablé des tambours. Mais le sujet avec les anciens tournera très vite sur la perte inéluctable de ces traditions ancestrales. Les locaux ayant toujours vécu au rythme de ces dernières et nous, voyageurs, à la recherche d’éléments différents de ce que nous connaissons, espérons que le pays conservera à jamais les bases du charme majeur de ces contrées et de leur population. Mais la plupart des jeunes aspirent à autre chose, à la modernité occidentale, à l’accès à la technologie, à une diversité des activités possiblement réalisable et à l’accession de biens matériels. Malheureusement le peu de moyens, la présence quasi-inexistante d’entreprises et d’activités divertissantes, et un temps libre à rien faire monstrueux, plongent beaucoup d’entre-eux dans l’alcool, le mâchage du bétel et la consommation excessive de cigarettes ou de substances illicites. Nous allons en avoir un parfait exemple lors de la nuit passée dans le village. Lieu très calme constitué de familles agréables et servantes, il va se transformer en raison de quelques jeunes perturbateurs, en un vrai vacarme monstrueux. Ces derniers, buvant depuis le début d’après-midi, sont saouls. Ils écoutent de la musique que l’on peut entendre à travers tout le village. Ils chahutent et ne prêtent aucune attention aux familles qui logent à proximité. Un problème de vol envenimera la situation et un jeune hurlant, traversera plusieurs fois le village, réveillant toute la population et nous-même. Contre vent et marées, nous essayerons de passer la meilleure nuit possible.
Le matin, aux aurores, nous nous rendons sur le front de mer où les bateaux organisant le trafic du bétel transit. Nous les verrons charger les marchandises, répartir les charges, faire le plein d’essence et partir en direction de l’endroit où nous venons pour vendre leurs produits. Un peu plus tard, d’autres bateaux arriveront comme nous la veille. Chargés de barils de pétrole, ils s’en vont pour remonter le fleuve Sepik. Négociations faites et conclues pour notre acheminement vers Angoram, nous sautons dans un de ces bateaux.

Nous voilà en partance pour atteindre la première portion de notre périple dans le Sepik. N’attendant rien en particulier de cette étape de transition, une bonne surprise va se présenter à nous. Avançant dans un lac, le bateau à moteur va se faufiler dans des petits canaux traversant des mangroves et forêts humides. Les paysages sont superbes, la faune et la flore une nouvelle fois omniprésentes. Cet accès vers le fleuve nécessitant des manœuvres périlleuses rend l’aventure encore plus excitante. Arrivant, après plus d’une heuredans des herbes hautes, nous venons d’atteindre les bords du fleuve. Quelques centaines de mètres de cours d’eau plus loin et nous atteignons l’embouchure d’un d’entre-eux qui débouche sur le fleuve.

Très vite, nous nous retrouvons au milieu de ce puissant fleuve de plusieurs dizaines de mètres de largeur en ce point précis. Sa puissance réside dans son courant qui charrie de nombreux troncs d’arbres, fleurs d’eau arrachés de ces rivages. Nous remontons en aval du fleuve pour atteindre Angoram. 2h00 plus tard, après avoir apprécié ce premier passage sur le fleuve nous débarquons dans la ville choisie. Nous ne souhaitons pas rester dans le bas Sepik que nous venons de découvrir. L’objectif est le moyen Sepik. Pour des raisons financières et de transport à contre-courant, nous allons devoir faire un détour par les terres. Le but est de rejoindre le point d’entrée principal sur le Sepik beaucoup plus haut en aval. La seule route pour s’y rendre part d’une ville en bord de mer: Wewak.

Des PMV partent quotidiennement dans cette direction. Nous attendrons plus de 2h00 avant qu’enfin un véhicule point le bout de son nez. Il s’agit d’un imposant camion. Beaucoup de personnes en provenance de Wewak en descendent. Nous montons seuls à l’intérieur. Après quelques manœuvres, il s’arrête quelques centaines de mètres plus loin. Le départ, qui semblait immédiat, est reporté à beaucoup plus tard. Une dizaine de personne viennent d’arrivée en pirogue d’un village reculé sur un bras mort du Sepik. Ils sont chargés d’une importante cargaison; plus d’une vingtaine de grands sacs pleins de poissons séchés, des sachets de plusieurs kilos de Sagou, des affaires personnelles pour un long séjour, le moteur Yamaha de leur pirogue en bois, et deux éléments totalement inattendus. Aucun personne censée ne pourrait deviner ce qu’ils viennent de transporté pendant plusieurs heures dans un tronc évidé flottant sur un fleuve puissant. Le premier est un générateur électrique pour fournir en énergie le second… Il s’agit d’un grand réfrigérateur plein de poissons fraîchement pêchés. En raison de son poids, pour le transporter et le charger dans le camion sur la plateforme arrière, ils devront tout d’abord transvaser de nombreux poissons dans des bâches et glacières. A moitié vide, la mobilité de ce dernier devient raisonnable pour, à bras d’homme, transporter ce dernier dans le camion. Le chargement prendra plus d’1h30. Une fois finalisé, nous prenons finalement la route. Les paysages vallonnés de forêts tropicales sont d’une beauté incroyable avec des arbres s’élancés hauts dans le ciel, recouverts de lianes, de mousses et d’orchidées sauvages. La route est en mauvaise état mais nous arrivons tout de même à destination après plus de 4h00 de route. La nuit est déjà tombée. Les hôtels sont chers et pleins. Les ayant aidés à charger leur cargaison dans le camion, la famille de pêcheur du Sepik va nous faire une grande faveur. Ils nous accueillent chez eux, ou plutôt chez James, qui gère ce business lucratif de vente de poissons. La mode dans le pays est à la consommation de protéines. La réserve de poisson d’eau douce dans les rivières, lacs et mangroves de la région du Sepik en sont une ressource toute trouvée. La vente de ces poissons sur la côte permet aux locaux de déguster d’autres produits avec des goûts différents que les poissons pêchés en mer. Nous sommes accueillis comme des rois dans une grande maison en bois flambant neuve. Nous nous voyons offrir un copieux repas. Nous aurons notre propre chambre avec matelas et moustiquaires. C’est un luxe non négligeable après avoir dormi à même le sol sur des lattes en bois ou dans le sable lors de la dernière semaine.

Le lendemain après un agréable petit-déjeuner, nous partons en ville faire les démarches obligatoires avant de s’enfoncer aux abords du fleuve Sepik. En premier lieu, nous allons aider les hommes à James à apporter plusieurs sacs de poissons séchés sur le marché. Portant les sacs, nous allons provoquer un mouvement de foule incroyable. Peu habitué à voir des blancs venir leur rendre visite jusqu’à l’intérieur du marché, ils ont, je crois jamais vu des visiteurs travaillés aux côtés de leur congénères. Plusieursfemmes nous proposent de nous débarrasser de ces charges et de finir notre travail à notre place. Nous irons jusqu’aux étales de James et déposeront par notre propre moyen, les sacs dans un endroit approprié. L’attroupement autour de nous est impressionnant. Il va grandir encore de manière exponentielle, quand ayant déposés les sacs, une salve d’applaudissements et de hurlements gonflera dans l’audience… Les papous n’en reviennent pas et ils sont fiers que nous partagions leur culture et prenons part à leur activité même quand il s’agit de travailler. Suite à ce bain de foule, nous partons préparer notre périple dans des terres reculées. Nous nous munissons de monnaies en petites coupures et nous refaisons nos provisions. A l’entrée du supermarché, Nick va subir la manœuvre d’un pickpocket. Ce dernier agile et discret n’est tout de même pas un expert. Nick a soudain une drôle sensation. Il vérifie alors sa pochette dans laquelle son téléphone portable est manquant. Il va réagir assez rapidement pour montrer du doigt le voleur. Ce dernier est pris au dépourvu. Un regroupement s’organise autour des deux hommes. Pris devant le fait accompli, l’homme est pris au piège. Il fait profil bas et redonne honteux le téléphone à Nick. Il ne s’agira cette fois-ci que d’un simple avertissement sans conséquences. Nous allons être encore plus méfiants et prudent lors de nos déplacements dans la ville dès à présent.

Nous avons cependant bien fait d’effectuer dès que possibles tous nos impératifs car nous allons partir beaucoup plus tôt que prévu. Il y a en effet en ce vendredi pas de PMV direct pour le Sepik. Mais en recherchant les possibilités, nous obtenons l’opportunité de prendre un véhicule en partance pour Maprik. Nous changeons donc nos plans et profitons de l’opportunité qui nous tend les bras. Le camion va nous reconduire chez James pour que nous puissions prendre nos affaires avant de reprendre la route. Notre périple continu et nous allons encore passer 5h00 sur des routes en piteuses état, mais dans un environnement intéressant à découvrir même depuis la route. Nous voici arrivés à la jonction entre Wewak, Maprik et Pagwi (point d’entrée du Sepik). Le soleil atteignant l’horizon, nous ne pourrons continuer plus loin aujourd’hui. Aucun véhicule ne circulera pour aller jusqu’au Sepik aujourd’hui. Le conducteur avait promis de nous aider. C’est le deuxième homme du camion, la personne chargée des arrêts et de la collecte de l’argent, qui jouera l’âme charitable pour nous accueillir pour la nuit cette fois-ci. Nous avons bien échangés avec Manu au cours du trajet et c’est un plaisir pour ce jeune que de nous recevoir chez lui. Il vit dans un préfabriqué dégradé des années 80 avec sa femme, sa belle-sœur et le mari de celle-ci. Nous passerons une soirée agréable entre jeu de cartes, discussion et copieux repas.

Nick me fera une frayeur le lendemain matin, quand marchant vers l’arrêt des PMV, il ne se sent pas bien et vomi toutes ces tripes. Heureusement ça ne sera qu’une fausse alerte. Ayant pris son médicament contre la Malaria, sans petit-déjeuner, et en produisant un effort sous un soleil de plomb, cela lui retournera l’estomac. Le trajet jusqu’à l’intersection puis jusqu’à Pagwi se passera rapidement et sans problème. Nous atteignons de nouveau le Sepik à l’endroit où nous souhaitions nous rendre. La route a été longue depuis Madang mais l’expérience fut simplement magique.

Nous allons jouer d’une chance incroyable et d’un timing parfait. Un bateau vient de débarquer exceptionnellement des passagers en ce lieu. Il repart 5 minutes plus tard à Palembei où nous souhaitions nous rendre. Le week-end très peu de bateaux circulent ce qui renforce le sentiment d’être bénis pas les esprits du Sepik, ceux du voyageurs. Une fois le prix négocié, il ne nous reste plus qu’à commencer ce périple sur ce fleuve qui a fait,et fait encore fantasmer de nombreux explorateurs. De taille modeste, 1126 km, en comparaison avec ces grand-frères tel que l’amazone, il doit son succès aux traditions et créativités artistiques des ethnies qui peuplent ces rives… La beauté de la région est due aussi à sa richesse biologique, aux méandres du fleuve et les changements successifs de son cours d’eau, qui ont créés, dans une vaste plaine, une immense zone marécageuse, faite de mangroves, de lacs et de bras morts. Dès les premières minutes, nous sommes accueillis par des dizaines d’aigles tournoyant dans le ciel. Nous ne croiserons aucune autre embarcation pendant tout le trajet, si ce n’est quelques petites pirogues de pêcheurs manœuvrées à la rame, confirmant une fois de plus notre bonne étoile de voyageurs. Je vais me régaler du spectacle que nous réservent les paysages et les nombreux oiseaux habitants sur les bords de ce fleuve.

Nous décidons finalement de nous arrêter à Kanganaman, village sur la rive opposée de Palembei, où habitent le skipper et son matelot. Accostant sur la rive, nous sommes accueillis par des enfants souriants et un homme qui nous conduit dans une grande maison tenue par des jeunes. L’expérience Sepik vient à peine de commencer, mais nous allons être directement plongés dans son atmosphère mythique au plus proche de la nature. Juste après notre installation dans cette grande maison en bois, nous croisons deux papous chargés d’un lourd fardeau. Revenant d’une fructueuse chasse, ils transportent un sanglier qu’ils viennent de harponner avec des lances.

Un des jeunes du village, Vince, rencontré quelques minutes auparavant, nous proposent de nous accompagner. Premières rencontres et contacts avec les habitants, visite de maisons, et surtout découverte de notre première maison Tamboran (ou maison des Esprits)! Ces temples très importants dans les traditions de la région renferment l’ensemble des objets sacrés du clan auxquels ils appartiennent. Il y a par exemple les imposants tambours sculptés dans le bois et permettant de communiquer à longue distance. Produits à l’aide d’une masse, qu’ils viennent frappés contre les parois, les sons puissants se diffusent à plusieurs kilomètres à la ronde. Chacun a son propre signal d’appel et chaque action ou message est spécifiquement codifiée.

Nous sommes dans la plus grande maison des esprits de la région. Elle possède de magnifiques poteaux sculptés et colorés s’élevant à plus de 20 mètres de hauteur, dessinant 2 étages sur une longueur de 50 mètres. De nombreuses sculptures, masques et autres objets représentant les esprits ou les mythes ancestraux sont répartis un peu partout! Cet espace est réservé aux hommes, interdit aux femmes et aux jeunes enfants masculins non-initiés. Le passage d’un enfant à celui d’un homme capable d’assumer une famille, combattre et mériter le respect d’autrui passe par un rite initiatique. En groupe, après avoir été sélectionné par leur pères, ils passeront plusieurs semaines ensemble dans la maison des esprits. Ils y reçoivent un enseignement intensif. Ils apprennent les bases d’une vie en communauté, de la gestion d’une famille. Ils vont aussi améliorer leur technique de combat en apprenant à maîtriser leur force et en s’assurant qu’à chaque escarmouche ils verront touche. Les sages leur enseigneront aussi la magie noire le but de pouvoir l’exercer ultérieurement et de jeter des sorts envers autrui pour se protéger si cela se révèle nécessaire.

Physiquement, cette renaissance en tant qu’homme, est marquée à jamais corporellement à l’aide de scarifications. Ces dernières effectuées sur les épaules, le dos et le haut des cuisses, donnent à leur peau un aspect d’écailles de crocodiles. Créé par de profondes entailles, ce passage rituel se fait dans la douleur. Ils finiront la préparation le corps complétement ensanglanté. Selon la légende, cela leur permet alors d’être en contact avec leurs ancêtres.

Nous allons passer plusieurs heures, dans cette maison des esprits, sur des plateformes en bambous, à discuter avec les hommes de ce village.

Nous finirons la journée en nous lavant dans le Sepik dont la couleur de l’eau est de couleur noire en raison du limon charrié par le fort courant. La baignade sera forte rafraîchissante et elle nous permettra d’attaquer la soirée avec le sentiment d’être propre et revigoré. Nous mangerons du poisson, du sagou et des bananes grillées; repas typique de la région. Nous entamerons par la suite,avec Nick, des discussions profondes sur la vie, le monde qui nous entoure et des sujets touchant plus ou moins certains aspects personnels. Toujours intéressant d’avoir en face de soi une personne dans laquelle on se reconnait dans presque chacune de ces paroles mais qui néanmoins est si différent de soi.

Le lendemain nous allons rentrer plus profondément dans le quotidien des papous du Sepik: chasse au sanglier, recherches des œufs des oiseaux du bush, pêche au filet dans un canoë. Nous allons rendre visite à des locaux travaillant dans leur jardin et produisant: légumes verts, bananes, noix de coco, tabac…Nous promenant en forêt, nous allons pouvoir admirer de très nombreux oiseaux: aigles, perroquets, perruches, chauve-souris et tellement d’autres sortes d’oiseaux aux multiples couleurs et de tailles très différentes. Dans l’après-midi, nous participerons à la cuisson au feu de bois, d’une très grande pirogue tout juste taillée dans un arbre imposant des forêts de la région. Tronc évidé et profilé pour naviguer sur le fleuve, il sera équipé ultérieurement d’un moteur puissant. C’est un privilège d’assister à cette étape spéciale et visuellement intéressante de la construction du bateau de Louis. Nous aurons peut-être la chance d’être les premiers passagers de cette embarcation quand nous prendrons sur le chemin du retour à Pagwi? Qui sait, si le bateau sera alors complétement finalisé, affaires à suivre!

Nous venons, avec Nick, de passer cette nouvelle journée en compagnie de Vince. Une très bonne interaction s’est créée. Lui ayant expliqué notre intention de voyage dans le Sepik, il se propose de nous accompagner et de vivre au plus près de la population de ce fleuve. Nous souhaitons découvrir différents villages, les zones marécageuses des alentours et le gigantesque lac de Chambri. Les villages sur notre itinéraire étant des clans et tribus provenant des mêmes familles que les personnes du village de Kanganaman, il devrait être aisé pour nous de nous déplacer avec Vince et d’y trouver un accueil chaleureux. Vince ne verra bien entendu aucun inconvénient de se mouvoir dans ces villages. En revanche, il tient un discours vraiment négatif concernant d’autres villages, par exemple du bas Sepik et particulièrement de la ville d’Angoram. Pour lui, ces individus sont peu amicaux, mauvais, voire dangereux. Il n’y a donc aucune raison de leur rendre visite. Nous avons souvent entendu ce genre de discours auparavant concernant les villages et clans voisins. Les guerres tribales sont passées par là. L’animosité envers les autres tribus est toujours présente et forte. Ceci explique entre autre pourquoi, les Papous sont très longtemps restés cloisonnés sur un petit territoire. Les sociétés villageoises vivaient quasiment en autarcie complète. Ceci est plus ou moins le cas encore aujourd’hui. Sans contact avec l’extérieur, ils ont développés des langages différents, des traditions et façons de vivre possédant de nombreuses spécificités.

En soirée, je vais entrevoir la partie magique des croyances sur le Sepik. Il est toujours bon de mettre en avant ces aspects positifs de leur culture et de les vivre de façon intensive. La nuit est tombée depuis quelques heures quand nous retournons dans la maison des esprits. Autour du feu de bois et de la lumière qu’il nous procure, les anciens du village et certains jeunes vont nous conter les mythes qui font la richesse des traditions de ce fleuve. Happé par ces histoires, je vais rapidement entrer pleinement dans le jeu. La nature me laisse apercevoir des esprits dans différents éléments; Les flammes du feu de bois, les arbres à proximité. La fumée créée par le feu de bois et les substances naturelles roulées dans du papier à tabac, fumées par tous, contribuent à l’ambiance paranormale. Je trouve intéressant d’ouvrir mon esprit à de nouvelles expériences.J’essaye à ce point de ne pas tout rationaliser en conservant un esprit cartésien parfois un peu trop exigu. La nuit qui s’en suivra sera pour moi forte agréable mêlant dans mes rêves ce que je suis et ce que je vis. Je me réveillerais le matin d’attaque pour notre aventure sur le Sepik.

Levés à 6h30, nous allons une nouvelle fois préparer notre petit-déjeuner au feu de bois. Bananes flambées, eau chaude pour le thé, Sagou à la noix de coco et poissons grillés à la mode barbecue, seront au menu. Nous sommes fin prêt pour le départ à 7h30. Euh, en fait, pas vraiment! Dans ce coin reculé du monde, nous sommes loin des notions du temps de notre monde moderne ou des vies hyperactives à l’occidentale. Chaque action, chaque déplacement demande du temps et de la patience.

Nous devons en premier lieu trouver quelques provisions que nous utiliserons à nos différents points de chute: riz, sucre, bananes, noix de coco accompagnant ce que nous avions déjà prévu et acheté antérieurement à Wewak. 1h30 plus tard, nous aurons enfin réunis tous ces éléments. Nous prenons alors le chemin de la maison de Louis, qui c’était proposé de nous faire traverser le Sepik pour atteindre l’autre rive. Il n’est pas présent chez lui quand nous atteignons sa demeure. Vince va trouver une alternative assez rapidement.

Il est tout de même plus de 10h00 quand nous montons dans cette pirogue en bois à peine assez large pour que nous puissions nous assoir. Chargés de nos sacs-à-dos et de nos provisions, sans comptés le poids des 4 personnes dans cette embarcation, rend le niveau de flottaison quasiment à fleur d’eau. La stabilité de ce bout de bois évidé n’est pas des meilleurs. Un mouvement de balancement trop important et c’est le chavirage assuré! Il n’en sera rien. Nous atteignons l’autre rive, à plus de 100 mètres de notre point de départ, après avoir affronté le courant puissant en son centre, sans encombre. Nous venons de franchir la première barrière naturelle avec succès. Nos affaires, spécifiquement notre matériel électronique est toujours au sec. Mais le chemin avant d’atteindre notre destination est encore long.

Nous allons marcher sur la terre ferme pendant plus d’1h00. Traversant quelques villages, nous allons atteindre une zone marécageuse bloquant notre progression. Après quelques négociations, nous sautons dans un long bateau en bois équipé d’un moteur. Sa course est très vite bloquée par des fleurs d’eau magnifiques mais qui envahissent inexorablement ces zones d’eau sans courant. Nous aidant de pagaies, nous nous frayons un passage à travers ce mur vert. Nous retrouvons des eaux libres de toutes flores et pouvons continuer un peu plus rapidement notre avancée. Pendant plus d’une heure, nous naviguons dans les canaux parcourant des zones de marécages. Les oiseaux sont omniprésents et virevoltent dans tous les sens fuyant le bruit du moteur et la présence humaine venu interrompre ce calme magistrale. Les aigles partagent le ciel avec des hérons, martins-pêcheurs, airettes et de nombreuses autres espèces d’oiseaux. La densité de poissons leur fournit une ressource quasi-inépuisable de nourriture. Les roseaux et autres arbres sur les îlots présentent un parfait terrain pour leur nidification. N’ayant pour ainsi dire aucun prédateur, exception faite des crocodiles, ils volent librement dans cet environnement où les nuages se reflètent dans le bleu de ces eaux calmes. Atteignant finalement une île importante, celle du village d’Aibom, où nous séjournerons ultérieurement, nous continuons une nouvelle fois notre route à pied. L’heure n’est pas encore au repos. Nous marcherons plus d’une heure à travers la forêt tropicale. Nous sommes attaqués de tous les côtés par des ennemis quasi-invisibles. Je serais pourtant reconnaître «leur sifflement» parmi des milliers de sons différents. Il s’agit de moustiques au nombre incalculable. La bataille est perdue d’avance mais je m’attèle à faire le plus grand nombre de victimes dans leurs rangs. Certains écrasés contre ma peau, laisseront une belle traînée rouge. Ils avaient déjà obtenu leur butin, mon sang, mais ils n’auront pas l’occasion de jouir de ce dernier.

Finalement arrivé au point d’embarcation, non officiel et non démarqué, pour l’île de Chambri, nous faisons la connaissance de Jerry et de ces deux fils aînés. Après la dégustation très appréciable de noix de coco avec du Sagou, sous formes de galettes cuites au feu de bois, nous embarquons sur sa pirogue. Nous allons pagayer pendant plus de 45 minutes avant d’atteindre l’espace ouvert du deuxième plus grand lac du pays; le lac de Chambri. Quelques minutes seulement nous suffisent alors pour atteindre la rive de l’île excentrée, portant le même nom. Elle est constituée de 3 villages disposés, sur les bords du lac, au pied de la colline imposante située en son centre. Nous atteignons alors le point le plus éloigné de notre point de départ pendant ce périple. Nous allons loger pendant 3 jours dans la très grande maison de Desmond et de sa famille. Seule sa taille la différencie des autres habitations. Sinon, elle est constituée des mêmes matériaux prélevés directement dans la nature environnante et fabriquée avec la même logique. Elle est constituée d’une seule et grande pièce élevée sur pilotis. Nous installerons nos moustiquaires et dormirons,une nouvelle fois, à même le sol. Ce sol est, comme pour la plupart des maisons de la région, constitué de fines lamelles de bois agencées d’une certaine façon les unes avec les autres. L’accueil est chaleureux.Tous les membres de la famille semblent heureux de nous recevoir.

Notre première visite consistera à nous rendre dans le centre spirituel, décisionnel, et juridique de la communauté: la maison des Esprits. Cette dernière, un peu moins imposante dimensionnellement parlant que celle de Kanganaman, est magnifiée par l’ensemble des poutres sculptées et peintes de milles couleurs. Les représentations sont à l’effigie de la nature (crocodiles, oiseaux, paysages), des mythes de la région, et bien sûr de la représentation des esprits craints et respectés depuis des décennies. Au cours des trois prochains jours, nous allons passer de longues heures dans l’antre de ce bâtiment si prestigieux, à la connotation spirituelle, traditionnelle et magique forte. Les hommes sont épatés, agréablement surpris de pouvoir partager avec nous leur quotidien et leur mode de vies. Habituellement, ils ne voient que des groupes de riches touristes débarquer pour 1 ou 2h00 maximum. Ils performent pour eux les chants et danses traditionnelles, essaient de vendre leurs arts et sculptures, puis ils les laissent repartir sur leur bateau au moteur ultra-puissant.

Nous serons présents jours et nuits avec eux, autour du feu, dans la fumée, auprès des esprits, qui prennent encore pleinement part à leur mode de vie. Partager cette expérience avec Nick est vraiment appréciable. En effet, dans cet environnement masculin, l’expérience aurait définitivement été totalement différente avec une femme même si sûrement très intéressante. En effet, les femmes papoues ont l’interdiction formelle de pénétrer dans ces lieux. L’égalité des sexes n’est pas encore d’actualité dans ces sociétés primaires. Heureusement, pour les touristes, les femmes étrangères ont l’autorisation de visiter ces lieux.

Nous allons dans ce village expérimenter de nombreux aspects de la vie locale répétitive. Le Matin, les tâches sont réparties selon les besoins de la journée ; pêche au filet, jardinage, récolte des fruits et légumes, séchage du poisson pour le conserver… Puis de retour chez eux, ils s’attèlent à préparer le repas principal de la journée. Les enfants, quand ils ont la chance d’avoir une école dans leur village, s’y rendent jusqu’à environ 15h00. Le reste du temps libre est occupé entre jeux à l’extérieur, cartes, discussions et repos… La vie continue tranquillement. Il me semble que rien ne pourrait venir perturber cette sensation paisible, si ce n’est quelques querelles entre familles, souvent pour des détails insignifiants. Cela fait bien longtemps, dans la région, que les conflits entre tribus font partis d’un passé révolu. Ils n’ont donc pas à craindre la possibilité d’assaillants qui viendrait les défier. Les hommes vivent en symbiose avec la nature. Les oiseaux n’ont rien à craindre de ces derniers. Ceci explique donc pourquoi, tous ces animaux sauvages se retrouvent si près des lieux d’habitations et partagent parfois leurs activités quotidiennes. Certains sont presque devenu des animaux domestiques, toujours libre de se rendre où ils désirent mais revenant toujours chez les mêmes personnes. Le fait, qu’ils aient pris soin d’eux depuis qu’ils font partis de ce monde, aide grandement à cette relation stable.
Beaucoup d’autres instants de vie pourraient être décrits en détail ci-dessous. Je n’en retiendrais seulement certains qui m’ont particulièrement marqués. Au cours de ce séjour, la musique fera partie de notre quotidien. Tout d’abord avec Nick jouant de la guitare. Cette dernière appartient à Desmond. Il se l’ait procuré il y a seulement quelques mois. Pour ma part, je m’exercerais à la pratique de mon harmonica. L’improvisation est alors de rigueur. Je ne serais pas capable de vous dire si les sons sont mélodieux, si la musique pourrait vous faire vibrer mais je suis sûr que les moments passés avec l’instrument dans les mains sont pour moi très agréables.

Nous allons aussi, lors de la deuxième soirée, partir en pleine forêt tropicale, trouver une clairière, allumer un feu. Une dizaine de locaux sont venus avec nous. Ils ont avec eux de longues flûtes en bambous. Ils nous ferons partager leurs créations. Ces dernières serviront pour un spectacle de village qui aura lieu lors de la nuit du 25 décembre prochain. La musique est mélodieuse, riche en émotion. Ça sera un pur plaisir de les écouter pendant plus d’une heure. Lors de cette soirée, nous allons aussi déguster un Bandicoot, sorte de petit rongeur. Nous cuissons ce dernier au feu de bois. Son goût sera proche de celui du poulet.

Le dernier jour nous allons prendre part à l’entretien de la maison des esprits, en coupant l’herbe haute autour de cette dernière. Pour se faire, nous utilisons les seuls outils à notre disposition; des coupe-coupe. Genoux fléchi, le mouvement ample du bras permettant d’obtenir de l’herbe rase, n’est pas évident à s’approprier. Nous ferons de notre mieux et, quoi qu’il en soit, nous passerons un moment très agréable avec les autres hommes. Le travail fini, nous partagerons un repas dans cette maison Tamboran. Sur le feu, nous ferons cuir du riz avec du lait de coco, dégusterons des poissons frais tout justes grillés et finirons par quelques succulentes bananes en guise de dessert. Je ne pourrais jamais oublier, bien sûr, le nombre d’heures incalculables passées dans la maison des esprits à discuter, échanger ou seulement partager un moment agréable en silence entouré de ces magnifiques peintures et sculptures. C’est dans ces lieux que je vais être baptisé de mon nom papou. Les hommes de ce village m’appelleront désormais Toubangawi. Nom d’un esprit important du village, ce nom signifie masque dansant ou aigle virevoltant! Les différentes façons de traduire ce dernier résulte de la transmission orale et non écrite de ce dialecte. Je suis vraiment touché et cela met en abîme, définitivement, la connexion que nous avons créée. C’est un réel honneur qui me touche profondément. Nick, quant à lui, obtiendra son nom papou sur la prochaine île, à Aibom.

D’ailleurs, il est temps de remonter sur la pirogue de Jerry qui est venu nous chercher. Une bonne poignée de main pour marquer notre départ. Nous ne regarderons pas en arrière, sauf pour d’ores et déjà se remémorer les fabuleux moments que nous venons de partager. Nous sommes accueillis comme des rois chez Jerry. A notre arrivée, sa famille, et de nombreux jeunes du village sont présents. Le premier moyen utilisé pour connecter avec les jeunes sera le jeu de cartes «7 bombs». Autour de ce jeu à 5 joueurs, un attroupement de jeunes se sera créé. Nous allons rire à ne plus pouvoir nous arrêter. Des éclats de rire interminables se communiqueront et transmettrons à tous. Les mimiques ou bruitages que nous allons utiliser avec Nick participeront à distraire nos nouveaux amis. La soirée sera par la suite assez calme. Après un bon repas et d’intéressantes discussions avec Jerry, nous nous protégeons sous nos moustiquaires pour passer une plaisante nuit.

Le réveil, le lendemain matin, a pour moi une saveur particulière. Nous sommes le 6 septembre 2012. Voilà maintenant 1 an que je suis sur les routes, arpentant ce monde que je tenais à découvrir, volant librement de contrée en contrée. Je n’ai pas le sentiment d’être parti depuis si longtemps. Je conserve la fraîcheur des premiers jours. Mon envie de découvrir, d’apprendre avec les autres et d’admirer les merveilles de ce monde sont toujours aussi présentes. Je n’ai rien prévu de spécifique pour célébrer ces instants. Je désire juste profiter de ce jour dans ce paradis terrestre en toute simplicité. Coïncidences aidant, la vie va me faire de petits clins d’œil et de petits cadeaux avec de nouvelles expériences de vie. Nous allons nous promenersur l’île. Nous découvrirons la vie à Aibom. Une des spécificités consiste en des fermes de crocodiles. Nous allons pouvoir admirer ces bêtes sauvages et dangereuses. Je vais,pour la première fois, voir l’un d’entre mort complétement dépecé par un jeune du village. Nous allons lui acheter plusieurs centaines de grammes de cette viande blanche. Lors du déjeuner et du dîner, je vais avoir le plaisir pour la première fois de déguster cette viande très tendre. Son goût, si je dois le comparer à ce que je connais déjà, se rapproche d’un mixte entre du poulet et du calamar. Nous dégusterons cette viande avec des légumes verts, pommes de terre et Sagou. Dans l’après-midi, nous allons aussi avec la femme de Jerry, fabrique des pots et plats en terre. Nous prendrons part aussi à la cuisson de certains, déjà fabriqués, qui ont séchés pendant plusieurs jours à l’air libre. Nous apercevrons aussi le temps de quelques secondes deux touristes sur un bateau filant en direction du lac de Chambri. Il est alors intéressant de réaliser que nous n’en n’avons pas vu depuis plus de quatre semaines et que ceux seront les seules que je verrais jusqu’à atteindre Goroka et son festival culturel.

Nous continuons notre périple et nous nous rendant de l’autre côté de l’île où nous dormirons chez le skipper du bateau qui nous reconduira le lendemain matin à Maringai. Dans cette partie de l’île, ils sont encore moins habitués aux voyageurs ou touristes, que les autres villages que nous avons eu le plaisir de déjà arpentés. Pour cette raison, nous allons interloquer de nombreux adultes, effrayer les plus jeunes, et attirer la curiosité des adolescents. Je n’avais jamais encore été confronté à ce genre de relation où la personne en face de toi à certaines difficultés à interagir et établir une simple communication en raison de l’inconnu que je représente. La spontanéité avec laquelle nous créerons un échange me satisfera pleinement. Je sortirais enrichi culturellement de ces moments passés à leurs côtés.

Malgré la lenteur de nos actions, de notre progression, le temps file inéluctablement. Sautant dans la pirogue à moteur, nous nous faufilons dans les canaux de cette magnifique région pour atteindre Maringai. La nature continue à nous encensée de ces beautés florales et animalières. Je ne me lasse pas de naviguer sur ces eaux calmes où le bleu de l’eau et du ciel, le vert de la végétation, et le marron grisâtre de la terre forment un tableau paradisiaque et paisible. Seul le vol des oiseaux, le bruit des insectes donnent vie et mouvement à cet environnement qui semble figé dans le temps.

Arrivé à Maringai, nous nous installerons dans la maison récemment construite d’un jeune qui vit aux côtés de la grande maison de ces parents. Là encore, nous passerons plusieurs jours à la mode de vie des papous du Sepik. Aucun empressement, aucune urgence, le temps est à la relaxation, au plaisir de ne pas en faire de trop dans la continuité de la découverte de ce pays fascinant. Naviguer dans les mangroves, s’essayer à la pêche, marcher dans la forêt tropicale, visiter les différents maisons des esprits de ce village et de son proche voisin, Palembei, seront certaines de nos occupations principales. Nous allons aussi passer une soirée à boire l’alcool local; Ambrou. Nous danserons sur un rythme endiablé de la musique,provenant des enceintes d’une des rares chaînes stéréo disponibles dans les environs. Celle-ci est alimentée par le générateur électrique d’un des chefs du village.
Nous continuons ensuite notre périple et trouverons une embarcation pour traverser de nouveau le Sepik. Nous voici de retour à notre point de départ Kanganaman. Il est plaisant au cours d’un voyage au long cours de pouvoir revenir sur ces pas. Qui plus est, nous revenons dans un endroit où je me sens déjà comme à la maison, où l’accueil est digne de ce qui pourrait être le retour d’un fils prodige retrouvant les siens. «Emangabi», «Vovena» seront quelques-uns des seuls mots dans la langue locale que nous pourrons employer. Mais le simple fait d’interagir avec eux dans leur propre dialecte donne une dimension tout autre à l’échange. Les villageois en sont très reconnaissants.

Je resterais marqué par ce périple sur le Sepik et heureux de l’expérience que nous avons pu vivre. Elle a été grandement facilitée par la présence de Vince à nos côtés. Nous avons aussi et surtout créé une réelle amitié. C’est au calme, avec vue sur le Sepik que nous passerons notre dernière soirée dans la maison de Louis. Non pas sa maison actuelle maiscelle lorsqu’il était encore célibataire. Cette maison à l’écart du village est très bien agencée et un parfait endroit pour passer nos derniers moments dans la région. Nous cuisinerons un énorme poisson fraîchement pêché, que nous accompagnerons avec du riz à la mode noix de coco, Sagou et légumes verts. Vous pouvez constater la similarité de nos repas ou des instants vécus lors des derniers jours. Il est seulement important de prendre conscience que de petits détails changent complétement l’instant vécu. Celui-ci est descriptible, explicable mais le plus important restera de l’avoir vécu pleinement. Le coucher de soleil sur le Sepik restera mémorable. Les fous rires, avec les trois enfants de Vince, quand nous jouerons à «Tiens moi par la barbichette, le premier qui rira aura une tapette», résonnent encore en moi et me laisse esquisser un sourire par sa simple évocation.

Le lendemain matin, nous sautons dans le bateau. Voici venu le temps des derniers kilomètres sur le Sepik. Voir les enfants de Vince agités leur bras en signe d’au revoir, puis courir après le bateau, est touchant. Encore une magnifique connexion avec des enfants et les personnes de ce pays. Il n’est jamais évident de laisser de telles personnes derrière soi. Devenant de plus en plus petit, Ils disparaissent finalement à l’horizon alors que nous remontons le courant du fleuve.

Cheveux au vent, à la proue du bateau, je profite encore et encore de ce lieu. Arrivé à Pagwi, nous aurons à attendre, seulement quelques minutes, avant qu’un transport en commun face son apparition. Sacs chargés dans le véhicule, nous sommes prêts à retourner dans des contrées où la civilisation s’est modernisée de manière plus intensive. Vince a les larmes aux yeux, quand d’une poignée forte, il nous fait ces adieux. Comme je l’ai déjà évoqué, ce n’est pas les moments que je préfère. Néanmoins, c’est la concrétisation physique et psychique intense de la relation que nous avons créée et des moments exceptionnels que nous venons de partager. Je ne demande alors pas mieux et aime être pris dans la tourmente de cette tristesse et mélancolie. L’aventure nous rattrapant rapidement, nous ne garderons que les bons souvenirs et nous passeront à la prochaine étape.

Quelques heures plus tard, après avoir empruntés deux PMV, nous sommes de retour à Wewak. Comme convenu ensemble avant notre départ, nous retournerons vivre dans la maison de James. L’accueil est toujours chaleureux. Ils veulent savoir et connaître notre expérience.

Ils désirent aussi nous expliquer la raison de vivre de cette communauté. Ils veulent nous expliquer le pourquoi de cet accueil qui n’est qu’un échange de bons procédés. James est en quelque sorte le gourou de ce groupe de personnes qui obéissent à tous ces commandements. Il est persuadé qu’il va révolutionner son pays, arrêter tous les conflits internes et «batailles de voisinages». Ces dernières parfois mortelles n’aident, en tout cas, pas ce pays à vivre en paix et en toute sérénité. Il veut, aidé d’avocats et de personnes hauts placées dans le gouvernement, faire adopter sa mouvance au parlement. Il a basé son organisation sur une loi baptisée «la loi de la maison des esprits». L’idée consiste à utiliser l’histoire de la région, du pays et d’y ajouter certaines règles, ayant pour raisons d’être la suppression des violences, de la corruption, le respect d’autrui et de soi-même (corps et esprits), le traitement de son prochain quel que soit son origine, sa race, ou sa couleur de peau, comme son égaux et un membre de sa famille. Ils veulent embellir cette loi et la définir de manière plus détaillée.

Ils expérimentent depuis quelques mois cette dernière dans leur communauté. Les résultats sont plutôt concluants. De nombreux jeunes ont arrêtés de boire et se sont mis au travail. La violence a quasiment disparu de leur quotidien. De nombreuses personnesdonnent un avis très favorable à la mise en place et le respect de cette loi.

Avec Nick, nous sommes beaucoup plus dubitatifs. Basé de profonds et radicaux changements sans utiliser les traditions et la culture forte du pays n’est pas envisageable. C’est un point important mais pas suffisant qu’ils ont pris en considération. En effet, certains des éléments sont choquants si nous les transférons dans notre société occidentale. Il s’agit ni plus ni moins d’un système dictatorial, ou la place de la femme n’est pas encore l’égal de l’homme, ou l’unicité des personnes n’est pas présente… Ce système fonctionne parfaitement pour ce petit groupe, formant en quelque sorte, une secte pleine de bons sentiments et ne désirant qu’amour et paix.

Cependant, je reste persuadé que l’ONU ne ratifiera jamais cette loi ou que le pays ne prendra pas en considération une idée d’un homme fort sympathique, prenant tout de même ces rêves de splendeur un peu trop comme une réalité. Ils seront très aidants pour Nick et moi-même. Ils nous accompagneront dans toutes nos démarches, tous nos déplacements afin de s’assurer que rien ne pourrait nous arriver. Les deux jours passés à leur côté se sont déjà évanouis quand arrive le temps de la conclusion de notre aventure en commun avec Nick. Il part en direction de l’Ouest pour atteindre Vanimo avant de passer la frontière et entrer en Indonésie. Je repars vers l’Est et Madang afin de remonter dans les hauts-plateaux. Nous avons beaucoup de choses en commun et c’est avec certitude que nous resterons en contact. Malgré mon choix de vivre l’expérience de ce Vol Libre seul, j’ai une nouvelle fois, comme je l’ai toujours souhaité, vécu d’intenses moments de partage avec une autre personne.

Me voici, en ce Mercredi 12 Septembre, de nouveau seul sur les routes ou plutôt sur les océans. J’embarque en effet sur le ferry naviguant entre Wewak et Madang. Le bateau est surchargé. Dans les cales aménagées et possédant des banquettes confortables, il n’y aura cependant pas foule. L’explication me sera donnée pendant le trajet. La plupart des papous ne sont pas de bons nageurs encore moins des marins et ils ne connaissent pas la mer. De plus, quelques accidents se sont produits ces dernières années dans le pays. Des bateaux ont coulés faisant de nombreuses victimes. Une majeur partie des passagers décide donc de rester sur le pont et veillera tout la nuit, au cas où l’évacuation du bord soit nécessaire. Je passerais une très bonne nuit allongé sur ces banquettes, mon sac en guise d’oreiller.
Seul un local me réveillera au beau milieu de la nuit, à 2h00, comme nous l’avions convenu. En effet, nous passons à proximité de l’île de Manam. Je désirais une nouvelle fois admirer le spectacle. Il est aisé de comprendre alors pourquoi l’évacuation de l’île a été ordonnée. L’intensité de l’activité volcanique est montée d’un cran. La lave et les roches en fusion se dispersent maintenant dans toutes les directions, le jet incandescent au sommet du cône volcanique atteint des hauteurs impressionnantes. Je resterais cloué à la rambarde du ferry pendant de longues minutes. Je m’en retournerais ensuite sur ma banquette, dormir profondément et rêver en mixant tous ces souvenirs incroyables.
Le lendemain matin, le ferry longe la côte de très près. Nous aurons la possibilité d’admirer de magnifiques paysages, quelques îles désertes arborant palmier et sable blanc. Un nouveau spectacle nous attend. Il faut cette fois regarder vers le bas. Dans l’eau un groupe d’une centaine de dauphins va entourer le bateau et jouer avec les vagues créées par ce dernier, au niveau de sa proue et dans son sillon, pendant approximativement 10 minutes. C’est les yeux émerveillés, tel un enfant venant d’obtenir un nouveau jeu, que je profite de ces moments de magie du voyage.
Discutant avec des papous, je vais une nouvelle fois faire une rencontre, qui changera la fin de mon séjour en PNG. Un petit festival culturel a eu lieu à Wewak, le week-end passé. Nous étions alors encore, avec Nick, au beau milieu du Sepik. Nous n’avons pas assistés à cet événement. Néanmoins, trois groupes folkloriques rentrent chez eux. Un vient de Rabaul dans les îles, un autre de Madang et le dernier de Goroka où je me rends. Formulant une demande similaire à celles déjà effectuées auprès d’autres papous, je me renseigne pour savoir s’il y aurait une possibilité de rester avec eux dans leur village. La réponse est instantanément positive. Il ne me reste plus qu’à embarquer avec eux dans le PMV qu’ils ont déjà réservés. 21h00 après le départ, nous atteignons enfin Madang. La transition est rapide. Après avoir évité la foule rassemblée devant les grilles du port et, essayant d’attirer un nombre de clients nécessaires pour remplir leur véhicule, nous grimpons dans le nôtre. Nous ne perdrons pas de temps. Les pleins d’essence et alimentaires effectués, le conducteur s’élance pour 7h00 de conduite ininterrompues. Nous nous arrêterons seulement quelques minutes à la fin des plaines costales pour prendre l’air. Les paysages sont encore une nouvelle fois grandioses. Je ne m’en lasserais pas de sitôt.

C’est la nuit tombé que nous passons la ville de Goroka et, que nous nous rendons quelques minutes plus loin, dans leur village de Komunivai. Les familles sont heureuses de retrouver leur proche après plus d’une semaine d’absence. Ils m’accueillent, dans le même temps, avec amicalité. Ils arrangeront une pièce rien que pour moi dans l’ancienne maison de la sœur d’Andrew, parti avec son mari australien à Perth. Je vivrais avec deux des enfants de ce chef de village; Dick et Pene. Sa femme, Sisco, va être une vraie mère d’adoption pour moi. Elle agira en tout cas de la sorte pendant tout mon séjour. Je suis très vite intégré à la vie du village où je vais faire la connaissance de nombreuses personnes, recevoir de nombreux présents et vivre, encore et encore, des instants de vie sans pareils.
Le festival culturel de Goroka, l’un des événements les plus importants du pays ouvre ces portes en ce vendredi 14 Septembre. Je vais m’y rendre avec James, frère d’Andrew, qui m’a pris sous son aile. En simples spectateurs, nous allons voir de nombreux groupes folkloriques paradés en ville avant d’accéder au terrain des festivités et continuer leurs danses, chants et musiques sans interruption pendant de longues heures. La peur d’assister à un remixe de l’expérience vécue à Hagen s’estompe instantanément dès les premières minutes passées à Goroka. En effet, les tribus et groupes présents sont beaucoup plus nombreux, provenant d’horizons totalement différents. De plus, même si ça avait été le cas, il ne s’agissait pas vraiment d’un problème. Je suis en effet dans un état de transe permanent dans cette ambiance si particulière. Il me semble avoir été emporté une nouvelle fois par une machine à remonter le temps, et vivre l’épopée de ces certains de mes héros cinématographiques…

Lors de cette première journée, je vais faire le tour des groupes, m’amuser avec certains d’entre eux en imitant un combat, ou jouer du tambour et danser dans un rythme endiablé avec d’autres. Je vais bien sûr vouloir immortaliser ma marque de fabrique lors de ce périple. Sautant dans les airs et montrant le résultat photographique a certains d’entre-eux, nous pousserons le jeu un peu plus loin grâce à leur participation active. Nous allons bien rigoler et l’échange en sera facilité.
Cela va me permettre d’établir aussi un contact intéressant avec des cinquantenaires américaines venues pour un séjour intensif de plongées et cet événement unique.

Le soir même je me rends dans un des hôtels luxueux du centre-ville; le Paradise. J’y retrouve Cathy, une des américaines, qui m’interpelle. Elle me remémore mon interaction avec les groupes dans l’après-midi. Par la suite, nous entamons une intéressante discussion. Elle m’invitera à boire une bière et de fil en aiguille, je prends part à la soirée avec son groupe, je dinerais avec eux. Tout cela sera bien sur «aux frais de la princesse »! L’attente de l’arrivée de quelques-uns des villageois venant du lieu où je réside, c’est transformée en une très agréable soirée. Mais que fut le but de cette attente? Comment expliquer le passage de la vie de village à une soirée dans un hôtel chic? Le lien provient d’une spécificité du village dans lequel je me trouve. Le village de Komunivai est l’endroit où les guerriers Asaros Mudmen ont vu le jour. Ils sont le symbole de la région et du festival. Ils viennent donc se produire sur scène et, dans l’assemblée de riches clients dégustant leur dîner.Je serais encore le spectateur de ces traditions pour la soirée. Rentrant avec eux au village, je suis déjà d’attaque pour le lendemain et l’événement que nous avons prévus de vivre ensemble.
La légende autour de ces guerriers est simple mais démontrent une fois de plus la puissance des croyances, des esprits et des peurs qu’ils engendrent dans ce pays. Combattant des villages voisins, ils durent fuir sous les assauts puissants de leurs ennemis. Battant retraite, fuyant les combats, ils vont tomber par accident dans de la terre argileuse. Cette malencontreuse expérience va leur sauver la vie et être le point de départ de leur légende. Recouvert d’une fine couche blanchâtre, ils auront alors l’apparence de fantômes ou esprits venus de l’au-delà. Les assaillants effrayés fuiront aussi loin que possible et ne reviendrons jamais dans ces contrées, de peur d’y perdre la vie.

Les Asaros ont alors trouvé un moyen exceptionnel de se protéger, de protéger leur territoire et leurs familles. Au cours des années, ils amélioreront leur costume, créeront des masques et continuerons de faire régner la terreur à chaque fois que cela sera nécessaire. Les qualités exceptionnelles de la terre argileuse utilisée permettront de créer d’impressionnants masques. Ces derniers ne se casseront pas aisément. Aucunes brèches, failles ou craquelures, ne feront leur apparition alors que cela est normalement monnaie courante pour ce genre de matériaux dans leur état solide. Le lieu d’extraction de cette terre argileuse est encore de nos jours bien préservé.

L’histoire est belle mais je préfère personnellement vivre les choses, plutôt que de seulement les entendre de la bouche de quelqu’un d’autre, ou de les lire avec délectation et envies… Etre un simple spectateur ne fait pas vraiment partie non plus de mon idéal et de ma conception de la vie. Le moment est donc venu, suite à une requête insistante de ma part, de prendre part totalement à la culture de ce pays.

En ce samedi matin, j’accompagne donc les Asaros dans leur lieu de préparation. Mon accoutrement m’y attend. Je retire mes vêtements pour revêtir de simples feuilles et bout de tissus en guise de string, de la terre argileuse est étalée sur la totalité de mon corps. Portant mon masque, armé d’un arc et de flèches, la transformation est alors complète. Je vais réaliser un nouveau rêve et prendre part à la culture magique de ce pays. J’adore cette ambiance festive qui grandie dans nos rangs avant de nous rendre sur les lieux du festival.
Nous rendant à pied sur le terrain du Goroka show, ma côte de popularité va soudainement explosée. Les papous sont interloqués. Tout le monde se retourne à mon passage, interpelle ces voisins pour leur notifier ma présence et mon accoutrement. Jouant de cela, je leur répondrais avec un grand sourire. Nous échangeons parfois quelques mots. Les premiers commentaires, que je comprends, sont:
  • «Look the white men in Asaros Mudmen!» (
Regardel’hommeblanc en Asaros),
  • «Fit», «Right men»,
  • «You are part of our culture is awesome, you are doing a great job!» (Tu fais partie de notre culture, c’est génial!).
  • Andrew et Abe me traduiront de nombreux autres commentaires encensant le résultat et le fait que je prenne part à la culture et aux traditions du pays. Je suis le premier homme blanc, voyageur ou touriste, à avoir la chance de revêtir, lors d’un événement majeur, l’habit des Assaros.

    Nous nous rendons alors sur le terrain ou l’ensemble des festivités et concentrés. Nous défilerons à travers la file. Avec des pas lents, nous progressons, armes aux poings, vérifiant qu’aucun ennemi ne nous surprendra sur un de nos flancs. Sous mon masque, je jugule. Certaines personnes feront le constat immédiat que je suis blanc. D’autres, trompés par l’argile recouvrant la totalité de mon corps, me prendront pour un des leurs. Le pari est alors gagné!
    Les deux jours du festival vont être de très bons moments, vraiment spéciaux. Je vais pouvoir, comme quand je me produisais au théâtre, rentrer dans la peau d’un autre personnage. Je deviens encore un petit plus célèbre. De nombreux touristes mais, aussi et surtout, des locaux veulent prendre des photos avec moi. Certains pensant prendre une photo avec un simple Asaros Mudmen, seront surpris quand je retirerais mon masque. Ils désireront alors prendre une nouvelle photo.
    Prenant le temps en fin de journée de me promener librement pour découvrir de nouveaux groupes folkloriques, je serais assailli d’un peu de toute part. Un journaliste va alors, à ce moment-là, m’interpeller et me questionner sur moi, mon parcours et surtout cette expérience en PNG… Je serais heureux de lui réponde! Mais je suis aussi content après,libre de mouvement, de pouvoir tout de même découvrir ces dizaines de tribus différentes et leurs spécificités. Je vais aussi me rendre auprès de la scène où vont se produire des artistes musicaux locaux vraiment doués dans leur domaine. En fin de journée, alors que la terre argileuse est encore bien accrochée à ma peau, je continue à interagir avec les locaux comme jamais je n’avais pu l’expérimenter auparavant dans ma vie. Lors de la cérémonie de clôture, nous assistons à un magnifique défilé de chaque groupe devant les tribunes présidentielles. Cela sera, encore une fois, l’occasion d’admirer tous ces costumes colorés faits d’éléments naturels. Derrière ces beautés se cachent des histoires, légendes et traditions à n’en plus finir. En prendre conscience embellie, si cela était nécessaire, le tableau magistral qui nous est proposé.
    Les festivités s’estompent en fin de soirée de ce dimanche de mi-septembre. Je resterais encore deux jours dans le village. Je compléterais ma connaissance de la légende des Assaros, en prenant part à la construction d’un masque et en me rendant sur les lieux d’extraction de cette terre spécifique. Je me mêlerais plus que jamais à la population et participerais à leur activité. Je me rendrais à l’école de Dick et assisterais à quelques-uns de ces cours, aideraient Sisco dans l’entretien de son jardin et la récolte des légumes, j’irais me laver dans les eaux glaciales de la rivière en contre-bas du village, passerais une soirée à jouer aux cartes et tellement d’autres moments simples et plaisants à vivre...
    De retour dans la ville de Goroka, je vais cette fois-ci être reconnu par tous. Je porte pourtant des habits de tous les jours, mes vêtements de simple voyageur. Certains individus me regardent fixement, s’interrogeant! Puisils alternent, pour ceux qui le possèdent, avec le journal qu’ils tiennent dans la main! Là encore, les sollicitations seront nombreuses. Certaines me sourient, d’autres viennent me questionner et savoir si je suis bien la personne à laquelle ils pensent, d’autres enfin me félicitent… Mais que me vaut cette célébrité soudaine qui ne semble pas vouloir cesser? L’explication dont j’ai déjà eu vent par Andrew, travaillant en ville, va prendre forme à mes yeux lorsque je tiendrais dans mes mains «The National». Je suis en effet en première page du journal national de Papouasie Nouvelle-Guinée…Partout dans le pays, des vendeurs ont déposés dans leur kiosque, sur leurs étales ou à même le sol, ce journal imprimé et ma photo en gros titre…

    Etre devenu une célébrité l’histoire de quelques jours est plaisant à expérimenter! L’engouement que génère mon implication auprès de la culture papou, le mouvement de sympathie qui est nait de cette dernière, l’aspect très positifde cette reconnaissance est un pur plaisir à vivre et partager avec cette population qui mérite d’être connue et qui m’aura tant apporté et donné. Je vais être néanmoins très heureux de retourner à l’anonymat et pouvoir librement, sans attirer l’intention, me déplacer à ma guise de nouveau. Je pense avoir retrouvé cette dernière quand, quelques heures plus tard, je m’envol pour Port Moresby. Ce ne sera pas encorele cas. Arrivant à l’aéroport, un jeune de la sécurité de l’aéroport me reconnait. Il m’accoste quelques minutes plus tard lors que j’attendrais devant le tapis roulant pour récupérer mon sac-à-dos. Il me demandera confirmation concernant cette certitude qu’il possède, il me félicitera puis il ira diffuser la nouvelle auprès de ces différents collègues de travail. Je m’amuse de cette situation et j’en profiterais même un peu. Un service de limousine d’un grand hôtel de la ville me déposera, où je souhaitais me rendre, près de la maison de Charlie, expatrié rencontré au Mont Wilhelm qui c’est gentiment proposé de m’héberger pour la nuit. Cette dernière soirée me permettra de boucler et finaliser un périple extraordinaire. Je viens de vivre comme je l’avais souhaité en dehors des sentiers battus touristiques, j’ai partagé avec les locaux la quasi-totalité de mon séjour, je connais leur mode de vie, je connais leur habitude, j’ai pu constater la métamorphose progressive mais très lente de leurs façons de vivre.

    Je n’ai aucunement besoin de comparer mon expérience avec celle vécue par un autre. Néanmoins, il est intéressant d’échanger avecGeoffrey, colocataire de Charlie, travaillant dans la même organisation caritative que mon hôte. Il est expatrié, arrivé depuis plus de 4 mois. Il est le parfait exemple de ce que je ne veux jamais vivre et, surtout ce que je ne souhaite pas devenir dans un futur plus ou moins proche. Lors de nos discussions, il nous posera, à Charlie et à moi, plusieurs questions sur les motsque nous avons employés, ou sur les traditions dont nous parlons. Il ne sait pas, par exemple, ce qu’est un oiseau du paradis, il ne connait pas le Sagou, n’a aucune idée sur la vie dans les villages et leur habitude. Il n’a jamais eu l’opportunité ou il ne la pas saisit, d’aller explorer un peu le pays. Il n’est pas allé voir plus loin que son bureau avec son ordinateur et son téléphone, ou le trajet pour se rendre sur son lieu de travail et l’appartement de location qu’il partage avec Charlie. Comme beaucoup d’expatriés, il ne s’intègre pas à la population locale et il sera toujours perçu comme un étranger quel que soit l’endroit où il se rendra dans le pays. Je vous épargnerais les détails de sa vie personnelle, amoureuse et familiale qui pourrait se résumer, selon mon point de vue, par un seul mot: catastrophique! La remise en question importante qu’il a entreprit lui permettra j’espère de trouver son chemin vers un bonheur encore possible… Je ne me réjouis aucunement de son malheur. Cela me permet seulement personnellement de savoir un peu plus ce que je veux et de confirmer mes envies et projets futurs.

    Je rêvais depuis des années de fouler ces terres. J’ai rêvé éveillé pendant tout mon séjour. Je rêverais encore jusqu’aux dernières secondes. C’est une expérience unique qui s’achève. J’espère que j’aurais un jour le plaisir de revenir en Papouasie Nouvelle-Guinée et, que je pourrais faire la surprise à mes amis de les visiter. J’aimerais aussi découvrir d’autres parties du pays tel que les îles au Nord et de l’Est, des territoires reculés au centre avec une accessibilité très limitée... Aucune promesse de faite, juste l’espoir de pouvoir le réaliser.
    Je m’envol vers de nouveaux horizons. L’Australie est dans ma visée. J’espère que la nation, « Grande sœur» de la Papouasie Nouvelle-Guinée, sera m’apporter autant de réjouissances, de contacts humains, de paysages et d’expériences que ce que j’ai pu en vivre pendant ces dernières semaines… Rien de comparable sûrement mais cela n’est pas pour me déplaire… Vive les nouveautés, vive l’instant présent vécu, vive la Vie…


    Pour le plaisir des yeux, voici les portraits de Papous rencontrés sur ma route, de ces merveilleuses personnes qui m’auront tout données. Elles sont les principaux artisans d’un périple mémorable, d’un souvenir d’ores et déjà impérissable, gravé à jamais dans ma mémoire!