mardi 6 août 2013

Polynésie Française : Gambier et Tuamotu


Retour dans le passé de presque 24h00, 15 jours en mer, isolés dans quelques mètres carrés, à 6 personnalités au caractère bien trempé, première traversée d’océan me concernant, en symbiose fracassante avec la nature ; la notion de la perte de repère est alors évidente! L’arrivée aux Gambier, archipel de la Polynésie-Française, va permettre de nous remettre les idées en place.

Nous venons donc d’ancrer le catamaran aux abords de l’île de Mangareva. Nous sommes au mouillage devant la plus grande ville de l’archipel; Rikitea! Pas question officiellement de descendre du bateau avant d’avoir remplies les formalités d’entrées dans le pays! André tient à respecter scrupuleusement cette règle! Sous le soleil, nous entreprenons donc le grand nettoyage d’après traversée. Tout doit être nettoyé au vinaigre blanc et/ou à l’eau dessalléniser. Ce nettoyage de fond en comble nous prendra plus d’une heure. Les premières annexes de bateaux voisins nous saluerons lors de leur passage près de notre embarcation. Certains s’arrêtent même, se présentent et entament une conversation.

Les tâches à effectuer terminées, je me jette à l’eau pour mon premier bain en Polynésie Française… Ce nom ainsi que celui de Tahiti, Bora Bora, entre autre, font fantasmer plus d’une personne sur notre planète terre. Je vais commencer en cette journée du Mardi 4 Juin 2013, l’exploration de ces différents archipels.

En Nouvelle-Zélande, c’est le jour de l’anniversaire d’Adam, le 5 juin! Nous lui avons donc concocté un gâteau d’anniversaire particulier, dans la continuité créative de celui qu’il avait conçue pour Leigh. La base au chocolat, avec un glaçage à la mousse au chocolat permettra à tout le monde de se régaler.

André, parti seul sur terre, revient après avoir effectué les démarches auprès de la gendarmerie nationale. Nous sommes tous en règle et nous pouvons donc, dès à présent, fouler ces terres polynésiennes! Rosalie, Alex et moi-même décidons de partir à la rencontre des Mangareviens! Foulant un sol fixe pour la première fois depuis plus de deux semaines, le « mal de terre » pourrait nous surprendre. Cela dès nos premiers pas où quand nous nous trouverons dans un endroit clos et restreint. Pourtant aucun d’entre nous ne ressentira cette sensation, paraît-il surprenante, où la terre semble bougée!

Nous allons très vite rencontrer des habitants de la ville qui nous accueillent avec un grand sourire. Je vais échanger en cette fin de journée avec des enfants, des adultes, femmes et hommes, et des personnes âgées. Tous parlent très bien le français, langue officielle dans ce département d’outre-mer! Ils sont généralement bilingues parlant entre eux souvent avec leur dialecte propre. Il est spécifique à chaque archipel! Lors de nos discussions, nous cernons très rapidement le trait de personnalités des locaux, leur gentillesse, certaines de leur habitudes et les caractéristiques principales de leur mode de vie! Les prochains jours passés à leur côté nous en apprendrons, j’en suis sûr, beaucoup plus sur leur quotidien!

Nous rejoignons, à la tombée de la nuit, notre fidèle Sarava qui nous a conduits à bon port! L’envie de fêter l’arrivée est grande, et partagée par tous. Nous commençons donc une soirée sur le bateau avec un équipage de Scandinaves rencontré dans l’après-midi ! André, Adam, et Leigh qui ont commencé à boire de l’alcool dès notre arrivée, dans l’après-midi, ont de l’avance sur nous tous. La soirée bat son plein! Les discussions sont multiples. Des petits groupes se forment et se déforment… Puis une goutte d’eau va faire déborder le vase trop plein émotionnel d’André ! Il pète un plomb instantanément! « The party is over! Everyone out! » (« La fête est finie! Tout le monde dehors!»)
Il demande aux Scandinaves de quitter le navire, et à chacun de regagner sa cabine! Il est complétement soûl. Il tient à peine debout. Ils balbutient des mots tirés d’un profond délire. Une fois la partie réduite à néant, l’équipage, au complet, est totalement dérouté. Il commence à faire la morale à chacun. Il a des gestes et des propos très déplacés envers plusieurs filles dont Rosalie. Heureusement Leigh arrivera à le calmer en le plaquant par terre ! Avant cela, il avait sauté dans l’annexe des Scandinaves qui étaient revenus pour nous chercher afin de continuer la fête sur leur bateau sans André. Il aura aussi réussi à anéantir cette solution subsidiaire proposée par nos amis nord européens. Quelques soit ces raisons et ces frustrations, elles ne justifieront jamais ce comportement et ces actes totalement irresponsables, irrespectueux et quasiment condamnables pénalement! Chacun ira se coucher difficilement. Une page vient de se tourner! Cet événement marque une fin rapide de cette équipe, ayant pourtant affrontée ensemble un océan déchainé, puissant, inhospitalier et pourtant si beau à la fois!
Au réveil, le lendemain, l’ambiance est pesante! Alex va rapidement quitter le navire pour se rendre à terre. Avec Rosalie, nous décidons aussi de nous y rendre un peu plus tard. Nous faisons tout d’abord quelques démarches administratives, puis nous essayons d’obtenir les premières informations concernant les logements, les activités et les possibilités de transport pour la suite de notre parcours. Nous faisons la connaissance de Fritz. C’est un ancien légionnaire allemand qui a travaillé ici pendant ces années de travail. Tomber amoureux de ces îles et d’une Mangarevienne Polynésienne, il est revenu ici après ces 15 ans de service. Il y a passé le reste de sa vie. Entre travail, propriété de son beau-père, ces 6 filles et sa maison à quelques centimètres de la mer, il estime avoir eu une très belle vie. Un peu seul après avoir perdu sa femme lors de l’accouchement de leur dernière fille, il a décidé de proposer des services aux voyageurs passant par là. La plupart des choses sont gratuites chez lui. Il ne fait payer que l’eau, internet, et la machine à laver… Nous allons avoir des discussions intéressantes avec lui. Il nous propose aussi, assez naturellement, le fait que nous puissions rester dormir sur son terrain pour la nuit, et y planter ma tente.
Rosalie a un rendez-vous avec un des propriétaires de voilier, un belge, qui était venu nous saluer la veille. A son retour, elle a trouvé l’échange sympathique, le bateau super. Elle ne sait pas encore si elle embarquera avec eux. Comme convenu, elle a parlé de moi. La chance que je puis intégrer l’équipage est aussi existante… Je me dois de rencontrer Philippe et voir avec lui ce qui est envisageable!
De retour sur le bateau d’André, nous nous préparons à débarquer et, ainsi, à clôturer l’expérience de cette traversée. Je veux absolument crever l’abcès et discuter des derniers événements avec le skipper brésilien. Ce dernier m’a tant appris concernant la voile, les réglages, la préparation d’une traversée et le suivi du parcours en temps réel, avec les différents paramètres météorologiques indispensables!
Je trouve le bon moment pour interpeller André et discuter avec lui des événements de la vielle. Il me présentera plusieurs fois ces plates excuses reconnaissant son comportement injustifiable. Il va aussi m’expliquer le pourquoi de cet énervement soudain et brutal. Il s’agit d’un trop plein d’émotions, de stress, de fatigue et de gestions de personnalités différentes. En effet, André est assez solitaire. Les précédentes traversées, qu’il a faites, ont été toujours avec une seule personne, son ami et cuisinier pour le propriétaire. Le fait de devoir apprendre la voile à 5 personnes en même temps, répéter encore et encore les informations auront mené ces nerfs à bout. N’ayant aucune aisance en communication et au rapport avec l’autre, il n’aura pas su nous exprimer ces besoins et ressentis, pendant la traversée, à chaque fois que cela aurait été nécessaire. Il a donc accumulé des dizaines de détails l’agaçants qui ont ressurgi, en une seule fois lors de la soirée, alors qu’un acte quelconque ou une parole auraient déclenché, lors de cette dernière, cette furie en lui, qu’il avait besoin de libérer. Ensuite, il y a eu la responsabilité de 5 personnes et du bateau, de son propriétaire, dans des conditions compliquées et dangereuses. L’arrivée du propriétaire prochainement, les réparations à faire, le fait qu’il ne sera pas seul sur le bateau pendant 15 jours, auront eu raison de ces nerfs ! Une fatigue très grande en raison d’une attention requise en permanence lors de la traversée aura fini de réunir le cocktail explosif qui a provoqué sa réaction stupide mais spontanée.
J’accepte volontiers ces excuses, je comprends sa situation. André est une personne avec beaucoup de qualités et de cœur. Je le remercierai toujours pour tout ce qu’il m’a appris. Le temps est simplement venu que nos chemins se séparent!
Adam revenant de rendre une petite visite au bateau scandinave, nous déposera à terre avec tous nos sacs à dos! Nous sommes de retour en mode «Backpacker» ! Mais pour combien de temps?
Après nous être installé chez Fritz, nous nous rendons à la cathédrale pour une petite cérémonie religieuse catholique. Il est intéressant de voir la pratique de leur religion. Je vais avoir l’occasion de réfléchir sur le sujet des religions au cours des jours à venir… Après cela, nous allons assister à une soirée de répétition des groupes de danses pour le festival de l’Heiva qui aura lieu la deuxième semaine de Juillet. Ce festival est le plus grand événement festif de la Polynésie. C’est très sérieux. Les deux groupes qui font s’affronter dans cet archipel, répète 7 jours sur 7 depuis déjà plusieurs semaines. Même sans les costumes et, avec encore beaucoup d’ajustements à faire, le spectacle visuel est tout de même au rendez-vous! Le déhancher des femmes est particulièrement impressionnant et sensuel. Le mouvement spécifique des hommes avec leurs jambes est caractéristique. Les tambours et autres percutions, les guitares et Djembés, les instruments à vent produisent un rythme endiablé et entraînant. Nous aurons vu dans la même soirée les deux différents groupes. Philippe et Frédéric, qui l’accompagne sur le bateau, seront présents à la répétition du deuxième groupe. Nous discutons de différents sujets, de nos projets, mais aucunement de la possibilité que l’on se joigne à lui! Directement après, nous rencontrons des personnes déjà fréquentées par Philippe. Le médecin de l’île, Jean-Philippe, nous invite chez lui. Bernard, un navigateur, qui parcoure le Pacifique depuis 11 ans, se joint aussi à nous. Tous nos sujets de de conversation tourneront autour des voyages, des aventures de chacun dans les différentes parties du Monde. Les heures vont s’écouler furtivement. Il est temps pour chacun de regagner son « chez soi ». Nous fixons un rendez-vous avec Philippe pour le lendemain.  

 
Décidant d’aller un peu explore l’île, nous longeons, avec Rosalie, la route le long de la côte. Un homme en voiture s’arrête à côté de nous. Il nous demande où nous nous rendons! Nous lui répondons que nous n’avons pas d’itinéraire précis mais que nous souhaitons découvrir un peu l’Île. Voilà comment sans faire du stop, nous nous retrouvons dans une voiture à admirer les paysages. Nous discutons de tout est rien. Son surnom est Dada. Il est originaire de l’île. Il a une femme et trois enfants. Il exerce deux métiers différents. L’un est celui de contrôleur à l’aéroport deux jours par semaine. L’autre est beaucoup plus intéressant, pour nous, car il s’agit de l’activité principale de l’île. Il est le propriétaire d’une ferme perlière employant une dizaine de personnes. Il s’arrête à un endroit là où il va travailler. Il ne nous le dit pas encore mais il sait que nous aimerions vraiment pouvoir visiter une de ces fermes et en connaître le fonctionnement! Continuant de discuter, il attend qu’un de ces employés arrive en bateau pour nous demander si nous désirons venir avec lui dans la maison sur pilotis de sa ferme. Nous acceptons sans hésiter une seconde.
Il est passionné par son travail. Il va passer plus de 2h00 à nous montrer les différentes étapes, à nous expliquer le processus, les contraintes et les avantages de son travail. En résumé, il s’agit d’introduire dans une nacre, un nucléus (produit par des huîtres de Louisiane) avec un greffon de nacre à un endroit très précis. Cette nacre au fil des mois va se nourrir de planctons à quelques mètres sous l’eau (importance de l’emplacement de la ferme), et va essayer de lutter contre ce corps étranger en créant autour de lui de la nacre. Le processus est minutieux car comme dans toute greffe, le greffon peut être rejeté, invalidant ainsi la création d’une perle. Suivant le greffon choisit, la perle va être de couleurs totalement différentes, variant du blanc pur, au jaune, vert, reflet bleuté, voir des très foncées, presque noir sombre. Pour une réussite totale, il est important de prendre soin des nacres, de les sortir de l’eau, de les nettoyer, de les exposer dans un endroit choisi et à une profondeur donnée… Nous ne l’arrêtons plus, il pourrait passer plusieurs jours, je suis sûr, à nous détailler dans son ensemble son activité. Quoi qu’il en soit, c’est un travail paradisiaque si on prend en compte l’environnement dans lequel ils travaillent. En effet, il y a pire que de travailler dans une maison sur pilotis au milieu d’un lagon bleu turquoise.
Un rendez-vous m’attend et je ne veux surtout pas le manquer. Nous remercions Dada et nous nous apprêtons à rebrousser chemin vers Rikitea. Sa gentillesse est sans borne. Nous ne pouvons pas refuser sa proposition quand il se propose de nous y ramener.
Je serais donc en largement en avance. Je rencontre finalement Philippe pour discuter de la possibilité de naviguer avec lui, Frédéric et Rosalie. La discussion est simple. Nous allons très rapidement convenir que nous naviguerons ensemble. Nous pouvons monter, avec Rosalie, sur le bateau dès la fin d’après-midi.
Il est l’heureux propriétaire d’un catamaran tout neuf, sorti des chantiers XL Catamaran, à Canet-en-Roussillon, il y a un peu moins d’un an. Tout petit chantier, ce dernier n’a pas résisté à la crise. Le bateau de Philippe, un TS 52.8 (52,8 pieds de long, 7 mètres de large), est donc le dernier des 4 uniques modèles de cette série existant dans le monde. Philippe a choisi ce bateau, de plus de 700 000 euros à l’achat, pour ces performances. Ayant essayé de nombreux autres bateaux, il a été fasciné par sa rapidité, sa légèreté et sa maniabilité sur l’eau. L’essayer fut, pour lui, synonyme d’achat.
Voilà comment il y a 8 mois, après avoir laissé son rôle de patron de l’entreprise, qu’il a reprise et redressée, il a commencé son rêve et débuté son tour du monde à la voile. Il a déjà dans l’idée, comme une de ces idoles, d’en faire au minimum deux. Pour nous quelques détails sont notifiables par rapport au catamaran que nous venons de quitter. Une des principales c’est la barre franche pour gouverner le bateau et non la roue à gouverner. Son âge de construction, 1 an contre 20 ans de vie pour Sarava, implique des matériaux plus performants, des améliorations des systèmes de navigation,… Philippe a décidé aussi d’avoir des voiles avant reliées à des emmagasineurs et non des enrouleurs. Nous pouvons donc seulement avoir la voile au complet sortie ou totalement rentrée, au contraire du système à enrouleur qui permet de sortir une surface partielle de la voile. En revanche, sa grande voile est aussi un système avec des ris et une diminution horizontale de la surface de voile sortie. Et puis le principe de base reste le même, surtout que nous allons continuer de naviguer sur un multicoque!
Il a nommé son bateau Jehol. Ce nom est celui d’un cheval fou, héros du livre de Joseph Kessel ; «Les Cavaliers»! L'histoire raconte l'épopée d'un cavalier kasak et de son cheval qui participe à un jeu spécifique, assez proche du polo. Je ne sais pas encore de quelles folies est atteinte cette monture, mais je suis certains que nous allons en partager des magnifiques.



En ce vendredi 7 juin, nous faisons nos premiers pas sur le bateau et nous commençons à prendre nos marques. La pluie va s’abattre plusieurs fois sur l’archipel. Nous en profitons pour entamer de grandes discussions philosophiques, que nous reprendrons à maintes reprises ultérieurement. Nos échanges vont nous permettre aussi de découvrir les personnalités de chacun.

Nous avons étaient invités chez Fritz pour déguster un délicieux cassoulet fait maison. L’ambiance est au beau fixe autour d’une grande table, comme celle pour un repas de famille, le dimanche sous la pluie, avec les grands-parents, enfants et petits-enfants!

Nous y faisons la connaissance d'un couple vraiment sympa: Cynthia et Richard, avec leur petit garçon Demian. Ils sont les propriétaires du bateau Baloo. Ils vivent dessus depuis 7 ans. Ils sont partis de France depuis plus de 4 ans.

Repartant vers le bateau après être totalement repus, nous faisons la rencontre de Laurence (45 ans), parti de la Martinique depuis plus de 5 ans et désirant rester sur un bateau pendant de longues années encore. Beaucoup de personnalités fortes et intéressantes à ce mouillage. L’ambiance est au beau fixe, les rapports humains simples.

Nous remettons cela le soir même sur Baloo. Vieux bateau de plus de 20 ans, il possède un magnifique intérieur en bois. Nous passerons notre soirée à jouer au tarot, et deux autres jouets de société, Bublle et la chasse aux fantômes grâce auxquels Demian pourra se joindre à nous. Nous commencerons la soirée en buvant du rhum arrangé en guise d’apéritif. Tandis que le repas sera des pâtes à l'oignon, accompagné d’un bon vin rouge. En quelque sorte la soirée parfaite dans un mouillage.

Le lendemain, le beau temps s’est finalement vraiment installé. Nous avons tous envie de découvrir un peu plus cette île de Mangareva, avant de partir découvrir les autres de l’archipel. Nous allons prendre de la hauteur en marchant jusqu’au belvédère, qui offre déjà une belle vue sur plusieurs baies, de part et d’autre de l’île. Nous sommes très loin d’être rassasiés. Nous désirons en découvrir encore plus de cette île tropicale. Nous allons gravir le somme le plus haut de l’île; le Komoto qui culmine à plus de 400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Au sommet, nous découvrons une vue splendide à 360°. Les récifs coralliens entourent ce bout de terre, les fermes de perles ont poussé comme des champignons dans les lagons, les cocotiers et les sommets herbeux où les moutons broutent l’herbe, et où les poules et coqs volent, font partis du décor idyllique.

Au sommet, nous dégusterons le fruit qui nous enchante depuis quelques jours et que les locaux vous donnent volontiers en raison de l’abondance. Il s’agit de pamplemousses, les meilleurs que j’ai mangés de toute mon existence. Cette île a des conditions idéales, un peu différente de chaque côté, permettant une culture facile et abondante de fruits et légumes. Cela n’est pas très développé, en raison de l’industrie perlière beaucoup plus lucrative. Mais les arbres déjà plantés, sans traitement ou attentions particulières, donnent déjà à foison. Etant en hiver, dans cette région du globe, ceux sont les agrumes qui sont disponibles : pamplemousse, orange, citron et quelques autres spécialités produite à l’année comme les noix de coco, le fuit de l’arbre à pain, communément appelé Uru en Polynésie. Nous allons nous voir offrir, par des locaux, avec qui nous discuterons, toute sorte de fruits et un peu de légumes, denrées plus rare à cette période.

Pour l’instant nous sommes au sommet avec une vue imprenable sur ce qui fait entre autre la renommée de la Polynésie. Nous allons en profiter longuement avant que chacun redescende à son rythme. Je ferai une bonne partie du chemin avec Frédéric. Nos discussions sur les relations, l’Amour, les choix de vie et dans la vie, nos expériences, nos envies pousseront assez loin… Puis nous regagnerons la ville de Rikitea!

Nous passerons une soirée au calme, après l’apéro avec Laurence, qui nous donne des infos sur l'archipel des Gambier, puis avec Richard, venu chercher de la musique! Nous continuerons, cette fois-ci les 4 membres de l’équipage seulement, à pousser des discussions intéressantes sur la Vie, les choix à faire pour chacun, le fait de lutter contre ces vieux démons, et d'acquérir un peu plus de sagesse de maturité dans ces choix et ces envies... Frédéric va, à juste titre, dénommée notre embarcation «Le bateau philosophique»!

Parfois, cela ira trop loin car réfléchir à sa vie, se poser des questions et faire son introspection c’est bien et peut être utile. Mais la vivre est je pense le plus important. Pour cela il faut se laisser aller, savoir faire des choix, avancer, et toujours avoir et vivre ces projets, ces rêves…

La journée du dimanche 9 Juin va être riche et chargée en événements. Nous allons tout d’abord assister à une messe très vivante dans la cathédrale. L’enceinte est pleine à craquer. Le groupe musical et la chorale présents donnent un sacré plus à cette cérémonie. Cela faisait longtemps que je n’avais pas mis les pieds dans une église pour assister à une cérémonie religieuse. Cela me rapproche de mes racines, de mon éducation religieuse catholique que je ne renie pas, bien au contraire, de ma famille, principalement de mes grands-parents, très pratiquants, mais aussi de mes parents qui ont toujours été pour moi une source d’inspiration, une source d’Amour fort.

Lors de cette cérémonie j’ai aimé voir la cohésion de groupe, la communion de chacun avec l’autre, l’appartenance à un groupe fort, la recherche d’une paie intérieure, du partage avec autrui… Lors de cette cérémonie, j’ai pu apprécier tous les aspects positifs d’une religion. Nous allons discuter de nombreuses fois avec Rosalie, Philippe et Frédéric lors de notre périple de la croyance ou non, de l’appartenance à une religion, de la conversion à une église ou à une croyance… J’aime l’idée de Frédéric, qui a passé de long mois dans un centre religieux, pour se retrouver, après une période compliquée de sa vie. Il dit, après s’être fait baptisé, vouloir prendre le fond mais pas la forme. Je partage un peu son idée même si je ne considère pas l’ancien testament ou la parole de Dieu comme une Vérité Absolue, même si tout de même très intéressant.

Je ne peux pas partager complétement le point de vue d’une autre personne avec qui j’en ai discuté. Elle dit se sentir bien car après avoir étudié les religions, s’être renseigné. Elle estime avoir trouvé sa voie, sa vérité… Elle dit que cela la libère d’un poids. Tant mieux si c’est le cas et, si cela lui permet d’être bien, meilleur, confiant en soi! Ce que je ne conçois pas, même si elle affirmera le contraire, c’est que pour assumer ce choix, elle dénie les autres religions. « L’islam et Mahomet, c’est vraiment n’importe quoi et pleins d’inepties!», « Le bouddhisme ce n’est pas une religion»… Comment sa vérité peut être fondée sur de solides bases si elle englobe de profonds préjugés? Y a-t-il eu, avant de faire son choix, une remise en cause de son patrimoine culturelle et familiale, de ce qui a toujours été considéré comme acquis et vrais ? Comment est­-il possible de prôner la tolérance, le respect, la compréhension et l’acceptation de la différence, et de ne pas l’être envers les autres religions? Trouver sa voie, sa vérité ne signifie pas, pour moi, dénier celle des autres! Trouver sa Vérité ne devrait pas signifier réduire sa vision des choses, réduire son scope de possibilités et d’ouverture d’esprit. Garder un esprit critique juste est fondamentale.  

Pour moi, toutes les religions sont en accord concernant le fait qu’il existe une puissance et force mystérieuse dans l’Univers qui dépasse l’entendement. Peu importe le nom que l’on veut lui donner. Elle se veut juste et bonne. Tous les êtres, en quête d’une spiritualité sincère, sont à la recherche d’une sagesse ! Sagesse vers laquelle ils essaieront de tendre toute leur vie, afin de se rapprocher d’un idéal utopiste.

Vivre le moment présent, l’Amour sont des sources primordiales permettant de pouvoir prétendre à acquérir une partie de cette sagesse. Mais je pense qu’aucune religion, quel qu’elle soit, ne peut prétendre détenir la totale vérité… Ce que je n’aime pas, surtout, c’est ce que certains Hommes ont pu faire au nom de la religion. Comment les personnes en charge du dogme d’une religion peuvent se quereller avec leurs confrères d’autres croyances pour savoir qui détient les clés de la vérité? Comment est-il possible d’exterminer d’autres croyances et même des civilisations pour imposer, par la force, ces croyances et son mode de vie?

C’est pour ces raisons que je pense que les religions font en partie fausse route en préférant, ou en tout cas en ayant préféré, asseoir leur pouvoir, leur emprise, plutôt que de servir notre chère planète terre, l’humanité, et le cœur des hommes!

La vérité, notre Vérité doit nous rendre libre, juste, aimant, confiant en soi. Mais cette vérité ne doit en aucun cas nous aliéner, nous faire perdre notre ouverture d’esprit, ou imposer un déni total des vérités d’autrui. Nous sommes tous les mêmes, nous Êtres Humains. Ce qui nous sépare est minime, culturelle. En revanche ce qui nous rassemble est énorme. Nous avons tous les mêmes inspirations, les mêmes envies, les mêmes pulsions, les mêmes peurs et craintes qui nous dominent! Toutes ces ressemblances devraient nous permettre de nous unifier et nous respecter!

Il en est de même pour les religions, les doctrines, les pensées et transmissions culturelles ancestrales…

Je ne juge pas telle ou telle décisions, idéaux de vie, ou vérité propre à chacun. J’essaie concernant les actions passées, au nom de la religion, de me remettre dans le contexte historique. J’essaie de comprendre comment cela a pu arriver et surtout d’en voir les aspects positifs.

J’exprime simplement mes pensées et mon point de vue actuel. Si un jour ces écrits peuvent amener à une discussion, j’en serais ravi. Peut-être, alors, que j’évoluerais dans ma façon de penser ou dans la tenue de mes propos.

Certains de mes proches avaient, peut-être, raison! Je suis parti chercher des réponses en effectuant ce voyage. Mais je ne suis pas parti chercher quelque chose, quelque part… Je suis parti pour embellir mon bonheur intérieur, pour augmenter la sagesse de mon cœur, et de mon esprit. Le partage de ces capacités avec mon prochain est un point important, et je m’y emploie autant que possible.

Je veux être libre d’esprit et heureux du cœur… Mon voyage initiatique est celui d’une vie, non celui d’un Tour du Monde. Je vis encore beaucoup au fil de mes instincts, de mes émotions, de mes habitudes, de mes envies dans un esprit de contrôle! Mais je pense faire mes choix, les assumer, vivre mes rêves, les exploiter, vivre le moment présent, en ayant un œil tourné vers le futur… Je vis des joies fortes et puissantes pas seulement limité au plaisir immédiat! J’espère ne pas faire fausse route. Mais une chose est sûre, je ne vis pas aujourd’hui avec des regrets… Je vole de mes propres ailes!

J’ai en moi cette force qui me pousse vers des contrées lointaines, mais je sais que mon instinct me conduira d’une façon ou d’une autre, un jour, vers le nid et cocon familiale, où réside le plus précieux de mes trésors ; les personnes que j’aime!

D’ailleurs cette cérémonie m’a rapprochée d’eux pendant quelques instants.

Il sera intéressant d’observer un peu les comportements des personnes à la sortie de la cathédrale. Mais une autre communion nous attend, celle avec la nature. Nous regagnions donc le bateau!

Nous partons en direction du Nord Est pour découvrir une autre partie de cet archipel et ces aspects limitrophes. Nous allons aux abords, du plateau de coraux, où par endroit, des îlots similaires au Motu sont présents. Celui-ci se dénomme Tarauru. Nous ancrerons le bateau dans une eau azure magique près d'une petite plage de rêve. Nous allons plonger en fin d’après-midi dans la "fausse passe"! Il s’agit d’un trou entre deux îles mais qui ne permet pas aux bateaux de rentre dans l’archipel. Elle est constituée de magnifiques récifs coralliens avec des dizaines et dizaines d'espèces de poissons différents. Je vais observer de belles tortues, des raies pastenagues, des requins de récifs à pointe noire et blanche!

Puis, après le repas du soir, nous partirons à la pêche à la langouste en pleine nuit, lors de la lune noire, période propice. Armés de nos lampes-torches et gants, nous espérons détecter les antennes réfléchissantes des bestioles, avant qu'elles ne se réfugient dans leur trou! Malheureusement l'endroit est trop prisé et nous rentrerons finalement bredouilles! En guise de compensation, dame nature nous donne une nuit étoilée splendide.

Au réveil, le lendemain matin, le paradis n’a pas disparu, bien au contraire! Le lever de soleil agréable se déroule dans un grand ciel tout bleu. Plus la journée avance, plus les couleurs de l’eau s’embellissent avec la puissance et l’angle de notre astre solaire. Nous allons découvrir la ferme perlière d’un chinois, naturalisé Polynésien, que mes trois compères avaient rencontré, la veille, en se promenant sur la plage alors que je barbotais encore dans l’eau avec la faune marine. D’ailleurs après cette visite intéressante, nous repartons plonger dans la passe où je leur indique les meilleurs endroits explorés à plusieurs reprises. Rosalie me rejoindra et nous passerons de très bons moments entourés de centaines de poissons et de quelques requins curieux.

Rentrant au bateau, déjeuner pris, nous reprendrons la mer pour aller mouiller aux abords d'une autre île de l'archipel: l'île d'Aukena! La pluie nous ayant rejoint lors du trajet pour nous y rendre, nous passerons la fin de journée et la nuit bien au chaud! Le changement est radical et cela confirme la loi qu’un paradis sur terre n’est jamais permanent!


La journée du Mardi 11 s’annonce, comme les précédentes, radieuse! Le soleil est au rendez-vous, tout le monde se lève assez rapidement. Après un bon petit-déjeuner, nous prenons l'annexe (semi-rigide) pour aller visiter l'île. Ayant accosté sur un ponton, avançant dans la mer, depuis la plage principale de sable, nous voyons une pancarte: "Propriété privée"... Nous savons que c'est le cas pour une partie de l'île mais nous ne pensons pas faire de mal en marchant le long de la plage en essayant de gagner la partie ouverte à tous. Tout d'un coup, une voie s'élève du promontoire situé juste derrière la plage. Un homme de grande posture, la peau mate nous ordonne de quitter les lieux prétextant que nous sommes sur un terrain privée et que nous devons accoster par un autre côté.

Peu satisfait de l'accueil que nous venons de recevoir et n'ayant pas envie de nous compliquer la tâche, nous décidons de regagner le bateau. Nous levons alors l’ancre en direction de la prochaine destination paradisiaque, l'île d'Akamura, seulement à quelques kilomètres de là, et sa baie lagunaire aux couleurs surnaturelles! 

Philippe me confie presque directement la barre franche à gouverner. C’est le cas dès que l’ancre a décroché des fonds-marins! La distance n'est pas très grande et le vent peu puissant. Les moteurs sont en fonctionnement si jamais nous avons besoin de puissance. Nous avançons à travers une forêt de bouées que je vais devoir éviter. Je manœuvre, aidé par les Rosalie et Frédéric qui font les gués à l'avant! Quelques zigzagues, quelques manœuvres, un peu rocambolesques, avec les moteurs à fond, et nous voilà sortis de ces dangers omniprésents. Heureusement, le tirant d'eau d'un catamaran est très faible (1,20 mètres au-dessus de l'eau). Cela va nous permettre parfois de passer au-dessus de bouées à fleur d’eau ou totalement submergées mais, néanmoins, de ne pas accrocher les filins et les paniers de nacres à perles qui les relient. Ces derniers se trouvent à quelques mètres de profondeur, non visible à la surface. Sortie de ce champ de perliculture, nous regagnerons des profondeurs plus importantes! Nous distinguons déjà la beauté des eaux bordant cette nouvelle île.

La suite de ce petit périple, à l'allure anodine, va se transformer en une suite de petits événements et prises de décisions hâtives, menant à une catastrophe inattendue!

Je suis toujours à la barre quand nous nous rapprochons sérieusement de ce fameux lagon. Une première décision doit être prise rapidement alors que je me rapproche dangereusement d’une bande corallienne sur laquelle la mer vient se briser. Rosalie et Frédéric sont toujours à l’avant du bateau. Philippe est à l’intérieur en train de vérifier la cartographie des lieux qui n’est pas très précise et pas clairement explicative du chemin à suivre, en tout cas lors d’un regard furtif. Je demande que l’on me donne les informations du cap à suivre avant que j’atteigne cette zone à risque clairement visible grâce aux vagues. Assez rapidement, nous décidons d’attaquer l’entrée dans ce lagon par la route la plus directe. Visuellement cela semble marcher. Cela pourrait correspondre à une indication cartographique de suivi d’un repère sur l’île pour maintenir un cap en gardant le navire hors de dangers. Nous ne bifurquons pas alors, pour contourner ce plateau corallien. Nous entamons l’attaquer cette baie translucide par l’est plutôt que par le nord! A ce moment-là de la journée, et suivant notre direction, nous avons le soleil dans le dos, assez haut dans le ciel, pour nous permettre une visibilité correcte, voire bonne…

Nous avançons toujours à l’aide des moteurs. La profondeur de l’eau diminue exponentiellement. Nous voyons maintenant clairement le fond qui pourtant avec notre faible tirant d’eau ne consiste pas une menace directe. En revanche, le champ de «patates coralliennes» (bloc de coraux de formes et tailles diverses constituant un ensemble compact dur) qui se présente à nous est impressionnant. Il y en a partout, ils ont poussé comme des champignons, sauf qu’aujourd’hui notre bateau n’est pas à la recherche de la cueillette du plus grand nombre d’entre eux! N’étant plus en confiance et ne voulant pas prendre de risque inconsidéré, je redonne la barre à Philippe. Nous venons de nous engager sans le savoir dans un véritable jeu d’évitement, où la moindre erreur peut être fatale. L’endroit est splendide, les couleurs irréelles mais bizarrement, nous n’en profitons pas réellement!

A l’aide de nos trois paires d’yeux, nous aidons le capitaine à se faufiler dans ce lieu piégeur. Zigzaguant, Philippe évite les coraux un par un. Gauche, droite, virage serré ou à épingle, nous déjouons tous les pièges et miraculeusement nous nous retrouvons dans la baie. Nous venons de sortir de la zone dangereuse. Le lagon est trop peu profond, à peine le tirant d’eau du bateau. Heureusement il s’agit de sable limitant donc le risque d’abîmer le bateau, les dérives, et surtout ces safrans.

Philippe ne se sent pourtant pas du tout rassuré. On nous avait dit qu’un local était en quasi-permanence avec sa VHF (radio avec différentes fréquences utilisée comme talkie-walkie, avec une bande passante plus ou moins importante) et qu’il aidait les voiliers à rentrer dans le lagon et mouiller au bon endroit. Il ne répondra jamais à nos appels.

Une maison sur pilotis se tient au milieu de la baie. Un homme de type caucasien et vraisemblablement une polynésienne se tiennent sur le pas de la porte. Philippe, à voie portante, essai d’obtenir des informations sur la possibilité de mouillage pour un catamaran comme le sien et son tirant d’eau d’1,20 mètres. Malheureusement, une distance un peu trop grande et le vent qui forcit n’aide pas à la compréhension des uns et des autres. L’homme semble avoir tout de même compris la question. Il montre une direction donnée. Manœuvrant, Philippe en prend le chemin sans pouvoir constater d’améliorations flagrantes. Il redemande alors confirmation. La personne semble faire un geste de la main signifiant; encore plus loin, beaucoup plus loin.

Philippe, frustré et inquiet pour son bateau, va prendre une décision hâtive. Au lieu de poser l’ancre dans cet endroit sans risques et de réfléchir à la question, son inconfort se transforme en un besoin de s’échapper de ces lieux. Sa décision est prise! Nous devons ressortir de ce lagon!

Une seule possibilité s’impose à lui; refaire le chemin en sens inverse de celui tout juste effectué. Il demande à Rosalie et Frédéric de lui donner des indications visuelles. Quant à moi, je dois suivre le trajet GPS du bateau à l’allée, sur le système de navigation, et le guider exactement sur la même ligne. L’idée est bonne! Mais elle n’est malheureusement qu’une vision trop grossière de la réalité du terrain. Différents paramètres ont considérablement changés. Ils nous mènent droit à notre perte. Le premier d’entre eux est la visibilité. Il et 11h00! Nous avons le soleil en pleine face. Il est beaucoup plus compliqué pour Frédéric et Rosalie de voir les coraux en avance, et de prévenir Philippe. Ensuite le vent est dans le sens contraire. Ils portent leur voie vers le large et non vers l’arrière du bateau où se trouve le capitaine à la manœuvre. Ils se trouvent tous les deux à bâbord augmentant la difficulté de transmission des données, que Philippe ne perçoit pas entièrement et assez rapidement. Barrant à tribord, il m’a pas une bonne vision de son bateau et des dangers potentiels à bâbord. Pour ma part, j’essaie de donner les meilleures instructions possibles pour suivre le tracé que nous avons fait à l’allée. Ce dernier est positionné sur le système de navigation. Philippe m’a indiqué comment le guider. Le système de navigation étant à l’intérieur de la cabine, je dois donc crier pour qu’il m’entende. Au vu du slalom que nous avons fait à l’allée, il n’a pas assez zoomé. Je ne suis donc pas assez précis. De plus son GPS et la coordination avec ces cartes montrera certaines défaillances un plus tard. Par exemple, dans les Tuamotu, une fois nous étions tranquillement au mouillage à plus de 80 mètres du rivage. Si on faisait confiance au GPS, à ce moment-là, le bateau était posé sur les terres. Enfin nous sommes deux groupes de personnes à dicter des conseils qui ont pu diverger, voir totalement se contredire lors de cette sortie.

Personne ne pourra dire exactement comment cela est arrivé! Mais alors que nous étions presque sortis d’affaire, que nous avions presque refait le même chemin en sens inverse, un énorme bruit précédera l’arrêt total du bateau. Panique à bord, tout le monde s’affole. Heureusement la vitesse du bateau était réduite quasiment à son minimum, nous n’allions pas alors à plus de 2 nœuds (3,7 km/h). Que s’est-il passé ? Je ne réalise pas encore quand je sors de la cabine.

Philippe est consterné et pense au pire. Frédéric et Rosalie sont pétrifiés. Je comprends rapidement la gravité de la situation. Nous venons non seulement de toucher une patate de coraux, mais en plus le bateau est resté bloqué dessus. Philippe essai de mettre un peu plus de vitesse au moteur, en vain! Il est trop tard pour bien faire mais nous devons prendre le temps d’analyser la situation pour limiter les dégâts. Nous sortons masque et tuba. C’est Frédéric qui se jettent à l’eau. La coque gauche du bateau est sur les coraux et la dérive bloque le bateau en mouvement. La coque a déjà pris de belles balafres. Que pouvons-nous faire? L’eau assombrie par les débris de coraux et le sable remué par les hélices des moteurs n’aident pas Frédéric à pouvoir déterminer si une solution est envisageable. Heureusement, nous sommes au début de la marée montante. Le niveau de la mer dans quelques heures sera au moins 60 cm plus haut. Il faut espérer que cela puisse suffire pour libérer le bateau. Nous n’allons pas devoir attendre très longtemps. Mais le meilleur peut très vite se transformer en notre pire cauchemar.

En raison du vent, du courant, le bateau est soumis à une certaine pression. Cette dernière endommage encore plus le navire à chaque seconde. Mais cela va aussi permettre au bateau de se mouvoir en rotation. Voyant le bateau bouger, je crie à Philippe de reprendre les commandes! Jehol s’est bien libéré pendant quelques secondes de son emprise mais il va se faire capturer de nouveau, cette fois-ci sur un endroit très sensible. Le safran gauche repose maintenant sur les coraux. Selon Frédéric, il peut se briser à chaque seconde. L’hélice du moteur n’est pas loin non plus. Si elle vient à se prendre violemment dans les coraux, le pire est à craindre pour le moteur et l’intégrité du bateau ! Le bateau va-t-il finir sa jeune vie ici, et couler piteusement dans quelques centimètres d’eau? En effet, la coque a pu être endommagée de telles façons que plusieurs fuites d’eau remplissent très rapidement les cales. Puis que le bateau coule en raison d’une flottabilité (rapport masse surface) devenu négative. Il n’en sera rien!

Je ne sais pas encore, et ne serais probablement jamais, par quel miracle, nous allons nous sortir de cette situation critique. Mais une fois de plus, le bateau décroche de lui-même. Cette fois-ci, Philippe prend les commandes à temps. Il peut redresser la barre, après quelques manœuvres, et se remettre dans l’espace libre de coraux. Frédéric remonte à bord. Nous oublions de remonter l’annexe que nous avions commencé à descendre lorsque le bateau avait bougé la première fois. Deux virages plus tard, nous sommes de retour à des profondeurs raisonnable où le risque de collision, avec le fond marin, est nul.

Nous sommes alors définitivement sortis d’affaire, ou croyons-nous à notre bonne étoile un peu trop vite? Nous décidons de mouiller pour réfléchir à la solution la plus adaptée. Nous faisons le tour des cales bâbords pour s’assurer qu’il n’y a aucune brèche majeure, par laquelle des litres d’eau pour rentrer à la minute. Cela ne semble pas être le cas! Après mûre réflexion et analyse de la situation nous décidons d’essayer de regagner Rikitea qui serait l’endroit le plus propice pour avoir des conseils et effectués des réparations si nécessaire, même si les moyens y sont très limités. Il n’y a par exemple aucune possibilité de sortir le bateau hors de l’eau. Il s’agit d’une navigation d’environ une heure dans l’immense lagon pour nous y rendre. Les risques ne sont pas très importants.

3 minutes seulement après avoir levé l’ancre, un autre incident survient! L’annexe descendue à mi-chemin, entre son support et l’eau, vient de se retourner par la force du vent et elle rebondit sur l’eau, attachée à ces deux points d’ancrage pour la surélevée. Nous concentrons tous nos efforts pour la retourner, et la fixer correctement sur son support. Tout le monde est concentré sur l’annexe et personne ne fait plus attention à l’environnement alentour. Instinctivement, je lève la tête! « Attention récif corallien droit devant.» « Philippe, il faut faire machine arrière! » La situation de crise est gérée à temps. Tout est de nouveau sous-contrôle! L’annexe est maintenant remontée. Nous suivons le bon cap! L’heure de navigation se fera dans le silence.

La loi des séries n’est pas une légende urbaine inventée pour faire peur aux personnes incrédules. L’événement à venir plaidera dans mon sens. Nous arrivons sans encombre au mouillage de Rikitea. Jehol flotte encore. Il ne semble pas vouloir arrêter sa course folle aujourd’hui malgré les coups reçus. Philippe sûrement perturbé par les événements, et fatigué, va pourtant passer très proche d’achever sa belle monture, qui avait pourtant si fière allure. En effet, manœuvrant entre les bateaux, il va jusqu’au bout de la baie pour finalement faire demi-tour, et se caler sur une belle place entre deux bateaux. Pendant le demi-tour, il ne va pas se rendre compte qu’il se rapproche dangereusement du bord, mais que surtout quelques mètres plus loin il n’y a pas assez de fond pour le bateau. Je crie alors : «Philippe, machine arrière ! Il n’y a pas de fonds!»

Le danger est définitivement éloigné. Philippe me confiera plus tard que si je n’avais pas crié, il aurait foncé tête baissée, tout droit! Nous ancrons sans trop de problème. Avant de pouvoir nous remettre de nos émotions, la constatation des dommages est indispensable… Nous allons faire appel à Richard, qui connait très bien les bateaux. Il vit principalement des réparations, entre autres mécaniques, qu’il effectue pour les autres.

Les dégâts sont significatifs. Il y a des trous sur plus de 5 mètres sur la coque polyester. En regardant de nouveau dans les cales, nous pouvons constater maintenant que l’eau s’infiltre. Plus de 6-7 litres d’eau de mer se sont déjà accumulés en quelques heures.

Philippe a en réserve un produit qui va lui sauver la mise. En effet le bateau ne peut pas être sorti de l’eau dans cet archipel. Mais il y a de cela quelques mois, Philippe c’était mis en tête de trouver un produit qui prend dans l’eau et tient. Il s’agit d’un époxy à deux composants dont la réaction chimique permet la solidification de ce dernier même sous l’eau. Ne pouvant pas trouver ce produit dans les commerces spécialisés pour les équipements marins, il avait finalement trouvé ce produit à deux composants dans un magasin de bricolage.

L’utilité de ce dernier est indéniable dans cette situation. Je recommanderais à tous les navigateurs d’en avoir des pots en réserve dans leur cale. Richard plonge pour placer sur la coque les boulettes d'époxy, pendant que Philippe les prépare sur l’annexe. Le bateau prend l'eau mais la fuite reste contrôlée!

La journée touche à son terme. Elle aura été riche en mésaventure et en rebondissement. Jehol est touché mais pas coulé. Son aventure, celle de Philippe, et les nôtres, avec lui, ne sont pas terminés.

La nuit s'est passée sans soucis, sans alerte. J'ai dormi profondément. Je ne me rappelle pas avoir rêvé que nous sombrions! Philippe a veillé toute la nuit, vérifiant toutes les deux heures l'état des cales bâbords du bateau! La fuite reste contenue avec environ 5 litres d'eau chaque 12h00 maintenant.

Il est important maintenant de continuer à prendre soin de l’animal blessé. Je vais me mettre à l'eau pour nettoyer et poncer la coque. Le but est de pouvoir ensuite appliquer d'autre colle époxy et assuré une meilleure étanchéité.

Je m'aperçois qu'à l'extérieur de la coque, là où, à l'intérieur, la fuite s'écoule, la zone endommagée n'a pas été protégée et recouverte d'époxy. Nous allons donc avec Richard compléter la réparation de fortune pour protéger au mieux le bateau et sa coque. Nous allons diminuer autant que possible l'infiltration avant de pouvoir envisager la suite des événements. Le résultat sera très positif! Très rapidement le débit d'eau pénétrant dans la cale diminue, pour quasiment devenir nul, après quelques heures! Nous allons suivre de très près l'évolution de ces réparations.

Philippe accuse le contrecoup de l'émotion. La fatigue le gagne. Petit à petit, il se referme un peu sur lui-même. Le temps est au repos et au calme. Tout le monde ira se coucher très tôt.

Le Jeudi 13 matin, nous pouvons l’affirmer : «L'infiltration a été contenue et quasiment stoppée». Je plonge une dernière fois pour finaliser la mise en place de l'époxy!

 
 
Philippe gère la situation. Il essaie de trouver des solutions, d’obtenir l’accord d’un chantier pour prendre en charge le bateau. Il prépare le compte-rendu pour les assurances. Le mieux serait de partir le plus tôt possible sur un chantier naval qui se trouve au plus proche à plus de 774 miles nautiques dans l'archipel des Tuamotu, ou à 885 miles nautiques pour un chantier près de la ville de Papeete à Tahiti! Nous allons attendre un temps clément pour prendre le large. Nous avons en effet tous décidé, d’un commun accord, de rester soudés et de continuer l’aventure ensemble. Nous commençons à préparer le départ, en prévoyant les denrées alimentaires nécessaires.
Nous entamons un jeu que Philippe nous avait soumis quelques jours auparavant! Il s’agit de dire les trois principaux défauts et les trois principales qualités qui sautent aux yeux de tous les autres équipiers! Nous commencerons par l’instigateur de ce jeu particulier… Certaines choses difficiles à entendre vont lui être dites en toute franchise. Nous nous connaissons depuis très peu. Il y a donc forcément des éléments qui font référence à l’incident du bateau. L’émotion montera et quelques larmes couleront. Mais le sourire sera très vite de retour. Cela semble lui avoir fait du bien. Le jeu semble intéressant si l’on est prêt à entendre ce que les autres pensent de nous en premier lieu, et si nous avons envie d’essayer de progresser pour nous et autrui par la suite. Chacun de nous y passera lors des soirées suivantes. L’exercice semble intéressant même si au premier abord cela m’avait semblé un peu étrange!
Le départ prévu le lendemain est repoussé en raison d'une mer agitée en dehors de l'archipel, du vent et de la houle encore très importante! Repoussé une première fois à samedi après-midi, il sera finalement décalé une nouvelle fois de 24h00, pour dimanche en début d'après-midi!
La journée sera très calme me concernant. Je vais aller un peu me promener, découvrir la station météorologique avec Rosalie, assister à un lâcher de ballon nécessaire pour des relevées utiles aux prévisions météorologiques. Le ballon gonflé à l'azote va s'élever progressivement dans le ciel pour atteindre plus de 28 kms d'altitudes, lieu où il explosera finalement littéralement, et retombera en lambeau dans l’atmosphère... Pendant son ascension il fournit un relevé, à chaque seconde, de la température, le sens et la forces du vent, la pression atmosphérique, le pourcentage d'humidité, etc... Je continue à apprendre de nouvelles choses tous les jours qui passent, et cela me réjouit.
Je continuerai seule ma ballade. J’emprunterai un petit chemin en forêt descendant fortement et débouchant sur une petite plage de sable blanc désertique. Je trouverais aussi de nombreuses noix de coco. N'ayant pas de machettes ou de moyens modernes pour sortir la partie comestible de la coquille, je vais utiliser des moyens préhistoriques très efficaces. Je vais fracturer cette coquille sur un rocher, permettant de casser ces fibres très dures. Cela me permet par la suite le décorticage physique mais possible de la noix de coco! Je suis devenu un expert en noix de coco, en les différentes façons de les éplucher, ou de les déguster.
Quelques activités simples me manquent cruellement parfois. Je profite d’un jour comme ce samedi avec toutes les conditions réunis pour assouvir ces envies. Je vais courir toute la matinée. Je partirai de l'autre côté de l'île avec la ferme intention de découvrir de nouveaux coins. Je vais joindre aussi l'utile à l'agréable. J’emporte avec moi un sac à dos de grande contenance. Je rentrerai avec ce dernier plein de citrons, pamplemousses et noix de coco.
Je me joins ensuite aux autres pour, progressivement, dire au revoir à tout le monde! Le premier au revoir pour moi sera avec Fritz. Malgré ces excès de boissons ou de cigarettes, c’est une très belle et très intéressante personne! Ensuite, je prendrai un deuxième apéro avec son beau-fils et Alex, qui dort dans son hangar depuis notre arrivée. Enfin ça sera les derniers petits moments aux répétitions des danses pour les festivités du mois de Juillet, où je dirais au revoir à Dada. Nous ne reverrons pas Cynthia et Richard à qui nous avions dit au revoir la veille!
Après avoir fini les préparatifs, ce dimanche matin, c’est quartier libre pour tous... Je vais, de mon côté, effectuer une cession Skype inespérée durant laquelle je parlerais avec mes parents, Catherine et Rémy que je désespérais d'avoir, Marion et Karine deux amies de cœur! Ces échanges me reboostent un maximum, et augurent une journée idéale. Nous levons l'ancre à 14h00, alors qu'un petit grain vient de faire augmenter quasiment instantanément le vent! Le temps est gris lorsque nous quittons ce magnifique archipel (sûrement pour ne pas nous faire regretter de quitter ce petit paradis)... Le temps restera couvert les premières heures de navigation. Le vent est très vite retombé. Il est maintenant quasi nul. Nous avançons encore grâce aux moteurs! Il faut, à chacun, aussi un petit temps de réadaptation pour s’habituer de nouveau au mouvement de tangage et de roulis assez conséquent en ce début de traversée. La raison est simple; la mer est encore bien formée. Une houle résultante de l'activité des jours et heures passées se fait encore sentir. Nous nous faisons bringuebaler dans tous les sens!

En parlant de sens, celui de la vue va être mis à contribution, pour notre plus grand plaisir, lors d'un exceptionnel coucher de soleil. Les couleurs sont irréelles. On pourrait croire à une peinture d'un artiste qui aurait accentué tellement ces couleurs flashies, qu’elles se rapprochent fortement du fluorescent. Une fois que le soleil a disparu derrière l'horizon, le ciel nuageux va s'enflammer; jaune, puis jaune-orangé, rougeâtre, mauve, rose…

Petit à petit l'obscurité prend ces droits. La demi-lune, présente dans le ciel, nous montre le chemin et éclaire une nuit qui deviendra de plus en plus étoilé... Premier fois que je navigue avec un bateau à vue, de nuit. Il s'agit d'un cargo avançant à grand vitesse. Aucun risque de collision mais une première expérience qui pousse à la méfiance. Une surveillance régulière, accrue de l'horizon, et de tout danger possible, n’est pas un luxe! Nous avons déjà organisé la veille du bateau et le roulement pour les quarts. Je resterais éveiller jusqu’à 2h00 du matin avant que Philippe ne prenne la relève. Il gardera ce quart, de 2h00 à 6h00 du matin, tout au long de notre périple ensemble. Il affectionne ce dernier, tout particulièrement, car cela lui permet de se retrouver un peu seul, et de vaquer à ces occupations personnelles et solitaires… Nous voilà en mode long trajet et traversée que j’affectionne. Nous sommes partis pour quelques jours en mer.
La très bonne nouvelle au réveil concerne bien sûr le bateau. L’infiltration a totalement été arrêtée, il ne prend plus l’eau. La contrainte de la haute mer n’y change rien. Les réparations à l’époxy ont été très efficaces. De plus, Les conditions en mer sont parfaites. Nous avons du vent dans la bonne direction, assez fort pour naviguer à environ 10 nœuds sur ce bateau très performant. La houle est, quant à elle, quasi-inexistante! Sous le soleil, nous allons passer une très bonne première journée complète, en mer. La cohabitation se passe très bien. Les sujets de discussions sont diverses. Chacun profite à sa manière du beau temps qui règne dehors. Ce soir c’est au tour de Rosalie de passer à la moulinette du jeu défauts-qualités. C’est que je commence à la connaître bien la petite canadienne tellement sympathique, après 1 mois, 24h00/24 ensemble ou presque… Elle se retrouvera très bien dans la plupart des caractéristiques de sa personnalité que nous lui aurons trouvée.  
Jeu d’échec entre Frédéric et moi, bronzage et relaxation sur le pont, grand soleil, méditation pour Rosalie, préparation d’emails importants pour Philippe… Chacun organise son temps libre comme il l’entend. Un vent peu fort nous permet seulement d’atteindre une vitesse de croisière d’environ 8 nœuds.

Frédéric est un grand amateur de pêche de toute sorte. Il essaie dans ces conditions idéales de vitesse du bateau, et d’état de la mer, d’attraper un poisson. Il s’y attèle= depuis le début de la journée. Il utilise pour cela une canne à pêche de bonne qualité.

Philippe mettra sa ligne fixe, attachée à l’accastillage du bateau en fin de journée, juste avant le coucher du soleil. Le résultat ne se fait pas attendre. Seulement 10 minutes après avoir posé la ligne avec un leurre en forme de poulpe rose, il tient au bout de sa ligne un poisson. Ce dernier fait déjà du surf depuis déjà plusieurs minutes derrière le bateau quand nous l’apercevons enfin. Le remontant à bord avec précaution, nous avons la bonne surprise de récupérer un Thazard d’environ 7-8 kilogrammes. La pêche aura finalement été bonne. Ce poisson va nous permettre de nous nourrir tous les 4 pendant trois jours.

Le pêcheur est responsable de sa capture et de sa préparation. Philippe s’occupera donc de le vider. Il laissera à Frédéric, volontaire, le soin de préparer les premiers sashimis avec une marinade au citron et aux épices. Poissons au menu pour tous les plats ce soir. Nous cuisinerons aussi plusieurs steaks de ce poisson, à la poêle, en guise de plat principal. Le goût est exquis. Il n’est définitivement pas possible d’obtenir du poisson plus frais que ce dernier!



 
Voici venu la soirée où je vais être passé au crible. Les défauts sont inexistants et les qualités parfaites! Oups, non pas vraiment en fait! Je suis qu’un simple être humain conscient de mes conditions de terrien ici-bas. Le premier sera un défaut que nous retrouvions déjà lors des deux premières parties du jeu. Il s’agit de l’égoïsme tournant même à l’égocentrisme. Voyageant seul, l’explication se trouve assez facilement. Heureusement une qualité viendra un peu contrecarrer ce défaut que je n’aime pas particulièrement. Mais, je dois en être conscient, que cet égoïsme est bien présent. En choisissant de faire ce projet de Tour du Monde seul, je me suis recentré sur moi. Je le fais d’abord pour moi. Je le vis bien en solitaire, malgré ces moments de partage avec tant d’autres individus, et beaucoup de proches qui m’ont rendus visite! Mais ce voyage, comme celui de la vie, était un besoin indispensable pour me construire et satisfaire ma soif de rêves et de projets. Et puis nous mourrons seuls quoi qu’il en soit au final alors pourquoi perdre ou avoir peur de cette solitude propre à la vie. Mais comme l’a toujours  mentionné mon grand-père, j’aime sa citation que je vous ai déjà fait partagé, «Aime-toi, pour pouvoir aimer les autres » Je suis donc dans cette continuelle recherche de sagesse, où la confiance en moi et le juste amour de ma personne, me permettra de donner encore plus aux autres et de façon véritable.
Le deuxième défaut concerne un manque apparent de flexibilité. Flexibilité dans le fait de ne pas parfois laisser assez libre cours à ce que la vie me propose, ce que des événements inattendus peuvent m’apporter. Je comprends très bien que de personnes extérieures puissent avoir ce regard sur ma personne! J’ai été pendant très longtemps dans le besoin d’un contrôle total qui était finalement que très superficiel et totalement fictif. Le fait que je sache exactement ce que je veux pour mon futur, aussi bien dans ma vie de voyageurs, que celle plus personnelle, que j’ai de nombreux projets en cours, ou à venir, et des rêves à concrétiser, peuvent donner ce sentiment que j’ai déjà figée ma vie.
«Bien sûr que Non! Je reste ouvert à toutes opportunités qui me feraient prendre une direction autre que celle que j’essaie de me tracer au quotidien actuellement. J’ai avoir une cible en permanence en vue. Mais je suis prêt à dévier ma flèche vers une plus belle cible si la vie, ou une personne, m’en offre la possibilité.
D’autres défauts concernent plus ma communication. Le fait de parler trop vite, trop fort n’aide pas. Rosalie m’a fait remarquer aussi que je n’étais pas très bon pédagogue, ou équipier dans des moments de stress. Par exemple lorsque nous faisions ensemble les réglages de la voile principale sur Sarava. Dans le feu de l’action et voyant qu’elle ne savait pas faire, elle m’a dit que je lui avais crié dessus avec un ton peu agréable. Ce n’était pas mon attention mais je pense avoir perdu mes nerfs. Je n’ai pas su mettre l’autre dans une position confortable, en la prenant de haut et, en oubliant de lui expliquer calmement et avec le sourire ce qu’il fallait faire. Je devrais faire attention à cela pour ne pas vexer ou blesser des amis, mais aussi pour ma future carrière de manager, si je décide de retourner dans cette branche un jour !
Un dernier défaut surprenant relevé par Philippe serait le fait que je ne dise pas merci. Cela m’étonne car on m’a toujours dit que j’étais très poli et un vrai gentleman. Je serais attentif les prochains temps pour être sûr que je ne perds pas cette faculté très importante à mes yeux!
Pour ce qui est des qualités, je vous laisse juger par vous-même et m’exprimer votre opinion. Voici les principaux relevés : Je suis plein de vie, jovial et enjoué. Je suis serviable, prévenant et aime aider la communauté. Je sais ce que je veux et je ferais toujours le nécessaire pour arriver à mes fins… Voilà ce qui a pu être dit sur moi lors de cette soirée. J’en ressors grandi. Je sais les points que je peux améliorer et je vais essayer de m’y atteler… L’expérience serait intéressante à refaire avec les mêmes personnes un peu plus tard, ou avec d’autres…
Nous aurions dû arriver, en ce mercredi 19 Juin, à notre premier vrai arrêt dans les Tuamotu. Nous étions sensés rejoindre Aho, un Motu habité, parait­-il charmant? Mais le vent nous pousse très fortement vers le Sud-Ouest et non le Nord-Ouest. Pour atteindre cet atoll, nous aurions donc dû faire de grandes et contraignantes manœuvres, en tirant des bords pour remonter face au vent. Nous aurions mis, au moins, 24h00 de plus pour atteindre ce lieu. Philippe décide donc de faire l’impasse sur ce Motu, surtout que le bateau ne montre pas signe de faiblesse. Il nous assure que nous nous arrêterons, en revanche, quoi qu’il arrive sur le suivant prévu au programme. La durée du temps en mer s’agrandit alors significativement, avec presque 25% de temps en plus. C’est étrange aussi de n’avoir aucune terre en vue depuis le début, sachant que les Tuamotu sont constitués de plus de 78 atolls de tailles assez conséquentes répartis sur une surface de moyenne importance. Le beau temps est toujours de la partie. Un vent parfait continue de nous pousser vers notre destination finale. La journée s’écoule tranquillement. Nous n’avons jamais été aussi près d’une nouvelle terre. Jehol a retrouvé de belles couleurs, sa crinière au vent. Je peux l’entendre de temps en temps pousser des gémissements de plaisir. Il n’en est pas encore à se cabrer, mais il a déjà vraiment fière allure au trop!


Après une journée parfaite de navigation, nous apercevons finalement nos premiers motu à l’horizon. Nous n’accosterons pas sur le premier d’entre eux mais sur le deuxième. Il s’agit du Motu Tahanea. Ce motu, atoll corallien, mesure plus de 40 miles nautiques de long sur 20 de large. Autant vous dire que nous ne pouvons pas voir la circonférence en un seul coup d’œil depuis le bateau comme nous nous nous l’étions imaginés. L’entrée de la passe se fera sans problème. Nous sommes tout de même aux aguets pour prévenir tout danger ou chute brutale de profondeur. Etrangement, nous n’avons pas envie de dire bonjour de nouveau à nos amis les patates coralliennes de trop près. Jehol déciderai alors peut-être de ne plus nous servir de moyen de transport mais d’une belle épave flambante neuve, sur et dans laquelle la vie marine pourrait s’installer et foisonner. Je préfère prendre cet incident sur le ton de la rigolade. Philippe prend de plus en plus cela avec philosophie et relativise autant que possible. Le vent étant fort et de Sud-Est, un seul mouillage sera bien protégé!
Nous mouillons l’ancre dans une eau bleu azure translucide! Nous sommes seuls au monde. Aucun bateau en vue, aucune âme vivante non plus ne semble être présente sur les îlots.
Pourtant un cabanon, qui semble dans un état de conservation correcte, trône en bordure de l’eau dans le lagon intérieur. Nous partons à la découverte de cette petite île. Le sol est recouvert de coraux morts qui jonchent le sol. Cela donne l’impression de loin que nous allons profiter de plages de sable blanc magnifiques. Heureusement nous avions déjà cette information auparavant, diminuant ainsi la déception.
La maison semble inhabitée. Elle semble avoir été laissée à l’abandon en toute urgence. De nombreuses pièces et équipements de la vie quotidienne traînent encore sur la table! La maison n’a pas été vidée de tous ces ustensiles. Des carapaces de crustacés jonchent encore le sol… Nous découvrirons un peu plus loin de nombreux filets et cordages, à même le sol, dans les environs. Je découvrirais un radeau de fortune échoué sur les récifs du côté ouvert vers l’océan! Quel est l’histoire de cette embarcation ?
Pour ce qui concerne l’habitat sur cette île, il s’agit probablement d’un habitat saisonnier pour des pêcheurs et éventuellement ramasseur de noix de coco. En effet ces lieux n’ont pas vraiment d’autres ressources, mais ils sont d’ores et déjà un peu mystérieux à mes yeux! Nous nous coucherons seuls au monde dans un petit paradis sur terre !
La vie au paradis est vraiment difficile. Les contraintes sont un peu trop nombreuses et nous laisse que très peu de temps pour en profiter… Bizarrement, j’adore! Voilà donc pour continuer la plaisanterie le programme de notre très dure journée, je disais donc !


Un bateau de suisse allemand arrive premièrement à notre hauteur. Et comme souvent, il ancre à peine à quelques encablures de nous. L’effet de regroupement marche très bien dans le monde de la voile. Il rassure beaucoup de personnes surtout quand elles ne connaissent pas les lieux. De plus ces lieux ne sont pas si hospitaliers que cela pour les bateaux. Les lieux pour se protéger des vents quasi-inexistants dans ces paysages plats, Les ancrages précisés sur les cartes maritimes sont au sol recouvert de patates coralliennes, heureusement ici, avec assez de profondeur! Mais « zut de flute, ils auraient pu garer leur catamaran tout pourri un peu plus loin du notre pour ne pas nous gâcher le paysage! En plus, ils n’ont vraiment rien pour eux. Il y a des accents qui ne pas nous induire en erreur! Ils sont Suisse-Allemand. Et oui, personne n’est parfait ! Nous critiquerons fortement leur accent, ce moquant un peu au passage de leur façon de parler… Mais il faut bien le reconnaître, le français parlé par un allemand n’est pas des plus sexy !

Tout ce passage est bien sûr dit sur le ton de la rigolade. Essayez de vous remettre dans le contexte, fermez les yeux et imaginez ce qui s’est réellement passé. Nous les avons accueillis les bras ouverts. Nous leur avons fournis toutes les informations que le capitaine nous demander avant de s’ancrer. Nous avons été leur rendre une petite visite de courtoisie lorsque nous avons pris la direction des terres avec l’annexe. Il s’agit d’un couple assez âgé mais charmant. Il voyage depuis plus de 2 ans. Ils viennent de passer 8 mois au Gambier, où leur fille, de huit ans, vient d’apprendre le français, quelle maîtrise très bien !

Après les avoir salués, nous continuons notre chemin en annexe. Nous partons pour plonger avec masque et tuba. Extraordinaire! Il y a de quelques beaux coraux colorés, malgré leur faible pourcentage, si je les compare aux coraux morts blanchâtres que je peux dénombrer. En revanche la variété de poissons est infinie, toutes les couleurs, toutes les formes sont représentées ! Nous allons pouvoir observer des poissons perroquets, des poissons tigres, des raies pastenagues, de requins de récifs et des milliers de poissons de petites et moyennes tailles; rayés, tachetés, claire, sombres, agressifs, mignon, curieux, grincheux… Puis nous ferons quelques découvertes intéressantes comme les gros crabes de cocotier, qui sont très bon cuisiner! Leur plat préféré, que nous adorons déguster aussi, les noix de coco leur donne un petit goût sucré. Puis ça sera le shoot photo délire dans de l’eau transparente, et la version danse tahitienne, à la française, dans le style Pub pour shampoing ! Ne vous imaginez pas la scène, vous allez vous faire mal aux neurones et vous allez un peu trop faire fonctionner vos idiomatiques…

Après le déjeuner, nous prendrons la direction de la seule ville répertoriée de cet atoll. Le village est juste en bordure d’une passe réputée pour être magnifique! Ces fonds marins devraient parler d’eux même. La réalité serait tout autre que celle que nous avions pu nous imaginer. Ce n’est pas en cette fin d’après-midi que nous en percerons tous les mystères, en tout cas pour ceux sous-marins. C’est la marée descente. Nous sommes en plein milieu du cycle, d’environ 6h00, lorsque que le courant est le plus fort (règles des 3 dixièmes pour les connaisseurs). Un courant puissant évacue l’eau de l’intérieur de l’atoll vers l’océan à perte de vue. Je vais essayer en masque et tuba d’explorer les fonds. Me rapprochant un peu trop de la passe, je vais me faire emporter par le courant. Nageant de toutes mes forces, j’arrive tout juste à me maintenir dans la même position. Calmement, je me laisse dériver et nage fort vers le rivage pour ne prendre aucun risque. Cet après-midi, nous resterons terriens. Nous allons profiter du soleil, encore assez haut dans le ciel, pour découvrir la ville de Tahanea.

Une fois encore notre surprise sera totale. Cette ville est totalement fantôme. Les lieux semblent plus que jamais avoir été quitté d’urgence, comme-ci une alerte au Tsunami les auraient fait déguerpir ! Aucune présence humaine actuellement. Pourtant les maisons rudimentaires en tôle semblent avoir été habitées il y a quelques jours. Un nombre d’objets inimaginables jonchent une table à l’entrée de la première cabane visitée. Il y a des brosses à dents, des bidons d’essences, des bouteilles de boissons gazeuses non vides, des tournevis, des restent de crustacés et de coquillages. Les maisons sont toutes plus ou moins ouvertes, contiennent du mobilier à l’intérieur, des affaires personnelles, tout cela avec un confort rudimentaire tout de même. Continuant la visite des lieux, nous arrivons devant un bâtiment tout neuf qui contraste totalement avec les maisons que nous avons découvert auparavant. Il s’agit d’une petite église ou chapelle, tout juste finie et faite en dure. La peinture fraîche imprègne encore l’intérieur. Les couleurs sont locales. Pour ornements, il y a de nombreux coquillages et de la nacre, qui scintillent grâce aux rayons du soleil, qui pénètrent par les petites fenêtres.

Nous finissons notre visite de l’île par un magnifique coucher de soleil, ce dernier disparaissant derrière les cocotiers, sur l’îlot de l’autre côté de la passe. La vue sur l’océan à perte de vue et les vagues venant se briser sur le plateau corallien, qui délimite ce Motu, complètent le panoramique. Revenant au bateau alors que la nuit tombe, nous pouvons admirer la lune, presque pleine, qui illumine le ciel. Elle augmentera en intensité au fur et à mesure que l’obscurité s’installera.


 
Comme à mon habitude, je suis levé de bonheur. Sous les tropiques cela a encore plus d’importance si tu veux vivre avec le rythme du jour et de la nuit. Le soleil fait son apparition un peu avant 7h00! Nous attendrons un peu plus d’une heure avant de partir explorer, en profondeur, cette passe qui nous semblait indomptable la veille.

La mer commence à remonter. Le courant qui a fortement diminuer, se renverse. L’eau commence petit à petit à rentrer de nouveau dans le motu. Philippe qui s’est blessé, 2 jours auparavant, en s’essayant à l’ouverture d’une noix de coco, se propose d’être notre chauffeur d’annexe pour nous déposer à un endroit stratégique. Ceci devrait nous permettre de jouir un maximum de la découverte des fonds-marins forts réputés. Il va nous déposer à l’extérieur de la passe. Armés de masque et de tuba, Rosalie, Frédéric, et moi-même plongeons dans ces eaux mystérieuses. La visibilité est exceptionnelle. Nous pouvons voir facilement à plus de 40 mètres. Les coraux bordent l’entrée de la passe et une multitude de poissons vivent en harmonie avec leur milieu. Nous nous laissons dériver tranquillement et profitons du spectacle qui nous est offert ! Au moment où la passe se réduit, où les fonds-marins se trouvent protégés, à l’intérieur du Motu, la densité des coraux et des poissons augmentent exponentiellement. Nous glissons maintenant dans l’eau, surplombant un vrai champ corallien riche en couleur… Pourtant et malheureusement, la mort lente de ces derniers est annoncée. Leur destruction en raison du changement climatique a déjà commencé.

Nous effectuerons trois fois le trajet. Frédéric rentrera une nouvelle fois bredouille de sa pêche, qu’il aurait aimée fructueuse. Espérons que la chance puisse lui sourire ultérieurement ! Le séjour dans ce Motu désertique touche à sa fin.

Philippe et Frédéric sont très déçus, jusqu’à ce jour, par leur séjour en Polynésie. Non pas en raison de l’ambiance, de la météorologie, des moments vécus, mais en raison de quelque chose de beaucoup plus profond. Depuis leur enfance, ils ont été bercés dans l’imaginaire que la Polynésie Française était un paradis sur terre avec des paysages splendides, le beau temps toute l’année, les cocotiers, les vahinés… Que ce soit les agences de tourisme, ou les particuliers qui en reviennent, tout le monde encense ce département d’outre-mer. Les attentes de nos deux compagnons, poussées par leur imaginaire, étaient donc bien au-dessus de la réalité. Pour Philippe, ce lieu était et serait d’ores et déjà l’apogée de son voyage. Chacun à ces propres raisons. Pour Philippe, il s’agit des paysages, de la taille des motus, des conditions météorologiques. Pour Frédéric les paysages ont aussi une part de responsabilité et le fait que ce ne soit plus un eldorado pour la pêche, le laisse sur sa fin! La Ciguatera est le pire fléau pour cette activité. Il s’agit d’une maladie que beaucoup de poissons de corail possèdent. Cette maladie est apparue en raison de l’activité humaine. Elle est présente sous forme d’algues aux endroits où le corail meure. L’être humain n’a pas encore trouvé de solution pour éradiquer ce fléau. L’homme en ingurgitant du poisson ciguatéré va augmenter son taux dans son corps. Ce dernier ne va pas l’éliminer très rapidement au cours du temps. Au-delà d’une limite, qui peut être atteinte très vite, si vous mangez du poisson avec un taux de Ciguatera, très important, vous allez être gravement malade et touché pendant plusieurs jours. C’est souvent le cas des gros poissons en bout de chaîne alimentaire qui possède un pourcentage très élevé de ce fléau!

Quoi qu’il en soit pour nos deux compères de voyage, la réalité a pris le pas sur la fiction et l’imaginaire. Cet endroit est bien en dessous de leurs attentes. Ils se plaignent des récits des voyageurs qui embellissent la réalité. Mais quelle réalité? Quelle vérité? Ce fut peut-être pour ces voyageurs un endroit parfait… Cela pourrait, peut-être, le devenir pour moi, mais comme beaucoup d’autres endroits dans le monde, que j’ai adoré pour diverses raisons et, où j’ai passé des moments inoubliables, ni plus ni moins !

Il est presque 17h00 quand nous levons l’ancre en direction de notre prochaine destination : le Motu de Fakarava! Le vent est très faible. Nous essaierons tout de même de hisser les voiles. Mais le vent dans le nez du bateau, surtout pour un catamaran est irrémédiable. Surtout quand il finit par mourir définitivement. Seuls les moteurs pourront nous faire avancer vers notre nouvelle destination. La navigation sera aisée mais le bruit du moteur toute la nuit résonne encore dans ma tête…

Le lever du soleil du dimanche 23 se déroulera sur une mer d’huile. Nous prenons notre petit-déjeuner en toute tranquillité. Très rapidement nous découvrons, au loin, le Motu où nous nous rendons. Nous allons le longer sur son côté est, puis Nord avant de rentrer par une des passes donnant accès à son lagon. Au vu de la vitesse et du temps, nous décidons de stopper les moteurs pour nous accorder une baignade rafraichissante, alors que la chaleur grimpe rapidement dans l’atmosphère. Nous mouillerons comme beaucoup de bateaux, prêt de la ville de Rotoava, ville principale du Motu. Puis nous allons très vite, avec Rosalie et Frédéric, partir à la découverte des lieux. Je sais que Philippe a beaucoup de choses à gérer, à faire ! Je trouve cependant vraiment dommageable, pour lui, qu’il se prive de bons moments, de découverte profonde du pays pour préparer ces emails, passer des coups de téléphone… A ce qui paraît, c’était déjà le cas auparavant quand il n’avait pas eu ce problème avec le bateau. A chacun sa façon de voyager et de voir les choses.

Philippe est une très belle personne avec beaucoup de qualités, l’envie de bien faire, et de faire plaisir aux autres. Mais parfois à vouloir trop en faire, je pense qu’il s’égare un peu et ne facilité pas forcément certaines relations avec des proches. Mais je ne me permettrai pas de juger. Je ne connais pas assez son histoire et le passé avec ces proches. Nos différences sont aussi flagrantes. J’exprime alors ce que je ressens chez lui, à travers mon regard de jeune adulte, sans expérience de famille.

Quoi qu’il en soit, de notre côté, nous découvrons des eaux transparentes, de petits pontons pittoresques, et bateaux surélevés sur des systèmes ressemblant à des balançoires. Une image de plus, que je me faisais du pays, devient réel à mes yeux. Les raies et requins nagent tranquillement en bordure du rivage dans des eaux peu profondes. Anodin, ici!

Nous faisons la rencontre de Michel, français, de plus de 70 ans, voyageant avec sa femme en Tour du Monde. A chacun son tour du monde et ces pays visités. Cette fois-ci, ils sont partis 6 mois. Ils auront visités le Vietnam, l’Australie, la Nouvelle Calédonie, et la Polynésie où ils viennent pour la troisième fois. Avant un de leur fils vivait à Papeete… Ils voyagent et dorment toujours en camping. C’est une personne qui semble avoir un cœur en or. En tout cas, il est très attachant. Nous allons passer de longues minutes à discuter avec lui.

Un rendez-vous, avec Philippe, à la mauvaise heure nous fera manquer le lever de la pleine lune sur la mer. Tant pis, nous l’apercevrons un peu plus tard alors qu’elle commence gentiment à monter dans le ciel. Philippe nous offre un repas dans le petit « bouiboui » du coin. Ce dernier, très simple, donne sur l’eau. Au menu, trois choix! Rosalie prendra la salade de poissons, Philippe le poisson cru, Frédéric et moi nous opterons pour l’entrecôte frites. Tous seront d’excellents plats. Encore une fois, nous allons rentrer dans des discussions profondes. Plusieurs sujets seront abordés. J’en retiendrai un en particulier car nous en avons beaucoup parlé tout au long du séjour aussi bien avec Rosalie, que Frédéric, un peu moins avec Philippe.

L’Amour et l’engagement qu’il implique. Ce sentiment, le plus fort qui puisse exister de mon point de vue, est une énergie puissante, une force qui dépasse l’entendement. L’amour permet le dépassement de soi. C’est un lien incroyable qui relie les êtres vivants. Ce n’est pas seulement l’amour entre un homme et une femme qui veulent construire une vie de famille. C’est un lien entre parents et enfants, entre frères et sœurs, entre amis, entre patries, une symbiose entre l’homme et son environnement naturel… L’amour peut se dessiner à l’infini. Il revêtira milles couleurs différentes, des millions de dégradés se liant entre eux dans un patchwork sans fin. L’amour n’est pas un renoncement bien au contraire. Il signifie partage, plaisir puissant de donner, envie de servir de bonnes causes et des personnes aimées.

Il dépasse l’ego personnel qui veut posséder, prendre et conserver pour soi. Mais l’Amour demande une adhésion totale, l’Amour demande une confiance en soi et un juste amour de soi. Encore une fois, la phrase de Papou, mon grand-père, me revient en canon dans mon esprit : «Il faut s’aimer pour pouvoir aimer et se donner totalement!» Cette phrase peut être utilisée pour tellement de choses, qu’elle tend à me prouver une chose. L’Amour est un besoin vital pour l’être humain. Celui qui ne connaîtra jamais ce sentiment et cette libération n’aura jamais la chance d’avoir pleinement vécu un moment d’une intensité incommensurable.  

Cette question de l’Amour nous touche tous. Elle nous ramène à notre histoire, notre vécu, nos envies et la possibilité qui s’offre à nous de vivre et revivre ce sentiment d’harmonie avec l’autre, d’harmonie avec son environnement, et avec soi-même.

Pour Frédéric c’est une question très importante et pleinement d’actualité. Il est parti depuis 3 mois, laissant derrière lui, une femme qui l’aime. Elle veut tenter une expérience à deux. Elle désire vivre pleinement son Amour. Pour cette Amour, ils doivent être deux. Mais depuis deux ans qu’ils ont commencés leur relation, Frédéric met un frein important à pousser plus loin. Il n’est pas sûr de lui. Il a peur de l’engagement. Il a peur de perdre sa liberté. Il n’est pas sûr d’être à la hauteur et de pouvoir la rendre heureuse. Son histoire passée est encore trop fraîche. Elle l’empêche de se sentir pleinement lui-même. Il ne pense pas être près. Comment alors pouvoir s’engager ?

Et pourtant, la première fois qu’il m’a parlé d’elle, il avait une petite flamme dans les yeux. Il connait la chance qu’il a d’être avec une femme comme elle. Elle désire simplement son bonheur, leur bonheur !

Quand nous nous quitterons, quelques jours plus tard, il devait prendre son billet d’avion et rentrer pour tenter l’expérience. Mais qu’a t’il fait ? A t’il finalement décider de rester libre, tel que son langage corporel aurait pu nous le faire croire, malgré un discours opposé? Rester seul je veux dire ? Quand je dis libre, je pense à ce sentiment de liberté qui n’est qu’utopie. Il est plus facile de ne rien devoir à personne, de ne pas changer. Il est facile de rester prisonnier de ces peurs, de ces habitudes de célibataire et toutes autres qui nous dominent.

Frédéric ne resterait-il pas esclave de son passé, en conservant ces servitudes, s’il prend la décision de mettre un terme à cet Amour possible?

Une chose est sûre. Il est tellement indécis qu’il ne sait pas ce qu’il veut pour lui-même. Le plus important réside dans cette amélioration au quotidien de la connaissance de soi, de ces besoins vitaux et de vie pour pouvoir prendre une décision. J’espère en savoir plus de sa part dans les semaines à venir. Quel que soit le choix qui est pris, j’espère qu’il sera heureux, j’espère qu’il s’épanouira pleinement!

Concernant Philippe, nous n’en avons pas parlé directement. Cela ne semble pas être un sentiment qu’il ait pu développer beaucoup malgré la vie de famille qu’il a créée, et la présence de ces deux enfants. L’amour semble lui avoir manqué beaucoup tout au long de ces années. J’espère qu’il en trouvera, d’une façon ou d’une autre, auprès d’autres personnes lors son voyage, auprès de ces proches… Pour cela, il doit être prêt à ouvrir son cœur et à vivre pleinement l’instant présent.

Rosalie a eu de belles et longues histoires, mais aussi certaines très compliquées. Elle est consciente que l’engagement lui fait peur! Qu’elle n’est pas prête à l’heure d’aujourd’hui pour tenter une aventure amoureuse? Mais sommes-nous vraiment prêts un jour? Je ne le crois pas! Peut-être n’a-t-elle pas encore trouvé la personne faite pour elle ? Peut-être reviendra-t-elle auprès de son premier amour ? Je lui souhaite en tout cas de trouver aussi son chemin!

Me concernant : euh, bien, euh… Toujours plus facile de parler des autres que de soi, surtout quand on parle de sentiment, des sentiments, du sentiment d’Amour!

Certains amis qui me connaissent très bien me surnomment, depuis plusieurs années, «l’Amoureux». A tort ou à raison, je ne sais pas, mais il y a forcément une explication! Je crois la détenir mais cela fait un peu partie de mon jardin secret, la partie que je ne dévoile, qu’en étant moi-même, lorsque que je vis le moment présent. J’ai une chance inouïe d’être entouré d’Amour que ce soit grâce à ma famille ou mes amis.

Pour ce qui concerne l’Amour d’une femme, je l’ai déjà ressenti de manière très forte, très peu de fois. J’ai alors ouvert mon cœur à ces personnes puis je l’ai refermé. Je n’étais, à ce moment-là, pas prêt à tout donner. Mes projets personnels, mon ego, mon individualisme prenaient alors le dessus. Le plus important à mes yeux étaient ailleurs. J’avais encore besoin d’acquérir une sagesse et une paix intérieure.

Je m’excuse encore une fois auprès de ces femmes extraordinaires que j’ai pu faire souffrir. Elles garderont toujours une place spéciale pour moi dans mon cœur. J’aime avoir de leurs nouvelles et savoir qu’elles sont heureuses. J’ai envie d’aimer de nouveau et je laisse mon cœur ouvert à cette possibilité… J’espère trouver cette femme avec qui nous pourrons partager ce sentiment intense et construire autour, pour une vie!

Je ne sais pas pour les autres. Mais, de mon côté, je m’endormirai le cœur léger, pleins de bonnes idées et intentions en tête, un ressenti de sérénité intérieur puissant.

 
Le Lundi 24 Juin est un autre jour dans un paradis terrestre. Avec Rosalie et Frédéric, nous profiterons de la ville de Rotoava et de ces environs. Nous partons explorer le récif et la partie Nord Est du motu!
Après un peu moins d’un kilomètre, nous nous arrêtons devant un pêcheur dans les récifs. Il se tient sur les récifs coralliens à marée basse, à l’affût du moindre mouvement de poissons encore comestibles dans ces atolls. Il tient dans la main une lance en bois, d’environ 4 mètres de long, armée à une extrémité par un trident métallique, prêt à s’enfoncer dans la chaire d’un poisson qui passerait par là. Ces outils de pêche sont assez particuliers et ancestrales. L’agilité de ce pêcheur est remarquable. Il manie sa lance avec une dextérité déconcertante. Contrairement à ce que j’aurais pu croire en premier lieu, il n’enfourche pas simplement sa lance, dans le poisson, en la tenant en main. Mais la réussite d’une bonne pêche implique de pouvoir lancer cette dernière à plusieurs mètres… Frédéric restera admirer le pêcheur !
Avec Rosalie, nous continuons notre exploration vers le Nord-Ouest. Nous découvrirons, en premier, les ruines bien préservées de l’ancien phare de l’atoll. Il ressemble à une pyramide incas en moins élaborée. Il a été abandonné et remplacé par un tout nouveau, marchant grâce à des panneaux solaires. D’ailleurs nous découvrirons ce dernier après plus de 2H00 de marches et plus de 7 kilomètres supplémentaires… Quelques centaines de mètres plus loin, nous tournons vers l’objectif de notre randonnée en plein cagnard: le lagon bleu !
Il s’agit en fête d’une plage de sable blanc, bordée de cocotiers. Elle se jette dans une mer possédant un dégradé de bleu époustouflant. Ce dernier part du translucide jusqu’au bleu marin! Le soir nous découvrirons une magnifique pleine lune énorme et jaune-orangé jaillissant dans le ciel. Nous venons de louper une nouvelle fois les premiers instants du levé sur la mer. Mais, depuis le bateau, le spectacle reste grandiose.

Le lendemain, nous descendons une dernière fois à terre, avec Rosalie, pour retirer de l'argent et faire les dernières courses, avant de partir à la passe Sud, unique en son genre.

Rosalie va apprendre une triste nouvelle. Sa grand-mère vient de décéder. Je la retrouve en pleure devant son ordinateur, alors que j’étais parti faire les courses. Elle est heureuse pour sa grand-mère, bien entourée, qui vient de finir ces jours à 94 ans, sans souffrance, dans son sommeil. Mais elle est submergée par ces sentiments et sa propre peine! Je la réconforterai du mieux possible. Je lui laisserai aussi un peu de temps, seule, pour gérer les messages à sa famille avant de regagner le bateau.

Le vent est une nouvelle fois de face. Nous ne pouvons même pas tirer des bords dans cette passe peu large. Nous allons donc pendant toute la matinée, encore, avancée au moteur. Le bruit est assourdissant. Nous déciderons de couper le chemin en deux. Nous arrêterons les moteurs avant 14h00 sur un mouillage répertorié. Rien d'exceptionnel, une simple halte que nous partageons avec deux autres bateaux.

Chaque jour est différent. Le vent vient de changer de direction. Il est maintenant à 120°, Sud-Sud Est. Qui plus est, il a augmenté en intensité. Il dépasse les 18 nœuds de moyenne. Descendant vers le Sud, nous allons pouvoir en tirer profit. La grande voile hissée, le génois déployé, nous naviguons dans un chenal bien délimité et étroit à l'intérieur du Motu. Jehol, en pleine forme, prend trop de vitesse. Ces capacités, à partir de 15 nœuds de vent, sont exceptionnelles. Mais dans cet espace fermé et restreint, nous ne pouvons pas prendre de risque. Nous prenons un ris! Malgré le chenal délimité, il y a quelques dangers. Des cailloux et rochers affleurant à la surface, ou sortant même en dehors de l'eau, sont présents! Il faut donc être vigilant. Plutôt que d'utiliser le pilote automatique et devoir à chaque instant redresser le cap, Philippe me demande de prendre la barre. J'accepte volontier. Le plaisir est entier. Les sensations, avec une barre franche, sont exceptionnelles, surtout sous voile.

L'angle apparent du vent est de 60°.Nous ne sommes pas dans les conditions optimales mais le bateau file déjà à plus de 15 nœuds. Si nous larguons le ris et changions de cap pour obtenir un vent apparent avec un angle de 90°, nous dépasserions allégrement, sur cette étendue plate, les 20 nœuds. Le cheval fou est lancé au galop. C'est là qui est le meilleur! Il file sans accoups, la proue flottant au vent, glissant sur cette étendue d'eau qu'il affectionne particulièrement!

L'arrivée à la passe Sud de Tumakohua est magnifique! Nous sommes vraiment dans un décor de rêve; petit îlots avec des cocotiers, plage de sable blanc, un dégradé de bleus irréel et des fonds marins qui ont l’air riche en corail et, par chance, en poissons.

Nous allons rater notre premier mouillage. Nous sommes trop près d'un monocoque sur mouillage fixe ; une bouée. Les catamarans et les monocoques ne réagissent pas exactement pareil au mouillage. Mais surtout le fait que notre bateau puisse dériver sur plusieurs dizaines de mètres, et pas le sien, constitue un cocktail explosif, avec un risque de collision très grand.

L'avantage va être de prendre des infos auprès de Laurent qui a l'air de bien connaître l'endroit! En toute simplicité, il semble s'extasier, quand il évoque cette passe et les fonds qu'elle recèle! Il nous donnera quelques informations intéressantes sur ces lieux.

Voulant remonter la chaîne pour remouiller, elle bloque, prise dans des patates de coraux. Je plonge avec masque et tuba pour indiquer la direction à prendre, et nous sortir de ce vrai champ. Nous mouillerons plusieurs dizaines de mètres plus loin.

Avec l'annexe nous nous rendons dans la passe très rapidement après notre arrivée. Philippe nous laisse à l'endroit indiquer par le moniteur de plongée. Il commence à pleuvoir à l’extérieur. Nous allons être mieux dans le milieu marin. L'eau est claire, mais rien ne semble exceptionnel! Les 10 premières minutes nous font douter fortement quand a la beauté du site. Puis plus nous nous rapprochons de l'intérieur du lagon, plus la passe nous livre ces beautés. Dans 40cm d'eau des milliers de poissons colorés s'amusent avec le courant, casse les coraux… Au niveau du tombant dans la passe, le spectacle continue. Allant un peu plus vers le milieu de la passe, un spectacle spectaculaire m'apparait tout d'un coup! Des dizaines et dizaines de requins stagnent entre deux eaux! Plongeons en apnée à plus de 15 mètres, je suis maintenant tout près d'eux! Je n'avais jamais vu autant de requins au mètre cube! Je vais plonger et replonger pour les admirer...Il y a des requins de coraux à pointe noire et à pointe blanche, ainsi que des requins gris. Je comprends maintenant comment le centre de plongée assure à chaque plongée le fait de voir au moins 300 requins. Je ne pense pas qu’il existe beaucoup d’endroit comme celui-ci dans le monde. Je vais en profiter encore et encore.

 
Reprenant l’annexe, pour retourner au bateau, nous ne savons pas encore dans quelle galère nous allons nous mettre. La loi des séries continue! Pourvu que comme à notre habitude, finalement, « tout est bien qui finit bien» signera la fin d’un nouvel épisode du feuilleton de notre vie.
Une fois que nous sommes tous monté à bord, moteur allumé, je lâche l’amarre du ponton. Contrairement à ce qui avait été convenu, Philippe n’a pas refait le plein! Après moins de 150 mètres c’est la panne sèche! Philippe s’active pour remplir le réservoir avec le jerricane d’essence… Emporter par un courant puissant, rentrant, nous dérivons déjà fortement.
Philippe vient de noyer le moteur qui ne daigne pas démarrer. Nous filons vers le large du lagon à grande vitesse. Nos efforts combinés pour pagayer ne donneront rien. Le courant est beaucoup plus fort que nous pour lutter de front ! Nous arrivons parfois, pendant quelques secondes, à stagner, avant de nous faire reprendre par la force de ce courant.
Arrêtant de lutter, nous essayons de nous déporter sur un côté un peu plus calme. Rien n’y fait, nous nous éloignions de plus en plus. Nous partons vers le milieu de l’atoll où aucun bateau ne se rend en raison de nombreux pièges constitués par de faibles profondeurs et des patates de coraux! Qu’en sera-t-il si nous ne trouvons pas de solution et continuons à dériver? Le danger est grand que nous nous retrouvions pousser par le vent, et le courant, vers l’ouest de cet atoll. Ce côté est totalement inhabité et frappé par de vagues immenses venant se fracasser sur une très faible bande de coraux! Sans eau potable, sans nourriture, sans moyen de communication, nos chances de survie pourraient se réduire à néant dans la pire des situations.
Serions-nous sur le point de nous transformer en 4 robinsons Crusoé, si proche pourtant de la civilisation? Que peut-il nous arriver dans les prochaines 72h00 sans ressource?
Heureusement, nous n’allons pas avoir le temps de nous poser trop cette question! Dans un dernier effort de dépit, et de persévérance, nous atteignons la dernière bouée verte d’indication d’entrée de la passe. Nous nous attacherons fermement à cette dernière ne voulant pas prendre le large.
Avec Rosalie et Frédéric, nous allons avoir de nombreux fous-rires nerveux, au vu de la situation. Après un vent de panique et d’actions, les nerfs lâchent et la pression retombe. Nous regardant à tour de rôle, nous ne pouvons pas nous arrêter d’exploser de rire encore et encore.
Nos esprits un peu retrouvé, boostés par Philippe, nous commençons à agiter les palmes en guise d’avertissement. La venue d’aucun bateau à moteur n’est pas rassurante. L’idée de passer la nuit accrochée à cette bouée amplifie une rigolade quasi généralisée.
Laurent, rencontré le matin même, sera notre sauveur. Il a vu l’action se dérouler depuis le début. N’ayant plus d’essence dans le moteur de son annexe, il est parti en chercher avant de venir à notre secours. Je sauterai dans son annexe, pour tenir la corde et tracter mes équipiers dans un endroit hors de dangers. Après une lutte active contre les éléments, et ce courant si fort, nous arriverons finalement, non sans peine, à regagner Jehol!
Lors de cette petite mésaventure, Je découvrirais l’histoire particulière de Laurent. Après 10 années passées avec son ex petite amie à sillonner les océans sur un bateau à elle, il est rentré 3 ans, en France, après leur séparation. Il a très vite été incapable de supporter ce retour à une réalité qui ne lui avait jamais plus dans une banlieue parisienne. Dès qu’il a pu, il est revenu à son amour de la mer, en achetant cette fois si son propre monocoque! Ayant d’autres obligations, il ne restera pas pour manger. Notre soirée sera, pour nous 4, simple avec tout de même ce petit apéro qui fait du bien!

Après avoir fixé le problème de carburateur de l’annexe, le lendemain, nous retournons dans la passe. Chacun profite de son côté des joies de cet aquarium naturel grandiose.

Comme nous en avions discuté avec Laurent, il est impressionnant de voir, avec les connaissances de base et une bonne condition physique, comment tu peux progresser en apnée à vue d’œil. Dès le lendemain, alors que je n’avais pas fait de l’apnée depuis plusieurs mois, je plonge de plus en plus longtemps de plus en plus profond. Je nage maintenant au milieu des requins pendant plusieurs secondes à plus de 18 mètres de profondeur. .. Je ne me lasserais pas du spectacle. Je reviendrai tout de même à des profondeurs raisonnables, après un moment,  alors que je sentirai une grosse fatigue m’envahir.

Nous allons, tous ensemble, profiter des lieux, nous balader sur l’île principale qui borde cette passe!

Philippe souhaite être bientôt à Papeete, sur l’île de Tahiti, pour régler la sortie de l’eau de son bateau et les réparations à venir avant qu’il ne rentre en Belgique. Il nous reste tout de même encore quelques jours. Nous décidons d’aller explorer le côté ouest de la passe. Les couleurs de l’eau semblent splendides et beaucoup de bateau y sont ancrés. Après une heure de trajet au moteur, nous ancrerons à plus de 300 mètres des plages bordant de petits îlots. Ces derniers n’ont pas volés leur réputation. Nous allons découvrir un vrai paradis sur terre avec un sable rose très particulier, des petites îles qui ont du faire flamber l’une imagination de plus d’un rêveur… Nous avons enfin, en face de nous, une des images majeures que l’on peut nous vende, dans les médias, quand on évoque ce pays. Nous allons faire de petites promenades, découvrir ces petits bouts de terre très riche en végétation, immortalisé le moment… La journée va s’envoler et nous n’aurons pas la chance d’en profiter un peu plus

Samedi 29 Juin, le départ est matinal, afin de tenir le plan de route du capitaine! Je vais encore profiter des quelques heures de navigation qui s’annonce pour continuer de peaufiner mes connaissances du monde de la voile et prendre du plaisir. Je suis à la barre lors du passage de la passe, assez mouvementé, entre courant et vent qui s’opposent. L’arrivée en pleine mer avec une houle assez forte est aussi intéressante. C’est un vrai plaisir d’être aux commandes d’un si puissant et rapide catamaran. Une fois les voiles réglées et sorties, nous prenons un rythme de croisière soutenu pour rallier Papeete. Dernier nuit de quart sur ce bateau chevaleresque. La nuit passera rapidement!

Dimanche, dernier jour du mois de Juin sera notre dernier jour de navigation ensemble. Après un chaleureux petit-déjeuner ensemble, sous un bon vent, nous procédons à certaines des dernières manœuvres. Nous atteignons des vitesses impressionnantes. Nous dépasserons même la plus grande vitesse que Philippe n’avait jamais enregistrée, avec plus de23 nœuds. Jehol vient à Papeete pour se refaire une beauté et prendre soin de son pelage (sa coque bâbord), mais il ne compte pas perdre de sa fougue. Très vite, il repartira galoper à travers les océans de la terre, monté par son destrier qui a envie de continuer ce rêve.

A 11H00 Tahiti est en vue. Pourtant le chemin est encore long avant d’atteindre notre point de mouillage! Pendant le déjeuner, le vent passera de face et deviendra quasiment nul. Les voiles flottent, virevoltent sans pression, claquant des grands coups dans l’air. Il est temps de rentrer les voiles et d’allumer les moteurs.

Rien n’est jamais fini en mer. Aucune certitude n’est envisageable avant d’avoir quitté le navire. Un moteur fait un bruit du tonnerre au démarrage comme si il voulait se détacher de son support pour aller prendre l’air. L’avantage des catamarans, c’est d’en être équipé de deux. Nous ne naviguerons donc qu’avec le moteur bâbord en Marche.

Nous voici près de la Marina Taina. Nous franchissons la passe en début d’après-midi. Des Polynésiens surfent sur un bon spot avec des planches de body board, des surfs, mais aussi des pirogues. Nous sommes tout de suite mis dans l’ambiance. Les bars flottant, quelques centaines de mètres plus loin, avec de la musique locale enivrante compléteront le tableau. Arrivée à 15h00 sur une bouée où nous nous amarrons… Nous allons encore cohabiter quelques jours sur le bateau. Mais chacun va s’occuper de la suite de son voyage. Le petit comité confiné est en train de se disloquer comme cela avait été prévu.

Nous allons encore passer quelques moments agréables ensemble. J’espère que nous garderons contact et que je pourrai savoir ce qui va advenir de chacun. Pour ma part, la découverte de la Polynésie est loin d’être finie. J’ai encore quelques rêves, qui doivent devenir réalité, avant de m’envoler vers de nouveaux horizons…