lundi 28 avril 2014

Burkina Faso et découverte de l'Afrique de l'Ouest

Je vais faire une étape que je n’avais pas envisagée après ce mois au Maroc. En effet, certaines aberrations dans le monde aéronautique et surtout dans les prix des billets vont me faire faire un crochet par le continent européen. Incroyable mais vrai! J’ai pourtant regardé les prix sur internet de nombreuses fois mais rien à y faire, il était beaucoup plus intéressant financièrement de repasser par Paris. En ce 4 Mars, je pars donc de Casablanca, pour me rendre à France. Je repasse une nouvelle fois au-dessus du mythique détroit de Gibraltar, séparant la méditerranée de l’océan Atlantique, le continent Africain du continent européen. Demain, je repartirais de France pour aller à Ouagadougou, au Burkina Faso, en repassant par Casablanca. Et oui, 26h00 plus tard, je me retrouve dans la même ville, après beaucoup de temps de transport inutile. Mais ceux-ci m’a fait économiser plus de 250 euros. Je ne me plaindrais pas si un jour je pourrais gagner ce salaire journalier. Avec la même compagnie, le même vol, la même heure, le simple vol de Casablanca à Ouagadougou coutait 2 fois plus cher que les deux vols en partant de Paris et passant par Casablanca. Vous y comprenez quelque chose vous? S’il ne s’agit pas de géopolitiques et d’accords entre pays, j’aimerais bien avoir une explication concernant ces bizarreries des coûts de transport aérien, qui non ni queue, ni tête...

Je fais donc faire un passage éclair à Paris. Je retourne chez Mélanie et Arnaud. Je suis sûr que tout se passera bien, avec simplicité et qu’il n’y a pas besoin de mettre en place tout un protocole. Nous allons en effet passer une très bonne soirée. Je leur fais quelques cadeaux symboliques du Maroc. Heureusement que cette escale est courte. Je n’aurais pas le temps de réaliser vraiment où je me trouve, que je viens de revenir en France. C’est mieux de ne pas m’arrêter dans ma lancée et de repartir tout de suite…

Le voyage en avion, le lendemain se passera merveilleusement bien. De magnifiques dessins, créés par les nuages dans le ciel, nous accompagnent lors de cette première partie de trajet. ! Dans l’avion je suis accompagné de sympathiques personnes avec qui j’ai un agréable contact. La fin est moins drôle quand elles discutent avec d’autres voyageurs de leur raison du retour au Maroc et au Mali ; Le Mari pour l’une, le frère pour l’autre sont morts. Une autre rentre pour voir sa mère guinéenne malade et hospitalisée à Casablanca… La vie est toujours trop courte et pas forcément toujours drôle. C’est pourquoi, il faut savoir profiter  d’avoir la santé pour saisir les opportunités qui se présentent à nous et être heureux dans ces choix.  A 19h30, le voyage est relancé. C’est un retour à la case départ pour ma part, des instants de bonheur à venir. J’ai une pensée pour ces femmes qui traversent une passe moins agréable, et des instants de vie difficiles.

Après deux heures en transit, dans l’avion entre Casablanca et Ouagadougou, nous avons encore le droit à un bon repas chaud. Je vais faire la connaissance d’une personne très sympathique qui habite Ouagadougou. Il me propose de m’accueillir chez lui. Mais j’ai déjà un rendez-vous Couchsurfing qui m’attend. Je le contacterais peut-être ultérieurement. Nous arrivons à l’heure, à 1h55 du matin. Après avoir récupéré mes bagages, je suis accueilli par Rasmane, la personne qui m’a gentiment invité après que je l’ai contacté. Nous prendrons un taxi, il me montrera ma chambre et nous irons directement nous coucher. Je viens de vivre mes premiers instants dans ce pays, le Burkina Faso. C’est une ancienne colonie française. La langue officielle est le français. Toute personne ayant eu l’opportunité d’aller à l’école sait donc communiquer dans ma langue maternelle. Les échanges devraient donc être multiples. Je pourrais facilement connaître le point de vue des autochtones. Pourtant, entre-eux, ils parlent souvent avec les dialectes des différentes régions du pays. Les deux principaux, ont donnés le nom au pays. «Burkina»  veut dire intègre en «Moré». «Faso» signifie patrie en «Dioula». C’est ainsi que le Burkina Faso fait référence à la «Patrie des Hommes intègres». Au vu des retours de proches ou de connaissances sur les individus de ce pays, je pense que cela se vérifiera et je suis impatient de pouvoir partager leur vie pendant plusieurs semaines.
Réveil matinal, petit déjeuner dans une petite gargote du coin, où nous mangeons une omelette avec un café au lait pour lui et un thé Lipton pour moi (ca me change du bon thé du Maroc). A la sortie, je vais me voir offrir, par un sympathique monsieur, de la bière de Mil (ou « Dolo ») boisson traditionnelle fabriquée à partir d'épis de mil rouge et servie dans une calebasse. Elle est plus ou moins alcoolisée selon la durée de fermentation.  C’est un peu matinal pour boire de l’alcool mais cela me permet de me plonger directement dans les coutumes locales. Le Dolo ressemble un peu à notre cidre normand, si je pouvais le comparer à une boisson que nous avons en France. En moins bon tout de même, il faut savoir rentre à César, ce qui appartient à César. Nous entreprenons ensuite la visite de la ville en scooter (moyen de transport le plus fréquent ici avec le vélo) Nous nous rendons entre autre au grand marché pour assister à la vente des produits locaux, des fruits et légumes et autres ustensiles et vêtements de la ville quotidienne. Nous nous rendons aussi au service des visas pour que je puisse obtenir le visa de l’Entente valable au Togo, Bénin, Niger, Côte d’Ivoire, et Burkina Faso. Mais ce dernier n’est valide que 2 mois à la date de la délivrance. C’est trop court pour moi de le faire dès maintenant. Je repasserais donc par Ouagadougou avant de continuer mon périple vers le Sud. Nous allons ensuite visiter le musée de la musique où je découvre de très nombreux instruments traditionnels aux sons extraordinaires.

Les rues des quartiers sont de la terre battue, parsemées de nombreux détritus plastiques que tout le monde jette dès qu’ils ont consommé le contenu. C’est un vrai dépotoir à ciel ouvert. Les plastiques volent de partout. Ça ne semble gêner personne. Il n’est pas rare de voir des feux avec une fumée très noire se dégager de tel ou tel endroit en ville. L’odeur ne trompe pas il s’agit de plastique! Le fléau est grand et je pense très loin de se résorber.  Rien ne semble vouloir arrêter cette machine infernale. Ce n’est pas le fait que la majorité des sachets soient biodégradables qui changera la donne, surtout quand ces derniers sont brûlés bien avec leur oxydation.

A midi, nous allons manger un plat de pâte dans le même lieu que pour le petit-déjeuner. Je fais connaissance du boutiquier ou Mahdi, personne très sympathique avec beaucoup de culture. Il n’a rien acquis à l’école mais en écoutant la radio et les informations ! Nos Discussions sont passionnantes sur son pays et le mien, la façon de vivre… Je continue la journée par une sieste auprès du père de Rasmane, à l’ombre du seul arbre présent dans la cour! Puis nous sortons, avec  un de ces amis, pour boire un verre dans un bar. Nous prendrons tous la bière locale, la Brakina avec des amuse-gueules à base de pomme de terre douce. Son ami, qui a reçu une belle somme d’argent paie la tournée. Puis nous allons dans un autre bar plus animé avec de la musique, il continue de payer pour nous trois. Je n’ai même pas le temps de comprendre, ou de refuser. Et voici une autre bière, puis je vais gouter aussi le Malta boisson, non alcoolisée, à base de la céréale de Malte. Au vu de cette première expérience de soirée, je prends conscience rapidement du fait que les personnes ne comptent pas ici et quand elles ont de l’argent, elles le dépensent.
Au vu de la chaleur qui commence à sévir dans le pays, le réveil à l’aurore est le meilleur moyen de profiter des moments les plus frais de la journée et d’éviter la chaleur. Nous voulions partir tôt mais chaine de son scooter est très abimé, un maillon est presque cassé sur toute la largeur. C’est trop pour pouvoir partir où nous le souhaitions nous rendre, à plus de 37 kms de la capitale. Après lui avoir demandé le prix, je vais lui payer la réparation. Cette dernière est faite sans délais ou presque. Simplement le temps que nous prenions notre petit-déjeuner et un mécanicien, ayant pignon sur rue, aura fait le travail. Je précise, il a un tout petit atelier en bois, il travaille directement dans la rue, sur la terre battue. Nous paierons le prix des pièces à remplacer et une misère pour la main d’œuvre. 

Nous pouvons alors partir visiter le lac aux crocodiles sacrés de Bazoule. La croyance en ces animaux est forte. Il y a diverses histoires qui circulent et auxquelles les habitants croient sincèrement même s’ils n’ont jamais pu assister à quelque chose de ce genre. Lors de la mort d’un enfant, des crocodiles seraient venus lui rendre hommage, à plusieurs centaines de mètres du lac où ils se trouvent. Ils auraient assistés à l’enterrement avant de repartir. Un autre s’étant noyé dans cette retenue d’eau. Ils ont sortis le corps avec délicatesse pour prouver qu’ils n’avaient rien à voir avec sa mort.  Des histoires de sorcellerie aussi se racontent. Le fait de pouvoir d’obtenir un souhait est une conviction. Pour les femmes stériles ou qui n’arrivent pas à avoir d’enfants, des sacrifices cérémoniels de poulet, voire de brebis, ont lieux lors d’un festival renommé au Burkina. Elles peuvent ainsi espérer que leur souhait le plus cher pourra se réaliser. Le miracle se produit souvent! Elles reviennent donc, l’année suivante ou celle d’après, pour refaire des sacrifices en guise de remerciement à ces êtres vénérés. De notre côté, nous allons avoir de plus amples explications concernant ces animaux. Nous pouvons les admirer. Puis, nous nous amuserons un peu avec eux. Nous avons le droit de les approcher de près, de se mettre sur eux, mais aussi de leur tirer la queue, avant de leur remettre en sacrifice un poulet.  Nous pouvons alors admirer la rapidité de ces animaux, leur détente et donc aussi leur docilité à notre égard. Ils auraient pu nous dévorer plus d’une fois et ils n’en ont rien fait.

Cette première sortie, loin de la ville est aussi un bon moyen de découvrir les régions rurales, de voir ces paysages assez désertiques qui entourent la ville. C’est une possibilité de créer, pour moi, un premier contact avec les populations agricoles, qui représente la majorité des habitants du pays. Ils vivent en autosubsistance avec ce qu’ils produisent et ils essaient de vendre le surplus pour se payer des extras. Je découvre leur habitat en terre et toit de chaume, je découvre certains uses et coutumes dans la région, je peux admirer les vénérés et imposants baobabs.

Après notre retour à Ouagadougou, je vais passer du temps avec la famille. Nous discutons énormément avec l’un puis avec l’autre. Je prends le thé avec les jeunes hommes, joue au foot avec un petit voisin Mohammed, discuter avec les filles de la famille. Je vais pouvoir regarder comment elles cuisinent au feu de bois dans la cour, comme une majorité de la population. Je déguste le plat traditionnel le Tô, qui est une semoule gélatineuse faite avec de la farine de Mil ou de maïs. Elle est accompagnée d’une sauce à la tomate, avec de la sardine. Je ne vous cache pas que le Tô en lui-même n’a rien de très appétissant et de très goûtu, mais à ce qu’il paraît possède de nombreuses vertus pour la santé. Je finirais par une touche sucrée et agréable ce repas. La maman est commerçante de fruits et légumes. Elle me donnera une délicieuse orange à déguster. 

En soirée, avec Rasmane, je me rends au départ d’un de ces amis qui va tenter sa chance aux USA.  Cette opportunité n’est pas donner à tout le monde. Il faut venir d’une famille aisée qui pourra faire gage de certaines assurances dans le cas de nécessité du partant. Il est déjà assez compliqué de sortir du pays, hors Afrique de l’Ouest où les frontières sont ouvertes, avec un visa touristique. Ce dernier a plusieurs fois été refusé, par exemple à Rasmane pour la France, malgré qu’une personne française l’invite. Quoi qu’il en soit, nous allons être très bien reçus chez lui. La soirée se passe à plus de trente garçons et quelques filles, qui sont exclusivement ces sœurs. Nous allons consommer en abondances des boissons sucrées, avoir des brochettes de viandes et pâtes. C’est impressionnant de voir la rapidité avec laquelle certaines personnes peuvent se jeter  sur les mets proposés. On dirait de vrais affamés alors qu’ils ne le sont pas. Il est intéressant d’observer ces différences de culture et de savoir-vivre entre nos deux pays. Cela ne m’empêchera pas de passer une très bonne soirée.
Les visites continuent. Départ matinal le lendemain pour Laongo. J’aurais aimé avoir un appareil photo connecté à ma vue. En effet, sur la moto les paysages et les clichés insolites vont défiler ; Les personnes se déplaçant en charrette avec leur âne, des centaines de personnes attendant, avec des bidons ou réservoir pour tirer, de l’eau au puits public, les motards avec un chargement de plus d’une centaine de poules et poulets attachés les uns avec les autres et entassés à l’arrière du 2 roues, les femmes portant des corbeilles de fruits, du linge, des bidons sur la tête, des enfants jouant au bord de la route, un âne écrasé se faisant dévoré par des vautours…

Le trajet va être un peu long pour atteindre le site. Heureusement que le divertissement est multiple au long du chemin surtout que le lieu-dit, que nous allons finalement visiter, n’a rien d’exceptionnel. Il est intéressant mais ne vaut pas le prix pour les non territoriaux. Il s’agit d’un terrain parsemé de bloc de granites comme c’est le cas un peu partout dans les environs. Sauf que ces derniers ont été sculptés par des artistes. Le résultat est joli, et le fait de suivre un groupe avec un guide nous permettra, à Rasmane et moi-même, d’avoir un peu plus d’explications, aidant à la compréhension de l’art qui nous fait face. Le plus intéressant restera l’arrivée d’un groupe d’élève. Toute les filles revêtent la même robe et cela en raison d’un événement très important dans le pays. En ce 8 Mars, c’est la journée de la femme, il est chômé car férié pour tous. Les femmes prennent cela très à cœur et elles ont chaque année une tenue particulière. Même les hommes portent des chemises avec cet insigne de la journée de la femme. Je vais être forcé de constater que malgré cet engouement pour cette journée, les choses n’évoluent guère pour les conditions avec lesquelles elles sont traitées le reste de l’année. Une journée pour les femmes, 364 autres pour les hommes… J’espère que cela changera un jour et que l’égalité des sexes deviendra une réalité. A Laongo, quoi qu’il en soit, il est intéressant de discuter avec ces enfants, de les prendre en photos alors que je vais crouler pendant quelques minutes sous beaucoup de demandes. Dans beaucoup d’endroits les personnes n’aiment pas être prises en photos, ce n’est pas le cas lors de cette sortie et auprès des enfants.

Au début du chemin retour, c’est la panne sèche! Rasmane l’avait pressenti mais il pensait que nous aurions assez d’essence pour rejoindre le village le plus proche. Ce ne fut pas le cas, panne sèche et obligé de marcher quelques kilomètres à côté du scooter. Nous allons en rigoler tout le chemin et voir quelques belles scènes de vie sur la route. Nous rigolons beaucoup moins après avoir trouvé un petit vendeur sur la route qui vend de l’essence. En effet, cette dernière n’est pas de la meilleure des qualités, sûrement dilué avec de l’eau. Le moteur tousse un peu, la puissance du scooter est en dent de scie. Heureusement nous arrivons tout de même à retourner sans encombre chez lui. Son frère lui demande de lui emprunter son moyen de locomotion, un peu fatigué il accepte car ne pense pas ressortir. Nous ne pourrons donc malheureusement pas aller au parc pour voir le défiler des femmes lors de cette journée où tout est permis ou presque. Attention aux excès qui pourraient coûter chers à certaines.  A défaut, nous allons passer un peu de temps en famille. Une douche à ciel ouvert dans la cour de leur maison est des plus agréable et rafraîchissante. Seul l’aspect olfactif n’est pas du meilleur goût. Vous allez très vite comprendre pourquoi. Même dans la capitale, la plupart des maisons ne sont pas équipés de vrais sanitaires. Et encore, c’est le grand luxe chez eux car l’eau courante arrive directement et ils possèdent une paume de douche. Beaucoup doivent aller chercher l’eau avec des citernes à la fontaine publique. Pour revenir sur les toilettes et la douche, il s’agit d’un bloc fait de cloisons en terre un peu moins qu’une hauteur d’homme moyen (1m60), sans toit. D’un côté les toilettes qui ne sont qu’un simple trou dans la terre et de l’autre la douche dont les eaux usées tombent dans la même fosse septique que celle utilisée pour les toilettes. Vous pouvez imaginer les odeurs quand vous prenez votre douche.
En soirée aussi, je vais craquer pour accéder à un bien usité en masse ici, comme partout dans le monde maintenant. Le téléphone portable est roi. J’ai déjà plusieurs contacts dans le pays, prendre une carte Sim d’un opérateur sera alors l’assurance de pouvoir les contacter. Pour 2000 francs CFA (soit environ 3 euros), je vais acheter une carte prépayée et un peu de crédit (500 francs CFA). Je peux alors l’insérer dans ma relique de téléphone Nokia que l’on m’avait généreusement donné en Australie. La vente se fait à plus de 21h00, dans le kiosque où nous prenons habituellement notre petit-déjeuner. C’est un jeune homme qui offre ce service dans la rue. J’ai immédiatement accès au réseau Airtel qui est un des opérateurs. Chaque opérateur a son réseau propre et différencié. Pour remédier aux goûts exorbitants, si l’on téléphone à quelqu’un qui est chez un autre opérateur, beaucoup de personnes ont deux, trois, voire quatre téléphone avec les cartes Sim des différents opérateurs. Force est de constater que même sur un même réseau, les coûts de téléphonie reste très couteux, beaucoup plus cher qu’en France.  Pourtant, beaucoup de personne utilisent leur téléphone en permanence, passent leur temps à envoyer des texto, ou à appeler. Ding, Ding, Ding, 100 Francs CFA pour chaque minute de communication. Voilà encore une aberration de notre monde moderne. 
«Bon arrivée» est la première chose que beaucoup de personnes vous disent quand vous arrivez dans un lieu.  «Et chez vous ça va ?» est la réponse que beaucoup me formule après que je les ai salués.  C’est intéressant de passer plusieurs fois au même endroit, de prendre ces marques et de très vite avoir quelques bonnes habitudes. C’est le cas du petit-déjeuner dans le kiosque au coin de la rue. Je vais aussi retourner pour la deuxième fois chez Nahibouma, qui est la tante d’un des amis proches de Rasmane. Le contact a tout de suite était très bon. Je passe toute la matinée avec elle, ces trois filles et d’autres enfants, venus jouer dans la cour de la maison.  Les instants avec eux seront supers. Nous allons jouer ensemble, rire, chanter des chansons. Dans le même temps, je vais pouvoir voir comme cette femme au foyer et sa servante cuisine, toujours à l’extérieur, sur le feu. Je vais les aider à moudre des épices, à couper les légumes. Puis je les regarderais préparer la bouillie qui est le plat national du pays le Tô (ou Saghbo en Moré) comme je vous l’ai déjà précisé. Elles l’accompagnent d’une une sauce à base de bœuf, huile, tomate fraîche, herbes, et autres condiments. Elle a peur que je ne puisse pas manger car je ne suis pas habitué à ce genre de nourriture. Mais j’aurais le droit à un très bon repas. La bouillie n’a vraiment toujours aucun goût et un aspect assez visqueux mais la sauce qui l’accompagne a beaucoup de cachet et relève incontestablement le plat. 
En ce dimanche après-midi, nous allons, avec Rasmane  et deux de ces amis, dans le grand parc public de la ville. C’est un havre de paix, avec de la verdure et de beaux espaces. Rien d’anormale de constater que dans les étangs qu’il contient, il y a des crocodiles en total liberté. Quand nous étalons notre natte sur le sol, ça n’est pas vraiment ce qu’un européen pourrait imaginer comme après-midi champêtre dans un parc. Le sol est jonché de sacs plastiques, de déchets que les précédents utilisateurs ont laissés. Il y a des branchements électriques où tous les groupes de jeunes installent leur sono. Ils écoutent leur musique avec le volume au maximum. C’est une vraie cacophonie mais aussi un moment culturel sans égal pour moi. Ces groupes de jeunes riches de la capitale se retrouvent ici pour passer la journée ; manger, faire quelques débats, mais surtout boire et danser sur des rythmes endiablés de musiques locales et internationales. Ce n’est pas un instant au calme en nature mais je vais tout de même en profiter pleinement. Il est difficile pour moi de ne rester insensible aux très belles burkinabaises qui se trémoussent et bougent magnifiquement leur fessier. Je ne fermerais pas les yeux, regarde surtout dans la direction de femmes qui ont attirées mon œil, sans m’en cacher. Les femmes ont aussi un fort caractère. Pour des broutilles, deux jeunes font se chamailler. Il faudra l’ensemble des deux groupes et des garçons qui s’interposent pour faire retomber la pression. Il est très intéressant de regarder les mœurs et les liens entre les personnes. Chose que l’on ne verrait jamais en France, par exemple, les hommes qui se tiennent la main, l’un aussi pouvant avoir son ami entre les jambes, ou la tête posé sur son torse. Je ne me verrais jamais faire cela avec un ami. Aucun sous-entendu pourtant, il ne s’agit que de deux personnes qui s’apprécient.  De mon côté, comme au Maroc, lors du mariage, je vais attirer l’attention sans vouloir forcément le provoquer. Le fait que j’aime danser et que je bouge assez bien surprend beaucoup les locaux. Je suis l’attraction plusieurs minutes quand je commence à me dandiner sur des rythmes de reggae ou de souk…  Je ne mets pas en avant mais profite de cette célébrité de quelques secondes pour jouer avec des femmes qui me plaisent.  Nous resterons jusqu’au coucher du soleil sur place. Après avoir passé quelques bons moments, vu les crocodiles au bord de l’étang, et prises de belles photos dans un lieu propre où un parterre d’herbe verte fait exception dans la région, nous rentrerons chez Rasmane.
Début de soirée calme, à discuter chez le boutiquier. Puis je rentre chez mon hôte Couchsurfing qui n’est pas là. Je vais m’assoir avec les filles de la famille et leurs amies qui lavent les oranges. Dans une grande bassine pleine d’eau, elle lave ces dernières avec de la lessive. Elles m’expliquent qu’elles font cela pour supprimer les bactéries et rendre ces fruits comestibles et propres. Je vous le dis et redis, nous sommes vraiment très proches avec les burkinabés, comme des frères et sœurs, mais certains mœurs ou habitudes sont diamétralement opposées.  Etonnant mais je vais leur demander de les aider. La première, surprise, refusera. Mais La seconde me dira que si je veux je peux. Je les aide pendant quelques minutes avant que Rasmane rentre à toute vitesse. Il me dit qu’il se lave et qu’il part pour l’aéroport pour accompagner son ami qui part aux Etats-Unis.  

A peine le temps d’arrêter le travail que je suis déjà sur le scooter en tant que passager. Il me dit de me tenir. En effet, il met les pleins gaz. Sur une route non asphaltée et non éclairée, il fonce avec le risque de se prendre des pneus ou des déchets qui traînent sur la route, de renverser une personne qui marcherait dans le noir, de tomber dans un nid de poule. Heureusement, nous rejoindrons la route goudronnée sans encombre. Ce n’est pourtant pas fini, nous avons rejoint une vingtaine de scooter. Su l’un d’eux, la personne partant. Pour le fêter dignement, il s’engage une course poursuite dans  les rues d’Ouagadougou. C’est un vrai chassé-croisé de scooters, qui klaxonne et prennent quelques risques inconsidérés. Comment habituellement, nous sommes en tee-shirt, en claquettes, et sans casque à presque cent kilomètres par heure. Je vais prendre un grand plaisir à vivre ce moment d’adrénaline, de partage entre amis et façon pour des jeunes garçons de dire au revoir à leur ami. Pourtant je n’en mène pas large après que deux scooters se soient touchés évitant de peu la catastrophe. Le passager du deuxième scooter sautera juste à temps pour éviter une grosse chute. Ils s’en sortiront sans blessé et cela ne les empêchera pas, quelques minutes plus tard, de recommencer. Arriver à l’aéroport, seulement les voyageurs ont l’autorisation de rentrer dans l’aérogare. Nous attendons donc à l’extérieur. Je n’avais vu autant de «blancs» au mètre carré depuis mon arrivée. D’ailleurs le seul endroit où j’en ai vu avant c’est à Laongo et au parc la veille. Après l’obtention de son billet et l’enregistrement de ces bagages, il reviendra dire au revoir à tout le monde. Je ne le connais pas depuis longtemps mais l’échange est très intéressant. Il est, je pense, touché que je puisse vivre ce moment avec eux et que je sois là pour lui souhaiter pleins de bonnes choses pour la suite et son expérience à l’étranger. «Bis Répétita» au retour, ils poussent leur scooter à fond. Je ne vous cache pas que malgré que je n’aie pas eu peur pendant ce rodéo routier, je suis tout de même heureux d’arriver sain et sauf chez Rasmane. Nous mangerons un repas préparé par la famille puis nous irons nous coucher.
Plus le temps passe plus je prends le rythme asse tranquille de la vie à la burkinabaise. C’est ainsi aussi que je vais vivre les meilleurs moments. Discuter avec les habitués du kiosque quand je prends mon petit-déjeuner, aller seul au marché pour acheter des produits alimentaires du quotidien que j’offrirais à la famille. J’aime voir l’atmosphère qui se dégage sur place. Je suis parfois l’attraction pendant quelques minutes puis l’euphorie retombe.. Je ne désire pas sortir mon appareil photo pour ne pas fausser le rapport qui nait alors. Il est assez intéressant de voir l’étonnement des personnes quand j’ai commencé à faire mes courses. Ce petit marché de quartier est très animé, haut en couleur avec les fruits et légumes, les vendeurs en tout genre, les vélos et scooters qui s’entrecroisent…  Les femmes ont ici une troisième main, qui pourrait même avoir la valeur de 2 ou 3 supplémentaires. Non, elles ne sont pas difformes, elles n’ont pas subies une mutation. Elles utilisent seulement pour porter des objets en tout genre, une partie du corps que nous n’attribuons pas, en occident, à ce genre de tâches. Elles portent les produits à vendre sur la tête. C’est ici une tradition. Les femmes utilisent leur tête pour porter de lourdes charges, ayant parfois trois ou quatre objets mis les uns sur les autres, en parfait équilibre. La dextérité, dont elles font preuve pour se déplacer avec de telles charges, est impressionnante. Cela leur permet d’avoir les mains libres pour faire d’autres tâches, pour porter leur enfant quand il n’est pas posé dans leur dos à l’aide d’un pagne par exemple.

Je passe chez le boutiquier pour discuter de divers sujets géopolitiques, humains, sur les questions d’argent, de niveau de vie dans nos pays, des problèmes que rencontrent nos sociétés mais aussi de toutes les bonnes choses et les belles personnes qui les font vivres. Je rentre ensuite «à la maison» (c’est vraiment agréable de rester dans le même lieu, d’avoir quelques habitudes et surtout de créer des liens forts). Je vais m’assoir avec les femmes de la maison et du voisinage. Elles prennent soin de l’une et de l’autre. Elles se coiffent, discutent, écoutent de la musique. Elles seront agréablement surpris que de ma propre initiative j’ai été faire le marché et que je ramène des produits pour la famille. Certaines d’entre-elles voudront que je les prenne en photos. Un lien très particulier, fort et avec une certaine proximité, nous lie maintenant.  Elles se mettent derrière mon épaule, le contact physique est présent pour regarder ensemble les photos, par exemple. Cela ne va pas me laisser indifférent.

Je vais ensuite me promener dans les rues. De plus en plus de personnes me connaissent et me saluent. D’autres qui ne me connaissent pas m’abordent avec sympathie. Parfois me regarde bizarrement car ils ne sont pas habitués à un blanc qui se promène seul dans le quartier. Mais un sourire de ma part et le fait de leur demande comment ils vont, cassent très vite la glace. Ce n’est que le précurseur d’un moment agréable même s’il ne dure que quelques secondes. Les enfants me surnomment presque tous; «Le Blanc!» «Ou Nassara» (En Moré, langue ou dialecte parlé par le plus grande nombre de Burkinabais, principalement dans la capitale et la région périphérique). Certains me font un signe de la main, d’autres me courent après, d’autres viennent me serrer la main. Pour les plus jeunes, les bébés, ils n’ont parfois encore jamais vu un blanc de leur vie. Certains effrayés pleurent en me voyant. D’autres esquissent très vite de grands sourires me rendant les miens. On m’a toujours dit que j’avais un très bon contact avec les enfants et cela se vérifie encore majoritairement ici au Burkina. Je ne peux pourtant rien faire contre la nature et ma couleur de peau! Je m’excuse quand l’un d’entre eux pleure,  ou nous en rigolons avec leurs mamans.  Passant encore une fois voir le boutiquier, nous continuons à échanger sur l’organisation de nos sociétés, nos modes de vie, la recherche pécuniaire, l’attrait pour l’argent, l’impact du voyageur et le regard des locaux qui ne voient parfois en nous, blanc et européen, qu’un portefeuille mobile avec pleins d’euros, ou une personne qui viennent voler leur ressource, voler leur image pour la vendre chez eux… Comme Rasmane me l’avait déjà dit, c’est entre autre pour cela qu’il faut toujours demander l’autorisation avant de prendre quelqu’un en photo. Mahdi va m’expliquer aussi le principe de l’exemple, ce que nous appelons châtiments ou bannissement, des personnes ayant commises des fautes, comme une jeune fille enceinte, alors que ça ne devrait pas être le cas, des personnes n’ayant pas respectées les règles… Une personne pour demander pardon ne le fait pas directement. La société veut que la personne s’adresse par exemple à son oncle ou à sa tante. C’est ce dernier, ou dernière, qui ira demander le pardon pour son neveu ou sa nièce auprès de ces parents. La géopolitique et les sujets d’actualité nous amènerons aussi à parler de football, de nourriture, de hit-parade…

Je vais continuer des discussions du même acabit avec l’ami du grand-frère de Rasmane autour d’un thé verre bouillie. Ce dernier est préparé dans une petite théière, chauffée sur des braises, recueillies dans un petit support métallique.  Certains de ces dires marqueront mon esprit et je ne peux que constater la véracité aujourd’hui.

« L’AFRIQUE C’EST LE SOCIAL! L’AFRIQUE C’EST LA SOLIDARITE!»

Les familles vivent ensemble, forme généralement un clan soudé. Les individus ont, et prennent, le temps de vivre, d’échanger avec son prochain, de discuter abrités sous un arbre. Par exemple chez Rasmane, c’est un défilé permanent de nouvelles têtes qui vont et viennent, restent parfois plusieurs heures, partagent, et repartent. Aussi ici, le respect et l’aide de son aîné sont encore très ancrés dans la société. Dès que possible, les enfants essayent de rendre à leurs parents ce qu’ils leur ont apportés auparavant. Dès que possible, ils essaient de subvenir aux besoins financiers de leur famille pour que leurs parents n’est plus à travailler et puisse un peu se reposer de la fatigue accumulée aux cours des années  (il n’est pas question de retraite ou de chômage dans ce pays). Quand je parle de redonner, je ne dis pas qu’il y a un calcul de fait. Ils essaient simplement de subvenir aux besoins de la famille sur le moment et d’améliorer si possible le niveau de vie et le confort au quotidien, sans trop se soucier du lendemain. Ici, les voisins se connaissent, ils se disent bonjour, et s’entre-aident le moment venu. Personne ne pourra mourir seul dans son coin, dans son appartement sans que quelqu’un s’en rende compte et fasse le nécessaire pour la prise en charge.

Beaucoup se plaignent à Ouagadougou de vivre dans la pauvreté, que c’est dur, sale. Je pense que c’est une vérité pour certaines personnes de la capitale mais pas vraiment pour les personnes que j’ai pu fréquenter jusqu’à ce jour. Elles mangent toutes à leur faim, elles ont un toit et elles peuvent même se permettre des extras alimentaires, des sorties… Je ne dis pas qu’elles roulent sur l’or mais n’ont pas de problème d’acquisition des éléments vitaux pour survivre et même pour vivre dans leur cas.

Beaucoup aspirent, entre autre par le biais des médias, à partir pour l’Eldorado occidental. Le fait d’accéder à la propreté, un pouvoir d’achat plus important,  l’image qu’ils se font de la richesse, sont attrayants. Pourtant tous mes interlocuteurs, et c’est contradictoire, ont aussi une image réelle et perçue comme négative, ici, de l’européen et sa société où s’applique ce qu’ils appellent

« LE CHACUN DANS SON CHACUN».

Ce terme évoque notre société individualiste, l’éloignement géographique de nombreuses familles, de l’accès à l’indépendance très rapide, qui provoque aussi la solitude ou l’enfermement sur soi, aux réseaux internet à outrance qui limitent les contacts directs. Ils ont aussi une image que je trouve plutôt réaliste de ce qui se passe chez nous, avec des personnes qui ne se disent pas bonjour, qui sont prix dans le tourbillon de la consommation, du capitaliste à outrance où le plus important et de gagner de l’argent, de se créer une situation, au détriment du TEMPS. Beaucoup de personnes vivent à cent à l’heure, ne saisissent pas l’opportunité de discuter avec des proches, de vivre l’instant sans contraintes, de pratiquer l’aide auprès de son prochain, ou d’ouvrir sa porte aux plus démunis. Nous vivons pour beaucoup, car il ne faut pas généraliser, dans un système qui nous pousse toujours dans le plus rapide, le plus efficace, le fait de vouloir toujours plus. C’est un peu aussi le cas aujourd’hui, au Burkina Faso, à une autre échelle. La globalisation mondiale les a rattrapés. Cela ne risque pas d’aller en s’améliorant.

Le voyage m’éloigne un peu de tout cela. Je prends le temps de vivre même si je suis encore parfois dans l’excès, dans le fait de toujours repousser plus loin mes limites, de vouloir en faire toujours plus car je sais que je n’aurais pas assez d’une vie pour réaliser tout ce que j’aimerais faire. Cela me caractérise particulièrement et personnellement depuis si longtemps. Je ne peux pas effacer ce trait de caractère. Et pourtant, la semaine que je vis actuellement en profitant de rester avec des locaux, en vivant simplement, sans trop en faire, pas forcément dans le plus belle endroit du pays, sans savoir de quoi sera fait le lendemain, est peut-être un des meilleurs exemples de cette évolution personnelle. Bizarrement, je m’en accommode très bien et vis des moments bien plus forts qu’en ne survolant les endroits, en les visitant au pas de course. Je pense que le plus important est de trouver un équilibre dans ce voyage, dans ma vie pour avancer sereinement. Je ne veux pas me mentir à moi-même, en croyant des choses qui ne sont que partiellement vraies, si l’on en fait une analyse objective. Loin de moi encore la prétention d’avoir atteint la sagesse ultime, mais le sentiment d’être de plus en plus en accord avec mes besoins physiques, mentaux et spirituels, est présent.

Je vis des moments loin de mes proches alors que j’aimerais en vivre de nombreux à leur côté. C’est mon optimisme débordant qui me fait aller de l’avant. Je crois sincèrement que je peux finir ce projet personnel et quand je reviendrais tout sera comme avant ou presque. Un événement grave pourrait contredire et contrecarré ce plan. Mais seul l’avenir me le dira.  Je ne peux pas m’interdire de vivre mes rêves en imaginant les situations les plus sordides.  Il est pourtant inconcevable pour un burkinabais de vivre loin de sa famille, comme de plus en plus d’européens le font. Ils seront plusieurs à me donner l’exemple de Noël. C’est l’occasion pour beaucoup d’entre nous de nous retrouver tous en famille pour célébrer cette fête, de passer quelques jours ensemble. Il trouve l’idée bonne mais ne comprennent pas qu’après cela nous puissions nous séparer et pour certains ne pas nous revoir pendant un an. L’idée de ne pas partager l’évolution de ces proches, les changements dans leur vie, est un concept étrange! Cette constatation ne fait que confirmer le penchant de notre société occidental pour l’individualisme, la recherche du profit et une perte certaine de notre sociabilisation.

Ces écrits translatent les dires de mes interlocuteurs. Je partage beaucoup de ces points de vue, ces généralités. Pourtant, je préfère voir, même si ceux ne sont que des exceptions, tous les bonnes choses qui sont vécus au quotidien par certaines de mes compatriotes, dont je crois font partie un grand nombre de mes proches.

Ici à Ouagadougou, les échanges peuvent s’éterniser des heures autour d’un feu, en sirotant un thé vert de chine, en se reposant sous un arbre. Contrairement aux conseils prodigués par les instances diplomatiques, je n’ai pas peur bien au contraire de sortir seul dans les quartiers que ce soit de jour ou de nuit. Je vis ma vie, ne passe pas inaperçu, mais je sais me fondre autant que possible dans le paysage culturel et habituel des burkinabais. Leur gentillesse, leur simplicité et leur sens de l’accueil aident grandement à se sentir à l’aise et en sécurité dans un pays loin de nos standards européens.

Quelque chose s’est installée, insidieusement, lors des mois passés sur les routes à découvrir notre belle planète.  Je ne me rends plus obligatoirement compte mais je pense avoir acquis une aisance, une connaissance de l’être humain, de nos différences qui me rend très malléable concernant toute relation et interaction avec mon prochain. Ma bonne étoile, mes ancêtres qui veillent sur moi, continuent sûrement de me protéger. Je ne peux que souhaiter que cela se passer dans la même continuité. Je vais mettre en place tout ce qui est humainement possible pour que cela soit le cas.

En soirée, je vais recevoir plus que jamais des attentions de tous les membres de la famille Savongogo. «Donner c’est Recevoir» devient alors un adage que, malgré moi, la pratique ne fait que confirmer. Je me couche le cœur léger, l’âme en paix, et toujours avec l’envie d’aller de l’avant, de progresser et de réaliser de nouveaux rêves.
Je discute de plus en plus avec les différents membres de la famille. En ce début de semaines, les jeunes vont à l’école. Le système a été copié sur le système de l’ancien pays colonisateur; la France! Ils ont donc les mêmes classes, les mêmes matières que nous, ou presque, des programmes similaires. Ceux sont des écoles mixtes. Il existe aussi des systèmes publics et des privés. C’est intéressant de voir le plus jeune réviser le soir à la lumière du néon dehors. Comme dans beaucoup de société, les femmes et même les filles sont multitâches. Après l’école, Elles font la cuisine, s’occupe généralement des tâches ménagères même s’il arrive que les hommes aident. Il est impression de constater l’indépendance et la maturité que la majorité des enfants doivent acquérir dès leur plus jeune âge. Avant 6 ans, les parents leur demande déjà d’aller faire des courses seules. Des enfants «trainent», dans la rue, seules. Un enfant de 5-6 ans peut déjà avoir en charge son petit frère ou sa petite sœur. Les filles commencent à cuisiner très jeunes.  Concernant les femmes, au moins celles de la famille, il est impressionnant de voir le nombre d’heures, quand elles sont libres où elles prennent soin de leur cheveux, les coiffes, mettent des fils, font des tresses, mettent des fantaisies, portent des perruques, font des rajouts de cheveux. C’est un vrai passe-temps, un moyen de s’occuper de soi et des autres en partageant cette activité à plusieurs et en ayant souvent l’une qui sert de coiffeuse à l’autre. 

Le papa est, quant à lui, l’illustration parfaite du fait de prendre le temps. Il est capable de ne rien faire pendant plusieurs heures dans la journée, de rester  à se reposer sous son arbre, à écouter de la musique. Beaucoup de personnes jeunes ou moins jeunes suivent cet exemple. C’est parfois une habitude, un choix, parfois non. La vie dans ces pays ne permet que rarement aux personnes, surtout les personnes d’un certain âge,  d’avoir des distractions. C’est le cas pour des jeunes gens dans les grandes villes, comme Ouagadougou, comme j’ai déjà pu le vivre et vous le faire partager. Mais cela concerne une minorité ayant déjà certains moyens financiers.  

Pour revenir à l’exemple du papa de Rasmane, il passe des heures quotidiennement, avachi dans son transat, dans la cour de sa maison, sommeillant, et écoutant la radio. Dans notre société capitaliste, nous appellerions cela de la fainéantise. Ce n’est pas le cas ici ou en tout cas pas pour tous. Mais, en réfléchissant un peu, je me rend compte que ça peut être le cas en France aussi. Le standing est seulement un peu différent. Il s’agit de personnes, avachis dans leur fauteuil, et regardant la télévision. Cela me dépasse un peu tout de même et je ne pense pas que beaucoup de personnes de mon entourage se plairaient dans ce genre de situation. 

Une chose est frappante aussi pour moi. Ils vivent tous ensemble dans le même lieu et ils peuvent donc partager beaucoup. Mais en passant un peu de temps à analyser, je me rends compte que c’est le cas pour certains mais jamais tous ensemble. Le groupe de femmes de la maison et des voisines passent réellement beaucoup de temps ensemble, elles ont des activités ensemble, mange ensemble. Mais sinon pour les autres membres particulièrement les garçons, ils font leur vie. Ils mangent en décalé, souvent seul ou à deux. Je ne les vois pas souvent parler avec leurs parents, ou les femmes sauf quand il s’agit de leur demander un service. L’aspect social est tout de même présent et incontestable ici mais ce n’est pas un tableau idyllique non plus. 

Ne faites pas l’amalgame car ce qui va suivre n’a pas de lien direct avec ce que je viens de décrire. Je serais resté une semaine à Ouagadougou avec cette famille, leurs amis, et leurs voisinages, vivant au plus près leur quotidien. J’ai beaucoup appris, c’est une introduction parfaite à l’Afrique de l’Ouest. Rasmane m’a permis de découvrir beaucoup. J’ai vécu avec lui. Il m’a facilité l’accès à la compréhension de son pays. Mais j’ai envie d’aller explorer un peu le Burkina Faso, de voir d’autres régions, vivre dans des petits villages. Je vais donc réserver un billet de bus pour me rendre dans la ville de Bobo-Dialousso. 

Je passe une superbe dernière journée avec la famille, et toutes les autres personnes qui me connaissent maintenant bien. Il fait chaud. Comme à l’habitude, nous allons prendre un café au lait avec des bouts de baguette bien fraîche. La chaleur va vite montée en cette journée sans vent. La poussière envahie les rues, l’air est chaud mais sec, ce que je préfère largement à un temps moins chaud mais humide. Quand j’écris un peu en fin de matinée dans ma chambre, assis tranquillement, des gouttes de sueurs dégoulinent sur tout mon corps. La chaleur à l’intérieur n’est pas insoutenable mais elle est suffocante. Je comprends pourquoi quand ils sont à la maison, en journée, ils restent à l’ombre de l’arbre. Ils ne sont pas directement sous le soleil. Ils profitent d’une atmosphère plus fraîche, en raison de l’air qui circule, du peu de vent qui pénètre dans la cour. Je vais commencer à faire ma lessive dans des bacs. Une des filles de la maison vient me trouver et me prends le savon des mains. Elles pensent que je ne suis pas efficace et que je ne sais pas vraiment faire. Elle va me montrer et finalement me laver toute ma lessive. Je n’aurais qu’à l’essorer et l’étendre sur le fil à linge. Là encore les rôles bien définis de cette société, les obligations de chacun ne sont pas les mêmes selon votre sexe, votre âge et votre rang social. Le midi quand je suis assis avec les filles, je sens parfois que l’on parle de moi, grâce aux jeux des regards  e ne saisis pourtant pas le sens car elles parlent en Moré. D’ailleurs c’est marrant car plusieurs personnes que j’ai croisées m’ont déjà dit qu’elle pourrait m’apprendre ce dialecte très répandue en Afrique de l’Ouest. Le fait que la majorité  des personnes parlent très bien en français ne m’aide pas à développer ma compréhension et mon vocabulaire pour ce dialecte. 

Je vais faire rire les filles quand une d’entre-elles voyant que j’aime la musique me demandera de danser. Je m’exécute timidement. Elles riront aux éclats pour certaines. J’en souris car elles ne se moquent pas de moi, elles sont seulement étonnées.

Avec Rasmane, nous allons aller manger un riz en sauce à l’arachide dans un petit restaurant de quartier. Là encore, je vais beaucoup m’amuser avec les serveuses qui sont intrigués de me voir, qui veulent me faire des tresses dans mes cheveux, qui veulent que je revienne le soir pour manger le Tô et qu’elles m’apprennent le Moré.  Je ne peux malheureusement pas céder à toutes les avances, sinon je ne m’en sortirais plus. 

Quand je reviens, le petit garçon, Mohammed, avec qui j’ai joué au ballon, quelques jours auparavant, me reconnait dans la rue.  Tous les enfants m’appellent mais je n’y prête pas attention, concentré à discuter avec Rasmane. Ils viendront frappés à la porte de la cour pour me voir. Plusieurs d’entre-eux viendront me serrer la main. D’autres ayant un peu peur resterons à distance dans un premier temps. Je vais jouer avec Mohammed,  lui courir après, le soulever dans les airs, joué à lui attraper les mains, lui faire peur. C’est un vrai divertissement pour les autres qui rigolent en cœur. Je vais particulièrement aimer et trouver drôle le comportement d’une petite fille un peu effrayé dès que je tends la main vers elle. Voyant les autres faires, elle va finalement venir me saluer timidement. Puis petit à petit, elle va avoir besoin de  venir me toucher. Elle commence par la main, puis le genou, puis les pieds, puis mon sac, puis ma chaussure, puis mes cheveux, puis mon front. Petit à petit, elle s’est rapprochée. Je vais finir par pouvoir la prendre sur mes genoux, où elle se sent finalement très bien. Ce processus a été un vrai apprentissage, le besoin de savoir qu’au toucher j’étais comme elle, même si notre couleur de peau est différente. J’ai trouvé ce moment sublime surtout quand on voit comment il se termine. Le plus petit des enfants, un garçon, au bord des larmes quand il me voit pour la première fois, va facilement venir vers moi, après avoir vu les autres faire de même. J’adore vraiment le contact avec les enfants et leur capacité d’adaptation et d’étonnement. 

L’étonnement sera différent pour les adultes, une fois les enfants partis, quand je vais commencer à recoudre mon pantalon à l’aide d’un fil et d’une aiguille. Ils sont, je pense, surpris par tout ce que j’entreprends et ne s’imaginer pas cela d’un «blanc»!  Et oui, l’autonomie en voyage est le maître-mot. 

Le partage est vraiment important. «Invité ?!» est le seul mot qu’il utilise quand ils veulent te proposer quelque chose qui est à eux. Par exemple, de nombreuses fois, je suis arrivé alors qu’un d’eux manger dans une gamelle. Il me propose alors de se joindre à lui pour déguster ensemble le plat. Mais cela peut s’appliquer dans d’autres domaines quand ils veulent que tu prennes part à ce qu’ils font par exemple. 

Comme tout endroit, où tu restes un peu, où tu te sens bien, tu t’attaches au lieu et surtout aux personnes rencontrées. C’est toujours plus dur de partir et de passer à autre chose. Pourtant l’heure est venue, d’autres aventures m’attendent, et d’autres belles rencontres, j’en suis persuadé. 
Dès le départ pour Bobo-Dioulasso les signes avant-coureurs sont très positifs. Le personnel de la station de bus, les propriétaires du petit kiosque, où j’achète de l’eau en sachet, le monsieur qui s’assoit à côté de moi dans le bus, sont supers accueillants, sympathiques, et ils me posent milles et unes questions!

La route est très bonne sur la majorité du parcours, seulement un peu défoncé ou ronger par l’eau sur certaines portions! 5h00 plus tard, comme prévu, je suis accueilli par Moussa. Je devais initialement me rendre chez un comédien et artiste du nom de Bikontine. Mais l’entre-aide est grande dans le pays. Bikontine n’est pas là car en déplacement pour des spectacles de marionnettes de l’autre côté du pays. Il a donc demandé à un de ces amis de m’accueillir et de me prendre en charge pour le séjour.

Je viens de changer de région. Elle est occupée majoritairement par une autre ethnie. Un autre dialecte est donc de rigueur. Il s’agit du Dioula. Pour les enfants, je ne suis plus maintenant un «Nassara» mais un «Toubabou». Je vais avoir encore le droit à un accueil très chaleureux de leur part.

Moussa m’accueille dans sa famille. La maison est grande, chacun a sa propre chambre. Nous mangeons, puis nous partons visiter la veille mosquée, datant de 1880. Elle est faite de la terre locale, de bois qui font sa particularité, dépassant de murs pour faciliter son entretien. Cette caractéristique qui était un fait pratique, en a fait son unicité. Elle était aussi avant recouverte de beurre de karité pour protéger la terre contre toutes intempéries. Même pendant la saison des pluies, l’eau coulée dessus sans détruire, et enlever petit à petit, la terre agglomérée. Maintenant ce procédé a été remplacé par du béton plus solide, plus économique et qui dure plus dans le temps.

Je me balade ensuite dans le vieux quartier de Kibidoué et Sya (ancien nom pour Bobo-Dioulasso). Je vais obtenir des explications très intéressantes d’un guide. Le quartier est divisé en quatre subdivisions égales et délimitées par deux grands axes de circulation perpendiculaire. Le village était entouré d’un mur de terres de plusieurs mètres de hauts. Une seule porte d’entrée en permettait l’accès pour se protéger de tous envahisseurs.

Il y a tout d’abord le quartier des Animistes. Dans ce dernier, il y a le chef du village. Un des lieux les plus sacré est la maison Palabre. Elle a était construit à la place d’un arbre sacrée.  Les vieux du village viennent y discuter, échanger sur les thèmes importants qui concernent la vie de la communauté. Les cérémonies les plus importantes se déroulent ici tels que le mariage, baptême, décès… Le chef du village y prend aussi les décisions importantes. Par exemple, des suspects de vols, agressions, ou autres délits vont y être jugés. A l’intérieur et à l’extérieur, il y a des fétiches qui sont vénérés. Les animistes viennent y faire des sacrifices avec les plumes et sang d’un poulet pour de nombreuses occasions. Ces cérémonies permettent la communication avec leurs ancêtres et l’obtention de leur aval. Dans cette maison du palabre, il existe un trou où un voleur va mettre sa main trois fois. Trois fois, il va lui être demandé si c’est lui qui a volé. La main est rentrée et ressortie. S’il est le voleur la troisième fois, la main restera bloquée dans le trou. Le seul moyen de l’en dégager sera de lui couper ce membre et de le laisser repartir avec honte et déshonneur.  Les croyances, que nous jugerions pour la majorité totalement désuètes en Europe, sont au Burkina Faso très fortes.

Je vais découvrir ensuite le quartier des musulmans, où se trouve la maison du premier ancêtre, qui a été fondée au XIème siècle.

Je découvre après le quartier des Griots, ou musiciens. Ces personnes sont celles qui créent, fabriquent, et jouent des instruments. Cette caste se transmet les droits de façon héréditaire. Elles ne font que de la musique et quelques travaux pour la communauté. Elles sont rémunérées par des dons. Certains des instruments ne peuvent être joués que par certaines familles, comme ceux qui accompagné les sorties du Roi; le Barani. Le maniement de ces instruments est un vrai art, car un langage a été créé. Le roi n’a pas besoin de parler pour que son message soit retranscrit par la musique. Les griots sont présents aussi dans tous les événements importants de la vie. Pour une naissance, un baptême. Pour une demande en mariage par exemple ce n’est pas le prétendant qui va faire sa demande. Il demande à un griot d’aller transmettre la demande à la famille de la fille. Lors des funérailles, ils accompagnent les danses des masques qui vont accompagner le défunt vers l’au-delà.

Il y aura finalement la visite du quartier des Forgerons qui travaillait le bronze pour faire des armes, des ustensiles de la ville quotidienne, mais aussi des objets d’arts. Dans ce quartier, il y a aussi les personnes qui travaillent le bois, les tisserands, ceux qui travaillent le fer noir.

Nous allons descendre jusqu’à la rivière qui borde le quartier. C’est un lieu sacré! Vous vous attendez peut-être à un coin de paradis, où l’eau coule à flot, où il est possible quelques instants de sortir de la frénésie de la ville, d’avoir de la verdure et donc d’oublier ces milieu désertique où la poussière ocre vous envahit de partout? C’est différent de ce que j’avais vu auparavant mais détrompez-vous, c’est loin d’être un havre de paix. De nombreuses personnes et animaux ont envahis les lieux pour s’y laver, ou laver leur linge, des animaux viennent s’abreuver. L’eau n’est pas abondante, une grosse rigole s’écoule et relie des bassins qui se sont formés en raison de déchets, principalement plastiques. Le cours d’eau est en effet envahis par des ordures qui polluent ce dernier et sont visuellement choquant. Des monticules de sachet plastiques se sont agglutinés partout et personne n’y prête attention. Pourtant, il y a ici des animaux sacrés que les burkinabais veulent préserver. Il s’agit des silures, ou poisson-chat (soit dit en passant ceux sont vraiment des poissons très laids), qui pataugent dans ces eaux souillées et qui jouent vraiment le rôle d’éboueur des lieux. Les silures sacrés, ça ne me faisait pas rêver mais définitivement la vision des lieux complète ce tableau cauchemardesque. La visite fut intéressante mais je n’ai aucun regret en quittant ce quartier.

Rentrant chez lui, nous mangeons du riz en sauce à base de tomate, arachide,  avec de gros morceaux de choux. Nous buvons du jus de Bissap frais que je trouve agréable. Nous ferons ensuite une partie de Scrabble. Vraiment longtemps que je n’ai pas joué à ce jeu mais j’apprécierai ce petit moment de divertissement faisant travailler la mémoire.
Dormir chez l’habitant est la plus belle des manières de se plonger dans la culture actuelle du pays. Au réveil, le vendredi matin, sortant de la chambre où nous avons dormis avec Moussa, je me prends une vraie claque, au sens figuré. A peine réveillé, les yeux à moitié entre-ouverts, le soleil matinal rasant , qui vient de sortir au-dessus des bâtiments, m’éblouit. Mais surtout, dans d’autres temps, j’aurais pu croire que j’étais un des acteurs principaux d’un film cinématographique, à grand budget sur la vie en Afrique. « Silence on tourne !», «Action, scène 11, première.»   Les figurants s’activent (en fait ceux sont eux les acteurs principaux alors que je ne suis qu’un observateur, un voyageur de passage)! La maman, habillée en vêtements traditionnels, avec un pagne, mélange la sauce à l’oseille qui servira d’accompagnement au Tô. Une de ces filles pilonne des herbes qui seront ajouter ensuite à la préparation. Une autre est entrain de laver la vaisselle de la veille en utilisant les cendres carbonées pour nettoyer  l’extérieur des grands plats. Elle nettoie ensuite l’ensemble avec de l’eau, prise au puits publique, et qui se trouve maintenant dans une grosse citerne de 200 litres, au moins. Enfin une autre personne nettoie la cour, à l’aide d’un petit balai simplement composé «d’herbes» hautes flexibles et rigide par la même occasion, simplement attachés ensemble par un simple cordon naturel. Ce balai fait 40 centimètres de hauteur. Elle est donc en permanence baissée. C’est une scène du quotidien. Mais au réveil quand tu sors de ton monde imaginaire, ou que tu as rêvé de ta réalité de la vie à l’européenne, alors tu as vraiment l’impression d’assister à quelque chose de mis en scène.

En ce vendredi matin, Moussa a école de 8h00 à 11h00. Il me dépose, en partant, dans le local de l’association Bikontine dont il est un membre actif. C’est une petite pièce avec deux bureaux, des livres, des dons de différentes personne, une chaîne pour écouter des cassettes, quelques instruments de musique. Je vais m’approprier les lieux, prendre le temps de lire quelques livres, continuer à écrire le récit de mon aventure. Voyant le local ouvert, plusieurs personnes passant devant, regarderons qui se trouve présent, d’autres viendront me saluer. C’est le cas d’une personne qui est présidente d’une autre association, et qui a son local juste à côté. Deux associations mais qui ne vont souvent qu’une car les membres de l’une aide l’autre quand le besoin se fait sentir, et réciproquement. 2 petits garçons vont entrer dans les lieux. Ils sont curieux, un peu trop même. Ils commencent à toucher à tout ce qui se trouve à leur portée. Je vais devoir les canaliser assez rapidement. Nous allons jouer ensemble, avec les instruments de musique. Je vais leur montrer un peu comment utiliser mon ordinateur portable qui les intrigue, les laisser prendre quelques photos. Elles seront toutes floues, mais ils auront fait une de leurs premières expériences, peut-être la première avec ce type d’outil technologique. Je vais, à l’extérieur, jouer à leur faire peur, à leur courir après, à les prendre dans mes bras. Moussa arrivera, comme prévu, en fin de matinée.

Nous avons prévu, lors de l’après-midi, de nous rendre à la guinguette. Il s’agit d’un lieu à 20 kilomètres de Bobo, près d’un court d’eau, dans une végétation beaucoup plus luxuriante que ce que j’avais pu voir jusqu’à présent. Il a décidé de m’arranger un rendez-vous, avec une de ces amis, me disant que ça fait partie du voyage touristique. Nematou va donc se joindre à nous. Après avoir fait les réserves de poches d’eau et de jus de fruits dans une petite superette, avoir traversé des paysages changeants sur 20 kilomètres, vu l’activité débordante sur la route, où à ces abords, nous arrivons dans ce petit coin de paradis. Le cours d’eau, de 3 mètres de largeur, s’écoule avec un bon débit. Nous allons nous y baigné, passer une bonne après-midi dans une eau rafraîchissante. Je fais donc la connaissance de Nematou, nous échangeons, discutons, et essayons de passer outre la timidité de chacun, et l’aspect assez inhabituel de la situation.

De retour en ville, nous retournons dans la famille de Moussa pour passer le début de soirée, après avoir raccompagné Nematou. Nous y mangeons un plat de pâtes. Et oui, ici, il faut savoir que tu peux manger des féculents à chaque repas, même au petit-déjeuner. Une petite demi-heure dans un cyber de la ville, puis nous nous retrouvons en ville, avec Nematou, pour boire un verre et finalement sortir dans une discothèque. L’expérience va être intéressante. Comme en France, la soirée va vraiment commencer à 1h00 du matin. L’ambiance y est vraiment similaire à ce que j’ai pu connaître dans beaucoup de pays, même si la musique change un peu, quand il ne passe pas de la musique internationale. Nous quitterons le «dance floor» à 3h30. J’ai passé une bonne soirée, bien dansé «collé-serré». Mais comme, maintenant depuis plusieurs années,  je n’irais plus jamais dans ce genre d’endroit sans une équipe de plusieurs personnes vraiment motivées pour s’amuser, danser et passer une soirée endiablée.
Moussa se rend encore dans son école le lendemain matin, samedi. Nous sommes levés à 7h00 avec très peu de sommeil à notre actif. A 8h00, il me dépose une nouvelle fois dans le local de l’association. Je ne vais pas avoir trop de temps seul pour me concentrer sur certains travaux de classement de photos, d’écriture, ou d’organisation pour la suite du voyage. Les 2 mêmes enfants que la veille sont de retours. Il faut encore qu’ils touchent à tout, fouillent un peu n’importe où, qu’ils veulent essayer les différents outils technologiques. Je vais être obligé très rapidement de mettre des limites, de les stopper dans leurs actions, pour finalement les faire assoir et qu’ils regardent des livres. Ils viendront parfois me demander que je leur lise ce qu’il y a écrit.  Pour la lecture, aucun problème, je suis à leur disposition.

Ils vont repartir, puis revenir 20 minutes plus tard. Ils rejouent avec les instruments de musiques étant présents dans le local. Ces bruits vont attirer des jeunes de plus en plus nombreux alors que nous sommes installés à l’extérieur.  Après une heure, ils sont plus d’une trentaine à vouloir taper sur les djembés, ou tamtam. Ils sont parfois 4 ou 5 sur la même percussion. Ils nous composent alors une vraie cacophonie qui est parfois abrutissante. Des adultes passeront et s’arrêteront. Une d’entre-elles sera bien utiles pour essayer de leur donner des bases, pour inciter les plus jeunes à danser, et m’aidera à séparer et raisonner certains jeunes qui commenceront à se chamailler, voir à se frapper.
Moussa arrivera au local, 1h30 plus tard que ce qui était prévu. Je viens donc de passer plus de 4h00, seul ou presque avec des enfants. Je comprends l’énergie qui est nécessaire aux activités avec des enfants nombreux, à forts caractères et plutôt hyperactifs que renfermés. Nous leur demanderons finalement de ranger les instruments de musique afin que nous puissions fermer le local. Le partage avec ces enfants, la transmission de leur énergie ont été forts, riches en émotion.

Après avoir mangé un couscous et un riz gras dans un restaurant très propre, nous partons pour une vraie aventure en scooter. Nous nous rendons à 65 kilomètres de Bobo-Dioulasso. C’est le milieu de l’après-midi. La chaleur est torride. L’air résultant de notre avancée à plus de 60 km/h est chaud. Après être sortie de la ville et de ces incessants mouvements, nous nous retrouvons rapidement dans des paysages très secs, parsemés néanmoins de beaucoup d’arbres et avec quelques villages isolés possédant tous plusieurs puits. Après 42 kilomètres de route goudronnée, nous tournons sur la gauche, sur une piste ocre défoncée. 

Je vous parlais d’être un acteur principal d’un film à grand succès. Je ne m’étais pas trompé, je suis une «star» Sur la route, sur les chemins en terre ocre, dans les villages toutes les personnes me saluent. Non seulement les enfants comme c’était le cas en ville, mais aussi les adultes, les vielles personnes. J’ai l’impression d’un accueil en grande pompe. Non, pourtant je ne prends pas la grosse tête. Je sais que ce n’est qu’un moment agréable que beaucoup de personne pourrait se voir octroyer. Il suffit pour cela d’avoir la peau blanche, être visible sur un scooter par exemple, et passer dans ces villages, loin des circuits touristiques, ou d’une façon différente (pas dans un gros 4x4 climatisé par exemple). C’est tout de même assez génialissime de constater le rapport qui peut se créer avec ces personnes. 

Après plus de 20 kilomètres de pistes à mordre la poussière, nous arrivons à destination. Heureusement, il n’y a pour ainsi dire aucune circulation d’autres véhicules sur ce chemin de terre. Néanmoins, nous serons recouverts de particules de terre ocre. Nous sommes passés à travers des forêts comme je n’avais encore jamais vu dans le pays, avec une densité d’arbre aux mètres carrés assez forte. Après avoir fait la connaissance des gardes forestiers, payés le droit d’entrée, nous pouvons découvrir la mare aux hippopotames de Bala. Le cadre est paradisiaque. Il s’agit d’un étang d’une très grande superficie, qui est par endroit recouvert d’algues rouges, d’autres par de hautes herbes, et le reste par un plan d’eau qui fait plaisir à voir après la traversée de ces paysages quasi-désertiques. Nous sommes sur une barque avançant manuellement par 4 hommes possédant de longues tiges. Nous observons les pêcheurs qui déploient leur filet. Des dizaines d’espèces d’oiseaux se partagent les airs, les bouts de bois flottants, ou le dos des hippopotames. En effet, nous sommes venus ici pour venir à leur rencontre. Ils sont plus de 300 à se partager cette étendue d’eau. Nous allons approcher un groupe d’une quarantaine d’individus dont presque la moitié est des bébés. Le spectacle qui nous offre à nous est spectaculaire. Sous cette chaleur, Ils se reposent tranquillement dans l’eau ne laissant dépasser que leur tête et la partie supérieure de leur dos. 

Sentant notre présence et voyant notre embarcation approcher, ils vont redoubler leur attention, prêter l’oreille, se mouvoir un peu pour certains. Nous resterons à distance raisonnable. Il s’agit d’un des animaux les plus dangereux de la savane, en raison de son agressivité. La présence de petits ne pourra qu’amplifier ce phénomène pour protéger leur progéniture. Nous restons de longues minutes à les observer sans bouger le petit doigt. J’aurais pu rester des heures sur place, j’aurais eu envie de les voir se rendre plus actifs vers le coucher de soleil. Malheureusement, les aides gardes champêtres ne sont pas payés pour rester un temps infini. Nous devons donc les laisser derrière nous et regagner le rivage. L’expérience est fantastique. Je serais prêt à la renouveler dès le lendemain matin. 

Après nous être reposés, avoir discutés avec les employer de cette réserve naturelle, nous devons reprendre la route et la faire en sens inverse. Plus d’1h30, sur un scooter, quand l’excitation d’aller vers un lieu magique n’est plus là, ce n’est pas la chose la plus excitante que j’ai fait de mon existence. Mais le soleil descendant vers l’horizon, le contact avec les autochtones égayeront mon trajet.



Nous allons ensuite passer une soirée au calme. Passage obligatoire à la douche, qui se fait, comme quasiment partout, ici, au seau d’eau. Ensuite nous allons nous installer tranquillement devant un film avant de manger. Le repas sera une fois encore très bon. Ce soir ça change un peu des riz en sauce, Tô, et pâtes que j’ai mangés tous les jours. Nous avons le droit à une salade verte avec une soupe au poisson. Contrairement à ce que nous faisons, dans cette soupe, vous trouvez un poisson entier encore avec la tête et les écailles. Cela sera tout de même très appétissant, même si pas forcément ragoutant visuellement parlant, si nous prenons nos standards occidentaux. 

Quelque chose m’interpelle beaucoup ici. Le rapport Homme-Femme. Le sexe masculin commandent beaucoup la gente féminine. Plusieurs exemples vont me déranger un peu lors de la soirée. Quand je lui dis que je veux faire mon linge, il me dit de laisser mes affaires devant la chambre. Ceux sont les femmes qui vont le faire (il avait fait de même la veille pour ces affaires). De même en milieu de soirée, je lui dis que j’aimerais avoir des poches d’eau car j’ai vidé mon stock. Je donnerais de l’argent à sa petite sœur qui ira en chercher. J’aurais pu affirmer le fait que je désire y aller, le faire tout seul. L’excuse est toute trouvée: il faut s’adapter aux uses et coutumes du pays dans lequel on voyage. Mais cette soirée-là, je n’ai surtout pas envie de me battre et rentrer dans un long échange sur ces rapports humains. Je m’exécute et cela flatte la fainéantise qui m’a envahi en cette soirée. Nous nous endormons comme des masses sans demander notre reste. 

En comparaison avec la veille, nous allons dormir énormément. Je me réveillerais à 6h45, après 7h15, de sommeil. Moussa me rejoint 1h30 plus tard. Notre petit-déjeuner est une salade composée de tomate, concombre, avocat, ail et oignons baignant dans l’huile d’Olive et condiments. Nous sauçons le tout avec une baguette à la française. L’huile est vraiment considéré comme très bonne pour la santé. Comme au Maroc, beaucoup en mange donc simplement en la sauçant avec du pain. 

Une fois prêt, nous partons en direction du soleil levant, à 17 kilomètres de la ville, pour visiter les falaises de Koro. Je n’avais pas vraiment d’idée sur ce que nous venions visiter. Je m’étais imaginer de simples constructions géologiques mais l’attraction est en fait un village sur ces hauteurs. L’endroit est intéressant. Ces falaises de quelques dizaines de mètres dominent un lieu où des blocs de pierres arrondies sont disséminés partout. Les explications de la guide concernent les uses et coutumes dans ces lieux. Mais le site est trop touristique, le rapport, avec les personnes, surtout les enfants, est biaisé. Ils ne nous disent même pas bonjour mais ils nous demandent directement: «cadeaux? Bonbons? Argent?»  Premièrement, je n’ai rien à leur donner, en plus cet impact de la masse touristique sur son passage n’est pas forcément bon pour les jeunes générations qui deviennent alors des assister, des individus apportant plus de choses à la maison par cette intermédiaire, contribuant à l’économie de la famille. Mais ils n’assurent pas leur avenir en n’allant pas à l’école et en ne travaillant pas... Faisant fît de toutes ces demandes inopinées et mal placées, nous découvrons un beau petit village, dans un site naturel splendide (fétiches, différents quartier dont celui des fermiers, qui est vide car ces derniers sont dans des lieux plus propices à leur travail. Il ne revienne que pour les cérémonies lors de la saison des pluies… les forgerons et potières qui s’affairent au travail).

Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons sur un site que j’avais repéré lors du trajet Ouagadougou-Bobo. C’est une zone d’extraction rocheuse. Je veux prendre des photos car c’est visuellement à couper le souffle. Je prends quelques clichés puis des personnes vont venir vers nous. Ils nous demandent de l’argent pour le droit de prendre des photos. Une altercation va avoir lieu. Je comprends très bien le fait  que les personnes ne veulent pas se laisser prendre en photo, qu’il soit nécessaire de demander l’autorisation à une personne si l’on veut lui tirer le portrait. En revanche, je ne peux admettre que l’on me demande de payer pour un lieu où il n’existe aucun droit  d’entrée. Je leur demande donc de me fournir un ticket, un reçu est alors je paierais. Comme ils insistent, je les menace d’aller voir la police à Bobo et qu’on va s’arranger là-bas. Ce n’était pas la manière la plus diplomatique mais cela va fait sortir de mes gongs que pour chaque cliché même de la nature, ils nous demandent de payer. Nous allons hausser le temps chacun notre tour. Puis nous allons essayer de nous comprendre, chacun restant un peu sur sa position. Ils disent que c’est un lieu privé, leur territoire et qu’il fallait donc leur demander l’autorisation. Nous allons finalement trouver un accord. Je leur donne une pièce en tant que dédommagement L’intégrité des Burkinabais, un peu subjective, se vérifie. Une fois l’accord trouvé, la pièce donnée, le rapport humain redevient instantanément détendu et souriant. C’est une première et ça me permet d’apprendre. Mais je souhaite que cela ne se reproduise plus.  
Le déjeuner pris, mon sac bouclé, nous prenons la direction de la gare routière! Une nouvelle fois, le scooter de mon hôte, va montrer des signes de faiblesses. La chambre à air du pneu arrière vient de percer. Le chemin de la veille, le fait de ne pas avoir arrêté de taper dans les ornières ne sont sûrement pas étranger à cette défaillance. Heureusement, nous sommes partis bien en avance car il veut bien sûr faire la réparation en ma présence. Nous trouvons un petit réparateur. 15 minutes plus tard, la roue a été démontée, la chambre à air changé, l’engin est remonté, j’ai payé (une fois encore la réparation n’est pas trop chère, incomparable aux prix pratiqué par les garagistes français particulièrement concernant le coût de la main d’œuvre), et nous partons en direction de la gare routière. Je fais faire étape à Banfora. Je ne vais pas vraiment voir le paysage car je vais somnoler la majorité du trajet. Arrivé à Banfora, une heure plus tard, je cherche à continuer pour me rendre à Sindou, à 60 kilomètres de là. Je vais pour la première fois prendre les minibus de la brousse. Cela faisait un bout de temps que je n’avais pas fait ce genre de trajet. Premièrement le bus ne part pas tant qu’il n’est pas assez plein. Ensuite, les bagages accumulés sur le toit sont imbriqués les uns aux autres et font plus d’un mètre de hauteur. Et encore, nous ne sommes pas sur des grands trajets, où des motos peuvent être mises sur le toit. Ensuite, il va s’arrêter de nombreuses fois, pour faire l’essence, pour prendre quelques autres personnes. Nous nous agglutinons dépassant maintenant le nombre de sièges. Ensuite, nous prenons la piste de terre ocre dont la platitude n’est qu’un doux rêve. C’est donc assez sportif et je ne vous parle pas de la poussière omniprésente, qui vole partout, en raison des nombreux véhicules empruntant cette route. Après plusieurs arrêts au cours du trajet, nous arrivons finalement 2h00 plus tard à Sindou.

Je vais faire la rencontre de Mr Zida. C’est un ami d’Issa, qui a été le guide touristique de Yves et Sylvie (parents de Lucille, une amie) quand ils sont venus au Burkina Faso. Je voulais et veux le rencontrer. Il habite à 17 kilomètres de là. Il a donc demandé à son ami de m’accueillir. Je le verrais pendant mon séjour. Issa a changé d’orientation professionnelle. Il n’y a pas assez de touristes venant dans ce pays pour qu’il puisse en vivre. Il a donc passé le concours de la fonction publique. Il vient tout juste de devenir fonctionnaire pour le ministère de l’environnement et du développement durable. Zida est un de ces collègues, travaillant au service de Sindou, depuis 4 ans. Comme dans les ministères en France, les fonctionnaires ne choisissent pas forcément l’endroit où ils sont affectés surtout quand il s’agit de leur premier poste.

Je me retrouve donc une petite maison de deux pièces. Les «toilettes» et «douches» sont communes avec tous les voisins. Je mets ces deux mots entre guillemets, pour que vous puissiez visualiser correctement la situation. Nous sommes très loin des standards européen. Il s’agit de deux enclos en béton de deux mètres carrés, haut de 1,60 mètre, sans toit. Pour les toilettes, il s’agit d’un simple trou dans le béton du sol. Pour la douche, il y a un simple système d’écoulement des eaux usées, avec un sol en pente et un trou dans un des murs. Vous venez donc avec votre seau pour vous laver ;

Karine, une collègue qui vient d’être affectée à ce service est présente dans la maison. Les discussions, toute la soirée, vont être très intéressantes. Nous allons parler de l’environnement, des problèmes de déchets, particulièrement des déchets non biodégradables et de cette pollution visuelle principalement avec les sachets plastiques. Ici, ils ont essayé d’éveiller les consciences. Ils ont installés des poubelles pour le «tri sélectif» (choix entre biodégradable ou non). Selon Zida, et je le rejoins totalement, il faut informer, former, mener des actions auprès des enfants dès leur plus jeune âge, au primaire. . Il est très dur de faire changer des mentalités, les habitudes ancrées dès la naissance. Le seul moyen d’enrayer ce fléau de la pollution de la nature est donc la prévention et la formation. Il dit qu’il développe le plus de projet possible mais que le manque de moyen affecté à leur tâche limite l’efficacité et la réussite dans un lapse de temps court. Nous aborderons beaucoup d’autres sujets.

Réveil matinal car ils prennent leur service à 7h30. Je découvre le lieu où ils travaillent. C’est un simple bâtiment en béton avec trois bureaux. Je fais la connaissance de ces autres collègues dont Seddiki, un jeune assigné ici aussi comme Karine, qui n’a pas de logement. Il va donc occuper la maison de Zida avec nous. Après un petit-déjeuner ensemble, à boire le thé et le café avec un petit bout de pain, je me rends à pied aux pics de Sindou. Traversant le village, je vais tout de suite constater la différence avec les grandes villes où les personnes sont plus méfiantes, surtout vis-à-vis des photos. Ici, je reçois toujours un accueil chaleureux, de nombreux «Bonjour», ou «nanisoroma», et les enfants qui s’exclament «Toubabou! Toubabou !» ou «le blanc». Mais il est facile d’aller vers eux, de discuter, de jouer un peu avec.  Les relations sont simples et nous rions beaucoup. Malgré l’apparition du béton et des toits en tôle pour certaines habitations, la ville a conservé aussi son authenticité et la façon ancestrale de construire les huttes, maisons en terre avec les toits coniques en paille tressée et enchevêtrée. Il y a des «greniers», qui suivent le même principe de construction qu’une maison, en beaucoup plus petit et sans portes. Ils servent à conserver les récoltes pendant de longs mois. Sur le même modèle les poulaillers possèdent des dimensions et formes un peu différentes. Je découvre la fabrication des pots en terre. Je peux voir les forgerons à l’œuvre, les femmes vendent les produits fermiers venant de leurs jardins, lavent le linge, tiennent de petits stands alimentaires, où tout est préparé au feu de bois. Une des images fortes de l’Afrique que nous pouvons en avoir en Europe n’est pas erronée du tout. Elles portent bien de lourdes charges sur leur tête, ayant parfois un enfant dans les bras et un autre dans le dos en bandoulière comme je l’avais déjà constaté à Ouagadougou. Mais cela prend ici encore une autre dimension. Les habits, aussi bien pour les femmes que les hommes, sont hauts en couleurs, avec des motifs diverses. Notre sobriété vestimentaire, et la recherche d’un classicisme dû au fait que nous sommes dans un des pays de la «mode», fait que peu de personne se permette ce qui serait perçu chez nous comme de l’excentricité. Ici aucun problème, tout le monde peut se lâcher. Ça frise parfois le ridicule mais c’est encore un point de vue subjectif et conditionné par mon passé.

Je suis heureux d’être sorti des grandes villes et de pouvoir expérimenter la vie à la campagne. Me dirigeant vers les pics, je vais avoir accès à une autre dimension de cette vie. Je traverse les champs. Je peux voir l’organisation des parcelles, les travailleurs s’affairaient au travail. Au niveau des arbres fruitiers, j’observe comment les femmes, avec les longues perches, font tomber les mangues, ou autres fruits exotiques. J’arrive au niveau des pics, sans avoir vu la maison des guides. J’aurais pu faire demi-tour et suivre le chemin que je venais de traverser. Mais pour être honnête avec vous, je suis plutôt content, dans ce lieu naturel exceptionnel, de ne pas devoir suivre quelqu’un, qui va m’emboîter le pas et me guider au même endroit que les autres touristes. Je vais donc me promener seul, au pied de ces falaises de pierres qui s’érodent facilement avec le temps et les contraintes climatiques telles que la pluie. Cette caractéristique géologique a modelée le paysage avec le temps. Je vais passer plus de 3h00 à arpenter les lieux, admirer les rapaces qui se sont approprié les pics et les partage avec de nombreux insectes tels que les lézards ou de magnifiques sauterelles aux couleurs flashies. Je vais trouver différents promontoires à escalader pour avoir une vue imprenable sur les environs et les pics. Cela me fait un bien fou d’être en nature, d’avoir le temps, et de pouvoir jouer un peu avec les éléments. En revenant, je vais croiser d’autres agriculteurs, des enfants revenant de l’école.

En sortant de la zone des pics, je suis pris d’une douleur qui va aller crescendo au niveau des parties intimes. Cette «infection» va me brûler assez violemment. La zone qui me brûle est rouge. Je ne sais pas ce que je dois penser. Mais je pense tout de suite à un acte de sorcellerie. J’ai bafoué les règles des lieux et pénétré sur ces terres sans l’autorisation. Je ne l’ai pas fait totalement exprès mais je savais que ce lieu touristique était payant et que je devais être accompagné. Je n’ai donc pas fait ce que j’aurais dû. Quelqu’un m’aurait-il vu et m’aurait-il jeté un sort? Je ne dis pas que j’y crois mais la coïncidence est tout de même assez forte. J’aime penser comme les personnes du pays dans lequel je me trouve. Je n’ai pas été totalement intègre dans mes actes ce matin, et peut être que la punition a été immédiate. Cela me fera réfléchir sur le sujet. Je vais retrouver Zida, Seddiki et Karine, toujours avec ce mal qui me brûle intensément. Rentrant chez Zida pour manger, je vais me laver, mettre de la crème et changer mes sous-vêtements. Après une demi-heure, la douleur va progressivement diminuer avec de disparaître totalement plus d’une demi-heure plus tard. Fini les sueurs froides, ou le fait de devoir lutter contre ces douleurs! D’autres signes au cours de la journée me laisseraient à croire que quelqu’un n’avait pas accepté mon entrée seul sur le site le matin même. Mes nues-pieds, que je mets depuis deux jours, vont me mettre le dessus des pieds en sang, un peu avant les gros orteils. Mon ordinateur va me faire la première «erreur système» depuis que j’en ai fait l’acquisition. Je m’en sortirais simplement avec une grosse frayeur car la carte mère n’est pas grillée. Après avoir relancé la machine et lancé les réparations Windows 7 starter voudra finalement bien redémarrer et j’aurais alors accès à toutes ces fonctionnalités.

Nous mangeons un nouveau repas à base de riz et de sauce à l’arachide. Pour la première fois de mon séjour, je vais avoir un peu mal au ventre. Ces maux s’estomperont finalement rapidement sans avoir de conséquences sur ma santé. Chacun pourra se faire sa propre opinion de cette accumulation de petites choses qui me laissent, quant à moi, assez perplexe mais aussi vraiment dubitatif. Puis le court de mon voyage va reprendre son cours normal.

La fin de la journée sera intéressante. Après avoir écrit un peu, je vais me promener dans le village. Au niveau d’une cour énorme d’école sans enclos, je vais pouvoir admirer des jeunes travailler les mathématiques, sur des tableaux fixés à l’extérieur. Des enfants essaient de faire tomber des mangues mûres, à l’aide d’autres mangues, vertes, celles-ci, ou de cailloux. C’est un vrai sport. Pour vous donner une idée, les manguiers peuvent être aussi imposants que nos chênes  à notre latitude. C’est le début de la saison et les premières mangues mûres sont celles qui ont été le plus exposées au soleil, donc celles qui se trouvent en hauteur. Nous allons essayer plusieurs minutes sans succès d’en faire tomber. Les enfants seront très sympas. Ils vont m’offrir deux mangues mûres qu’ils avaient déjà récoltées. Je me rends sur le marché, je vais discuter avec des burkinabais, d’autres vont essayer de me vendre des produits dont je n’ai pas vraiment l’utilité, comme des pots d’un kilogramme de beurre de karité. Je ne resterais pas trop longtemps puis reviens vers la maison en continuant de faire des découvertes intéressantes. Seddiki m’a dit qu’ils iraient jouer au football avec les jeunes du village, à la fin de son service à 17h30. Il n’est pas rentré d’un travail avec Zida. Je vais donc tenter ma chance seul. Je suis très bien accueilli. Pendant une heure, je vais pouvoir me défouler, me faire du bien physiquement et jouer à au sport d’équipe le plus populaire au monde.

Le voyage ne me met pas forcément dans une position aisée pour pratiquer du sport, par manque de temps, d’infrastructures, de personnes avec qui partager cette passion, ou simplement par ce que j’en ressens pas le besoin. J’aime courir seul et c’est un des sports qui me défoule le plus, je devrais donc pouvoir le faire souvent. Pourtant je ne mets pas dans les dispositions de régulièrement pratiquer cette activité, pris par de nombreuses autres sollicitations que je me crée. Comme je me le dis souvent après un tel moment, je vais essayer d’augmenter la fréquence de ces pratiques sportives. Mais je ne suis pas sûr que cela soit le cas dans la réalité. Heureusement le bien-être du au voyage me permet de ne pas avoir besoin de faire du sport comme si c’était une nécessité pour mon psychisme. Et puis la marche est un des meilleurs sports, j’en fais beaucoup. Mais cela ne me suffit pas. En tout cas, ce lundi soir, je passe un agréable moment et je pense le renouveler dès le lendemain.
La journée suivante, je ne vais faire aucune activité spéciale. Je vais me promener un peu dans la ville, recoudre des vêtements, regarder un film. Avant midi, je vais faire la connaissance d’Issa. Il est arrivé au service juste avant et vient de rentrer à la maison avec Zida. Il a un grand sourire. C’est un plaisir de pouvoir établir ce lien en étant dans ce pays. L’envie de prendre une photo ensemble, et la faire parvenir à Yves et Sylvie, est grande. Nous le faisons. Pour l’occasion Issa tient à revêtir son uniforme. C’est toujours un plaisir de pouvoir rencontrer des amis d’amis, surtout quand vous avez déjà entendu parler d’eux. Nous aurons du temps pour échanger sur le séjour avec Yves et Sylvie, sa reconversion dans l’environnement, ces envies pour le futur, la vision de son pays. Nous allons surtout beaucoup rire et nous amuser lors de cette rencontre.

Des fermiers auxquels ils sont allés rendre visite leur ont généreusement donnés des mangues et des papayes. Nous nous régalerons le midi et le soir. Je ne sais pas combien je pourrais en manger avant d’en faire une overdose, mais la quantité serait grande. Elles sont tellement meilleurs quand elles sont cueillis prête à manger sur l’arbre, plutôt que d’y être récoltés vertes, passer le temps de transport à mûrir, ou pourrir loin de ces racines qui peuvent les nourrir et leur permettre de donner le meilleur goût. Je ne peux pas m’empêcher de penser à certaines personnes avec qui j’en ai dégusté de délicieuse durant mon voyage. Ce fut le cas avec Marion au Vietnam et au Cambodge, directement en mangeant le fuit, en jus de fruits frais, en smoothies.

Je n’ai jamais aussi bien mangé qu’ici depuis le début de mon séjour. Peu de choses font une grande différence. C’est le cas des amuse-gueules de la veille, du fait que les féculents soient toujours accompagnés d’un petit bout de poissons ou de viandes, et la petite touche sucrée en dessert me plait beaucoup.

En revanche d’autres choses me plaisent un peu moins. Je n’en crois pas mes yeux quand je vois un fonctionnaire du département de l’environnement jeter son sachet plastique par terre alors qu’ils ont créés une fosse à ordure à moins de 50 mètres de là! Je vais voir à plusieurs reprises les différents collègues du service faire des gestes impardonnables pour des défenseurs de l’environnement. Là, il ne s’agit pas d’une faute de moyens. Le mimétisme et le fait que certains gestes soient ancrés dans les mentalités seront durs à changer. Je pensais que le simple fait d’éduquer par quelques phrases peut tout changer. Je dois malheureusement être loin du compte. Cela prendra peut-être plus qu’une ou deux générations pour résoudre ce fléau. En effet, le problème n’est pas que visuel. C’est une pollution pour les sols, les cours d’eau, beaucoup d’animaux des cheptels meurent asphyxier par ingurgitation. De plus, même si le tri est fait pour les déchets récoltés, il n’y a aucun moyen pour le recyclage. Comme partout dans le pays, les déchets vont être brûlés, dans la déchetterie. Les seuls avantages sont donc de ne polluer le sol que d’un lieu précis et d’éduquer les générations pour un futur que j’espère meilleur. Certaines associations locales ont déjà trouvées des façons de recycler ces plastiques pour en faire d’autres objets utiles. Ceux sont de petits gestes comme ceux-ci qui permettront de faire changer les mentalités et peut être, à terme, de pouvoir recycler l’ensemble des plastiques. De plus cela crée des emplois, ce qui est un point très positif  dans ce pays où il n’y a pas de travail pour tous, où l’activité industrielle est très timide, et l’activité professionnelle pas souvent valorisée…  Nous nous plaignons de nos fonctionnaires en France mais ils sont plutôt efficace comparé à ici. Ils prennent le service à 7h30, mais avant 8h00 ils sont déjà en pause pour le petit-déjeuner. Ensuite s’ils n’ont pas d’obligations, ils s’assoient à l’extérieur et discutent. La pause du midi dure de 12h00 à 15h00. Et à 15h00, par exemple, nous sommes encore tous à discuter dans la maison de Zida. Karine fait son linge. Ils partiront finalement qu’une heure plus tard. Comment les projets de Zida peuvent-ils alors voir le jour? L’avancement n’ait pas d’actualité et je ne pense pas que ce soit qu’un problème de moyen. Cela ne change rien aux bons moments passés ensemble,  à leur accueil chaleureux mais je constate des différences indéniables dans nos façons de penser, de faire et d’agir.

Je n’aime pas généraliser, mais cela me permet d’évoquer avec vous les discussions que nous avons depuis la veille avec Seddiki. Ils généralisent beaucoup. Il met tous les blancs dans le même panier disant que nous les empêchons de se développer, notamment en contrôlant leur monnaie, le Franc CFA. Selon lui, cette monnaie commune a beaucoup de pays de l’Afrique de l’ouest, serait produite en France. Nous pouvons donc selon lui contrôler l’ouverture et la fermeture des robinets financiers, et donc de façon sous-entendue, contrôler leurs pays. Seddiki tourne cela sous le ton de la rigolade. Mais, comme généralement, le fait de faire de l’humour n’empêche pas, bien au contraire, qu’il y est une vraie pensée, que l’on veut faire entendre et, qui se cache derrière le fait de faire rire.

« Je vais te taquiner jusqu’au bout» comme il aimera me le dire. Nous allons échanger pendant des heures sur la géopolitique, principalement celle entre l’Europe et l’Afrique. Nous allons nous remémorer l’histoire, les liens entre les deux continents, la traite négrière, le pillage des ressources principalement lors de la colonisation, mais toujours d’actualité,  l’influence encore très grande des puissances européennes sur la politique africaine, sur le fait de créer et défaire des gouvernements pour servir les intérêts de telle ou telle puissance. Ils ne sont pas forcément optimistes et ils voient beaucoup de point d’ombres au tableau du développement de leur pays. Cette façon de penser à des fondements et je ne peux pas tout contredire. Mais nous allons aussi parler de tous les points positifs. Nous allons évoquer les actions menées par certains pays pour aider leur pays. J’aimerais sa dernière phrase pour clore le sujet: «Les français seront toujours nos amis, les amis de l’Afrique. Ils seront toujours les bienvenus sur nos terres!» Les provocations ont créées l’échange. Nous savons aussi pourquoi nous aurons beaucoup rigolés et plaisantés pendant ce lapse de temps.

Ces discussions ont été fraternelles mais elles montrent tout de même le malaise qui peut avoir vis-à-vis des anciens colonisateurs. L’histoire peut à chaque instant nous rattraper et je peux comprendre que certaines personnes auraient parfois envie de se révolter. La frustration de ne pas pouvoir se développer comme ils le souhaiteraient est grande. Ils ne veulent plus être des assistés mais obtenir une totale indépendance leur permettant de tirer le pays vers le haut.


Je serais bien resté plus longtemps dans ce petit village où j’ai été accueilli de la plus belle des manières. Mais le voyage implique de continuer son chemin, à un moment ou un autre pour continuer de découvrir les merveilles du monde qui m’entoure. Dans ce cas, j’aurais pu retarder mon départ de quelques jours mais un événement, que je ne peux pas rater, m’attend dans quelques jours, à Bobo-Dioulasso.

Je reprends le taxi-brousse. On m’avait dit d’être en avance dans le lieu, d’où ils partent. J’y suis à 7h30 pour 8h00, pour être sûr d’avoir de la place. Nous ne partirons finalement qu’à 8h30 passé. Beaucoup de sièges resteront vides. Le trajet va très bien se passer et une heure après nous sommes déjà à Banfora où je m’arrête pour quelques jours. 

Je continue de voyager chez des locaux. C’est Thossé Soma qui m’accueille. Première fois que je suis chez une personne vivant seul dans un studio, dans une cour partagée avec plusieurs autres familles. Je ne lui demanderais pas d’explications mais je comprends que sa vie de famille n’a pas été simple. Après avoir commencé le soudage chez un patron en 2002, il a créé sa propre petite entreprise de soudure avec deux autres amis. Il arrive à tirer son épingle du jeu malgré la rude compétition. Chez lui, c’est plutôt bien aménagé.  Il a un petit salon avec canapé et télévision, et une chambre. Il possède pas mal de meubles comparé à ce que j’avais pu voir auparavant. Néanmoins nous sommes loin des standards européens. Comme chez toutes les autres personnes, ils n’ont pas de commode ou d’armoire pour ranger leurs affaires et ils les entassent sur des sièges ou par terre.  Le béton est brut de décoffrage même à l’intérieur et rarement recouvert d’un crépi. Les tôles inox du toit sont directement apparentes, il en va de même de tous les câbles électriques, qui n’ont pas été cachés dans les murs. Les habitations restent donc très ternes, sans superflu ou décoration.
Le matin, il doit se réveiller à 5h30. Dans la cour qu’il partage avec les autres familles, une cérémonie se prépare pour célébrer les ancêtres décédés. Cette dernière commence par le sacrifice d’animaux. Deux moutons et 4 poules sont saignés. Une famille est en suite en charge de la préparation du repas. Thossé est en charge de la cuisson des pieds et des têtes qui serviront ensuite pour la préparation de soupes pour les prochains repas. Comme dans les autres pays en voie de développement, ils mangent vraiment tout ce qui est mangeable sur un animal abattu. En milieu de matinée, après que plus d’une cinquantaine de personnes, d’hommes, se soient réunis, ils commencent les prières. La cérémonie va durer plus d’une heure. Les femmes se retrouvent aussi à part, mais je ne sais pas comment elles vivront le moment. Ensuite, des offrandes ont lieux. Un repas est partagé. Les individus forment des groupes. Nous mangeons dans un même plat avec la main droite. La nourriture est brulante mais cela n’empêche pas chacun de se servir. Je connaîtrais quelques difficultés, ne réussissant parfois pas à résister à la douleur sur ma main. Avec mes compagnons de tablée, nous en rions.

Après avoir finis le repas, rangés la cour, nous allons visiter les alentours de la ville. Nous sommes encore à Banfora quand nous nous retrouvons aux abords d’un accident qui vient d’avoir lieu. Au début, je vois seulement un camion, au milieu de la chaussée, qui n’a pas l’air touché par un quelconque problème mécanique. Comme je l’avais vu quelques jours auparavant la benne d’un vieux camion tout rouillé, ne s’est pas détachée de sa base pour déverser sur le côté tous les produits transportés. C’est un camion de la marque d’eau minérale de la région! Après avoir obtenu l’autorisation des personnes faisant la circulation, nous passons sur le bas-côté de la route. Nous faisons alors face à un spectacle d’horreur. Derrière ce véhicule, à terre, gît un vélo mais surtout un homme. Il est recouvert d’un tissu tâché de sang. Ce sang se mélange aussi à la terre ocre de cette route de la ville. La personne vient de mourir après avoir été renversée et, sûrement, écrasée par ce camion. C’est la disposition des véhicules impliqués qui me laisse croire à un tel déroulement. Je suis consterné. Je viens, pour la première fois de ma vie, de voir le corps gisant d’une victime de la route. Je sais que cela est encore trop fréquent ici, ou dans beaucoup de pays que j’ai visité. De nombreuses personne ne respectent pas le code de la route. Même les chiffres, en France, sont trop élevés. Mais je n’ai jamais assisté à une telle tragédie. Le fait d’avoir un visuel, en direct, de la scène, amplifie forcément l’émotion. Je vais y repenser de nombreuses fois pendant la journée, souhaitant la paix à son âme, en espérant qu’il ne laisse pas une famille dans la peine et la difficulté derrière lui. Une fois de plus, la vie doit reprendre ces droits. Le seul moyen de rendre hommage à cet inconnu, pour moi, sera de vivre pleinement la chance de construire mes projets, d’avoir une vie heureuse avec la santé.

J’aime sortir des villes grouillantes de monde et d’activités pour me retrouver en campagne, entouré par la nature qui est ici un peu plus généreuse que dans d’autres régions du pays. Une pluviométrie plus grande, et un accès permanent à l’eau, grâce à la rivière qui traverse ces plaines, permettent d’avoir plus de verdure et envisager de grandes exploitations agricoles, avec des plantes plus consommatrice en cet élément indispensable à la vie. Ils cultivent par exemple le riz dans des rizières, ou la canne à sucre sur des centaines d’hectares.

Nous traversons aussi de nombreux petits villages à l’authenticité et au charme indéniable. Nous nous arrêtons au niveau d’une hutte, en bord de chemin. Thossé me fait goûter une boisson locale; le Bandgy. Elle est extraite d’une sorte de palmiers qui est omniprésent dans les alentours. Elle peut se boire fraîche pour le petit-déjeuner. Ils la laissent aussi fermentée dans des bouteilles en verre, au soleil, pour donner une boisson plus ou moins alcoolisée.

Nous reprenons la route, pendant les 45 minutes de conduite, nous traversons des paysages changeants. Puis, nous allons nous rapprocher d’un ensemble valloné. Au niveau de ce dernier, des formes géologiques très particulières se détachent. Nous sommes arrivés aux dômes de Fabedougou. Les conditions climatiques et surtout les propriétés de la roche font que ces dernières forment des sortes de pyramides avec de nombreux paliers. Il est alors facile de les escalader  pour avoir une vue imprenable sur ces dernières et sur la région environnante. Nous sommes seuls dans ces lieux. Thossé ne montra qu’au premier point de vue au niveau duquel il a l’habitude de se rendre quand il vient ici. Il va ensuite aller se reposer à l’ombre de ces roches pendant que je vais continuer l’exploration et atteindre le point culminant des dômes. Le spectacle proposé m’enchante. Des rapaces, dont des aigles, sont les maîtres des lieux et ils jouent avec les courants d’air chaud ascendant. Je ne suis pas leur égal, ne pouvant pas voler comme je le veux. Mais le fait d’avoir pris de l’altitude et d’avoir une vision, en hauteur, à 360° sur la région, pourrait presque créer l’illusion.
Reprenant le scooter, nous retournons quelques kilomètres en arrière avant de bifurquer sur la droite. Nous arrivons aux Cascades de Karfiguela. A l’entrée, 3 minibus bondés avec plus de 30 jeunes, rien que sur le toit, attendent de rentrer. Aujourd’hui, ce lieu ne sera sûrement pas un havre de paix. C’est le début des vacances. Ces jeunes viennent de villages voisins pour profiter de l’eau. Beaucoup n’ont jamais eu la chance de voir de tels lieux et de se baigner dans des rivières. Les regarder profiter de ces cascades sera un vrai spectacle en soit. Les plus téméraires jouent avec de petits rapides, s’arrosent, sautent de rocher en rocher. Les autres se prennent en photo, profite de la fraîcheur de l’eau, avec l’avantage que partout, même les plus petits ont pieds. Heureusement, je vais aussi avoir la possibilité de trouver un endroit, seul, au calme. En effet les cascades s’étirent sur plusieurs centaines de mètres. Ils sont tous agglutiner au même endroit. Je vais m’y baigner et me faire masser par une petite cascade, dimensionnellement parlant, mais qui possède un débit assez fort pour qu’il soit nécessaire que je m’accroche à la roche, de chaque côté, pour résister à la pression de cette dernière. Nous allons passer toute l’après-midi sur place. Plusieurs personnes vont venir me demander d’être prise en photo avec eux. Je vais aussi faire la connaissance de 3 personnes très sympathiques. Il s’agit d’une Franco-burkinabaise, habitant en France depuis 15 ans, de sa cousine et d’un ami. Ils m’inviteront à boire un verre. Nous échangerons beaucoup à l’ombre des magnifiques arbres qui bordent la rivière.

Avec Thossé, à l’entrée du site, nous avons achetés des mangues mûres à souhait. La saison ayant bien commencée, il y en a à profusion dans la région. Nous les obtenons pour un prix dérisoire, que dis-je risible! Nous en avons 3 pour 25 francs CFA, soit moins de 4 centimes d’euros. Ah bon, vous ne trouvez pas ce genre de produits, à ce prix, en Europe, vous m’étonnez? C’est ce genre de petits détails qui ne me font pas regretter tous nos bons produits du terroir français pendant quelques temps. Ces mangues ont directement mûris sur l’arbre et viennent d’être récoltées. Je déguste donc certaines des meilleures que je n’ai jamais pu manger. Elles sont sucrées, juteuses, avec un goût incomparable. La chance de pouvoir déguster de nouveau de tels fruits me rappelle encore  et encore de très bons souvenirs de voyage. Je vais profiter de ce fruit de nombreuses fois, lors des jours à venir.

En fin d’après-midi, nous reprenons le chemin de la ville et de Banfora. Thossé doit se rendre à son atelier de soudure pour avancer le travail sur une commande en urgence. Les soudeurs sont une confrérie importante dans le monde du sous-marin et ceux sont les premiers sollicités quand une commande d’un navire se produit. Je connais donc les façons de travailler, les règles de protections et de sécurité de ce corps de métier. Thossé travaille aux antipodes des standards européens de sécurité dans le domaine. Il est en manche courte, sans protections, sans masque de soudure avec de simples lunettes de soleil. Je lui fais par de la chose surtout pour lui qui rêverais de pouvoir faire une formation en France. Au vu des moyens qu’il dispose dans son atelier, 2 tréteaux ; un système de serrage, un verre à souder peu sophistiqué, quelques outils pour taper le fer et d’autres pour faire les mesures, il est aisé de comprendre qu’ils n’ont pas les moyens de ce payer de tels dispositifs. Ils mettent donc quotidiennement leur vie en danger. Le risque de se créer de fortes brûlures est omniprésent. Ainsi va la vie en Afrique diront certains! J’ai envie de croire que les choses évolueront dans ce pays.

D’ailleurs pendant ce temps, je vais avoir des discussions poussées et fortes avec deux professeurs, venus s’assoir et boire pour boire le thé avec nous. La situation du Burkina sera au cœur de nos débats sociaux-économiques. Nous l’évoquons comme une zone d’émergence, qui n’a pas vraiment besoin des aides des occidentaux, même si ces dernières ont grandement aidées les populations les plus défavorisées ou vivant dans les conditions les plus précaires, entre autre en raison de leur environnement. S’il existe des aides ou des projets, ces derniers doivent être suivis par des personnes compétentes qui les répartiront avec équité, s’assurant que la majorité des fonds soient reversées à la population. Ils affirment que le Burkina Faso aurait plutôt besoin d’investissements pour développer l’économie, produire des emplois stables. Ils ne veulent plus être contrôlés et soumis aux multinationales occidentales mais ils désirent que la population ait un accès à la formation, un accès à l’éducation dans des conditions adéquates. Le manque de moyen est indéniable. Dans une classe primaire, il peut y avoir jusqu’à 100 élèves pour un professeur. La loi pour limiter les effectifs à 70 élèves par classe n’a même pas été adoptée. Comment est-il alors possible pour le professeur d’assurer qu’individuellement chaque élève est intégré les données du cours? Comment peuvent-ils tenir la main de chaque élève quand ils commencent leurs premières lignes d’écriture? La mission qui leur a été confié ne peut pas être un succès dans ces conditions. Ensuite les fonctionnaires sont payés une misère. En moyenne le salaire est de 100 000 FCFA par mois, soit un peu plus de 150 euros (le salaire minimum, si l’on voulait assimiler leur système au système français, est de 35 000 FCFA, soit un peu plus de 50 euros). La démotivation dans les rangs de ces enseignants peut très vite se faire sentir. En viendront-ils, comme au Bénin actuellement, à se lancer dans une grève de longue haleine pour essayer de faire valoir leurs droits?

Nous évoquons aussi la dite «démocratie» dans laquelle ils évoluent. Le président Compaoré est au pouvoir depuis 27 ans. Après avoir pris le pouvoir avec le chef révolutionnaire, Thomas Sankara, il a fait assassiner ce dernier, 4 ans plus tard, prenant alors les reines du pouvoir. Il a fait réviser la constitution pour pouvoir se représenter et se donner accès à des nouveaux mandats (dans la constitution actuelle, le mandat présidentiel est de 5 ans renouvelable 1 fois, mais trouvera-t-il un subterfuge pour se représenter et être de nouveau élu en 2015?) Il a réussi à se faire réélire en «toute légalité» grâce à la population moyenne, illettrée, à laquelle il a offert un peu d’argent et quelques habits avant le scrutin. Ces deux professeurs parlent d’une possible rébellion s’il n’existe pas de grands changements dans les années à venir. L’un d’eux serait plutôt pacifiste, l’autre serait prêt à prendre les armes, prétextant que le peuple doit peut-être souffrir pour faire avancer les choses dans ce pays. Je ne peux que soutenir les idées du premier, même s’il est intéressant de pouvoir échanger sur les raisons de cette autre possibilité.  Nous ne finirons pas ces discussions car d’autres impératifs les attendent… Ce n’est que partie remise, ou peut-être pas, car je pars le lendemain.

Je vais passer la soirée, autour d’un thé chez Mohammed.  Il s’agit de thé noir de chine. Ils ont, dans le pays, une façon très particulière et longue de le préparer. Mohammed fait tout d’abord chauffer l’eau avec les feuilles de thé. Puis il va le verser avec la plus grande amplitude et hauteur possible, dans un verre, plus d’une trentaine de fois, après l’avoir fait bouillir. Le but est de pouvoir l’aérer. Il va ensuite le transvaser dans une autre petite théière, le faire de nouveau chauffer en rajoutant le sucre. Il recommence finalement sa gestuelle, toujours avec l’idée d’aérer le thé et de faire de la mousse.  Après plus de 20 minutes de préparation, nous le partageons dans le même verre. La quantité est minime pour chacun mais le résultat intéressant.

Thossé m’a demandé de lui laisser la soirée pour essayer de conclure avec une charmante conquête. Je n’y vois aucun inconvénient. Malheureusement pour lui, cela ne se déroulera pas exactement comme il l’avait imaginé. De mon côté, je suis avec Mohammed. Je vais faire la rencontre de Mickael. C’est un personnage très excentrique,  un vrai acteur, une personnalité unique qui devrait faire du théâtre. Il exagère la moindre de ces paroles, les accompagne de gestuel équivoque.  Je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer une telle personnalité. Il est obnubilé par « l’Amour sexuel» comme il le dit. Il aimerait vivre constamment  dans cet acte. Il ne parle que de cela et ira très loin dans ces propos. Nous allons enchainer les rires et les fous-rires. J’ai vraiment l’impression d’assister à un «one man show» privé. Mais Mohammed me dira qu’il s’agit de son état le plus naturel.

Voilà déjà le temps de retourner vers Bobo-Dioulasso. Nous sommes le vendredi 21 Mars. Demain commence un événement culturel exceptionnel. J’arrive à 18h00 passé après que le bus est pris un peu de retard. Nematou a tenu à venir me chercher à la gare routière. C’est vraiment agréable de pouvoir la retrouver après avoir échangé par message et téléphone au cours de la semaine passée loin de Bobo. Elle me dépose chez Bikontine mais elle ne pourra pas rester car sa maman a besoin du scooter qu’elle lui prête pour se déplacer, pour aller à l’école. Koulcha, un ami de Bikontine, qui devait originalement venir me chercher va me rejoindre à l’appartement de ce dernier pour que nous allions voir ensemble un spectacle dans un cabaret, le Samanké. 

La soirée se passe très bien. Nous nous sommes installés au premier rang, en plein milieu, alors que des places étaient libres. Nous avons une vue imprenable sur les artistes, puis le public qui viendra danser sur la scène. Je vais, bien entendu, me joindre à leur côté et profiter de la musique rythmée. 

La rencontre avec  Bikontine approche finalement. En effet, j’aurais dû loger chez lui dès mon premier séjour sur place, mais il était en déplacement pour un festival de comptes et marionnettes. C’est lui qui m’avait donc mis en contact avec Moussa. Aujourd’hui, un travail dans des petits villages l’attendait. C’est pour cela qu’il n’avait pas pu venir me chercher. Il fait son apparition un peu après 22h30 au cabaret. Je vais tout de suite comprendre qu’il s’agit d’une personnalité sortant de l’ordinaire. Il porte un béret, semble décontracté mais, dès les premières secondes, je vais aussi constater qu’il a un caractère bien trempé, une personnalité unique.

Il est minuit passé quand nous rentrerons finalement dans sa maison de l’arrondissement 24. Les deux pièces sont grandes, la maison assez bien construite. Mais il est important de savoir qu’il ne possède ni l’eau courante, ni l’électricité.  Voici le standard de la majorité des burkinabés, de la majorité des personnes vivant sur le continent africain.
Au réveil, ce 22 Mars 2013, je m’apprête à prendre part à un événement biennal exceptionnel. Je n’avais pas connaissance de ce dernier avant que Moussa m’en parle au début de mon séjour à Bobo-Dioulasso. Mais le hasard du calendrier me permet d’assister à la S.N.C., ou Semaine Nationale de la Culture, qui en est à sa 17ième édition. Des festivités, des concours dans de nombreux domaines de l’art (Musiques et Danses traditionnelles, orchestre musical, chorégraphie artistique, orchestre populaire, activités littéraires, sports traditionnels, arts culinaires et de la table, foire commerciale, marché des arts…) vont me permettre de découvrir un condensé de la culture traditionnelle et forte du pays. Cette culture est encore bien présente au sein des différentes ethnies. Ce n’est pas un événement folklorique pour se rappeler d’un temps révolu. J’aurais aimé découvrir toutes ces manifestations culturelles dans les petits villages, lors des cérémonies importantes qui ponctuent la vie de chacun (naissance, mariage, saison de la récolte et des pluies, décès, souvenirs aux ancêtres). Mais pour admirer toutes ces traditions, il m’aurait fallu des mois en étant seul, ou être au bon endroit au bon moment ce qui n’est parfois pas possible de prévoir, ou enfin voyagé avec des guides, des 4x4, ce que je ne souhaite pas faire. En résumé, j’ai donc une chance inouïe d’être présent à Bobo-Dioulasso pour suivre ces festivités tout en vivant avec des locaux.

Cet événement affiche le slogan suivant: «Promouvoir l’économie de la Culture pour une contribution au développement durable»! Parler en premier lieu d’un aspect économique pour une telle manifestation me semble un peu mal placé même si l’argent est le «nerf de la guerre» dans tous les domaines de nos sociétés actuelles. Nous allons aussi plaisanter avec Bikontine concernant le terme de «développement durable». Ce terme apparaît dans beaucoup de dénomination d’organismes gouvernementales, d’activités du peuple. Que le pays cherche à se développer, c’est une chose et je leur souhaite qu’il le fasse pour améliorer les conditions de vie de la majorité de la population et non d’une minorité. Nous conviendrons aussi avec Bikontine que le terme durable ne se marie pas bien avec celui de développement. Se développer implique de toujours avancer, se remettre en cause. Ceci ne peut pas être une donnée figée et acquise. «Les pays développés» occidentaux se remettent en cause en permanence pour tenter de garder une longueur d’avance. Dans un domaine que je connais bien, la veille technologique permet de ne pas se retrouver distancé par des compagnies qui auraient eues une ou des idées révolutionnaires changeant la donne sur un marché donné. Ceux ne sont que des mots et heureusement, ils ne seront pas le reflet de la réalité du terrain lors de ces festivités.

Moussa m’avait précisé qu’un événement à ne pas manquer était le premier samedi de cette semaine avec un carnaval suivi d’une cérémonie officielle d’ouverture. Sur le programme officiel, publié quelques jours auparavant sur internet, le défilé devait commencer à 9h00. Bikontine a encore une journée de travail a effectuer. Mais il ne commence pas avant 10h30. Il va venir avec moi en ville avant de partir travailler.

A cet instant, «un ascenseur émotionnel» fort, comme j’aime le dénommer, va se créer. Je vais passer par différentes émotions qui vont, hors de mon plein grès, augmenter exponentiellement mes ressentis.  Je suis vraiment excité d’assister à ce carnaval, consistant à un défilé dans les rues de la ville, sous le rythme des djembés, Balafon et autres instruments traditionnels. Cette procession permet aux masques de Dozos, spécialités de la région, d’être les animateurs des événements importants de la vie comme ils le sont habituellement. Mais à 9h00, il n’y a aucune activité aux différents points névralgiques de la ville. Pas de signe de carnaval, de défilés. Seules quelques personnes finissent d’installer des podiums et le système de sono pour les artistes qui effectueront leurs représentations dans les jours à venir. Aucune personne n’est capable de nous renseigner, de nous dire si le défilé se passe dans un autre lieu, si les protagonistes sont en retard, s’il y a eu un changement de programme. Nous allons tourner à gauche et à droite. Nous avons fait le tour de la ville, passer devant le siège  de cette manifestation, et finir au stade omnisports. Il faut se rendre à l’évidence. Rien n’est en cour!  La logique voudrait que ce carnaval finisse sur le grand boulevard reliant le siège de la SNC et le stade. C’était le cas les éditions précédentes. Cependant, je n’aime pas ne pas savoir. Cela serait une frustration de passer à côté d’un tel événement alors que je suis présent dans la ville, le jour J. Bikontine va se démener pour que nous mettions toutes les chances de notre côté. Nous refaisons un tour devant la mairie. Toujours rien ne s’y déroule. C’est en repartant vers le stade, pour qu’il m’y laisse que nous allons tomber nez-à-nez avec un minibus conduisant les masques Dozos dans un endroit donné. Bikontine les prend en chasse-poursuite. Nous refaisons demi-tour et retournons en sens-inverse. Le mini bus s’immobilisera devant un centre culturel réservé aux masques, non loin de l’endroit où nous nous trouvions quelques minutes auparavant. Il n’est même pas encore 10h30, mes émotions repassent dans le vert avec un positivisme tout retrouvé.

Bikontine doit me laisser pour partir travailler. A partir de cet instant, je vais obtenir les informations que je désirais. Le carnaval ne se déroule pas le matin mais en milieu d’après-midi, juste avant la cérémonie dans le stade. Une fois les éléments mis bouts-à-bouts, cela me semble logique. Je vais avoir confirmation de cette modification d’horaire, sur un panneau installé devant l’entrée de la mairie. Le temps va être long, seul, dans les rues de Bobo avant l’heure du défilé. Je vais donc me poser à une terrasse, lire, regarder les «animations permanentes» proposé par le burkinabé dans ces travaux quotidiens. Je déambulerais aussi dans les rues pour tomber sur de petits bijoux visuellement passionnants pour une personne européenne dont les normes sont très différentes des standards, même urbains, de ce pays.

A 14h30, je me rends en direction de la place d’où doit partir le défilé. Le moral sera définitivement au beau fixe quand je vais commencer à découvrir les premières personnes, en habits traditionnels, convergeant vers le même point. Je ne suis pas au bout de mes surprises. Attendant au niveau du rond-point, une personne au visage familier va venir me trouver. Je prends quelques secondes pour me remettre les idées en place. Il s’agit d’un ami de Moussa, «un frère», Siddhi, qui m’avait interpellé à la sortie de la visite de la veille ville quelques jours auparavant. Je ne vais pas immédiatement saisir ce qu’il me propose. Il joue des percussions avec un groupe de plus de 20 musiciens de la ville. Ils seront sur une plateforme de camion, «un char», qui fera l’ouverture du défilé dans les artères principales de la ville. Il me demande si je veux monter avec eux pour être en première loge de la parade et avoir un point de vue imprenable sur le défilé derrière nous et sur les spectateurs qui se sont regroupés le long de la route.

Après être montés, sur le char, nous allons, pendant plus d’une heure et demie, arpenter les rues de la ville au son des instruments de percussions. Je ne me sens pas forcément à l’aise, et pas vraiment à ma place, à côté de ces musiciens. Mais aussi bien les spectateurs que les acteurs de ce carnaval vont très vite me mettre à l’aise. Je danse et joue avec les musiciens et quelques autres personnes montées avec nous sur la plateforme, je salue les personnes qui me saluent, redonne un sourire à celles qui m’en esquissent un en me voyant. Je passe donc un bon moment. Je vais passer pour la première fois de cette semaine à la télévision sur la chaîne de la R.T.B. (Radio et Télévision du Burkina), diffusée partout dans le pays, et grâce au satellite sur tout le continent. Nous passons finalement sur le boulevard où j’attendais impatiemment le passage du carnaval. Je ne peux pas maintenant être plus au cœur de l’événement. Après que nous soyons arrivés à la porte du stade, je pense alors rejoindre les gradins pour assister en tant que spectateur à la cérémonie. Cette dernière commence par le défilé des régions. Siddhi me dit de les suivre. Je me retrouve donc à faire le tour de piste devant tous les officiels, avec eux. Je ne vous cache pas que je ne me sens alors définitivement plus à ma place. Mais je vais faire fît de cette situation. Peu importe, si je suis le seul blanc à défilé, à repasser à la télévision, ou à ne pas vraiment rentrer dans le cadre. Je vais profiter avec mes compagnons de l’ambiance survoltée. Une fois le tour terminée, je décide de rejoindre la piste, en bas de la tribune officielle pour voir les autres régions défilés. Je vais donc encore une fois avoir une place de choix pour assister à la totalité de la cérémonie. Les discours des personnalités seront intéressants. L’ouverture officielle de la semaine au tamtam est vraiment solennelle. Mais c’est surtout la chorégraphie, réunissant plus de 500 danseurs et figurants, qui va retenir mon intention. La mise en scène est splendide et le rendu visuel époustouflant. Il s’agit d’une prestation de grande ampleur digne d’une grande cérémonie. Le feu d’artifice, quant à lui, en clôture du spectacle, sera insignifiant pour un standard européen tel que je le connais. Mais c’est intéressant de voir les spectateurs être enchantés par le moindre feu qui explose. Dès qu’un d’eux va un peu plus haut, ou qu’il est un peu plus puissant que les autres, tous les gradins s’émerveillent en criant leur surprise et leur joie. En parlant, d’européen, et contrairement à ce que m’avait dit Moussa, «les blancs» sont très peu nombreux et ils n’ont pas envahis la ville pour cet événement. Il est vrai que je n’en ai jamais vu autant. Mais en même temps ce n’est pas trop difficile car j’ai souvent été le seul. Peu importe, les relations avec mes frères burkinabais sont toujours aussi bonnes et je ne suis pas venu pour rencontrer des français.



Nematou était présente à la cérémonie. Je la rejoins à la sortie. Elle me propose de me ramener chez mon hôte. En même temps, Siddhi m’appelle et me propose de sortir pour voit des concerts sur les «plateaux Off». Ceux sont les scènes de spectacle, en extérieur, réparties dans la ville, avec accès libre, dont les musiciens ou artistes ne participent pas au concours de la S.N.C. Ces personnes profitent de l’engouement autour de cet événement pour promouvoir leurs talents et essayer de toucher un public le plus vaste possible. Nematou ne peut pas se joindre à nous, toujours en raison de problème de locomotion dans la soirée. Je file donc avec Siddhi. Nous allons rejoindre ces amis et partir voir les spectacles. Un de ces amis me parle d’une association qu’il a créée avec Siddhi, du fait qu’il pourrait m’emmener voir des événements traditionnels directement dans un ou plusieurs villages. Il évoque aussi le fait de «ne jamais faire quelque chose pour rien». Je vais très vite comprendre que ces personnes veulent me pousser, avec tacts, vers des choses que je ne cautionne pas.   

Le sujet va tourner dans un domaine plus obscur. Il me demande si j’ai envie de m’amuser ce soir. Il peut facilement me trouver une belle fille «pas chère», avec qui je pourrais m’amuser dans un «hôtel de passe pas cher».  Je lui réponds alors que «je ne suis pas intéressé par ce genre d’activités. Ce n’est pas ce que je recherche dans la relation avec l’autre, même du sexe opposé. J’ai des principes que j’aimerais ne jamais bafouer». Il se reprend alors en me disant qu’il voulait me tester et qu’il pourra me mettre en relation avec une fille bien sous tous rapports le lendemain. La discussion va tourner court. Je ne me sens plus en confiance que cela avec de telles personnes et je n’ai pas vraiment envie de pousser plus loin. Surtout que les sollicitations sont multiples en ce moment. Toutes les personnes, que j’ai rencontré, aimeraient passer un moment avec moi. C’est le cas par exemple des deux cousines que j’ai rencontré aux cascades à Banfora qui m’invitent à les rejoindre pour sortir en discothèque. J’aurais pu avoir plus de 5 soirées différentes, en ce jour. 

Je choisis finalement la solution la plus simple et saine. Je vais aller retrouver Bikontine qui arrivera quelques minutes plus tard. Nous rentrons ensemble chez lui. Après avoir un peu discuté, nous nous couchons.
Bikontine a encore pas mal de chose à gérer en cette journée. Nematou vient me rejoindre chez lui. Un lien intéressant se crée petit à petit, devenant de plus en plus fort. Dans mes écrits de voyage, j’ai toujours été le plus sincère, collant le plus fidèlement possible à la réalité vécue. J’ai néanmoins souvent omis, restant pudique sur ce sujet, des relations plus ou moins éphémères que j’ai pu avoir avec des femmes lors de mes voyages.  Ce n’est pas étonnant vu que je m’étends rarement sur le sujet même lors de discussions avec des amis. Je veux vous parler de ces relations charnelles désirées par les 2 êtres pour une soirée ou plusieurs jours, avec des voyageuses ou des femmes locales. Pourtant, les expériences ont été multiples, plus ou moins intéressantes, plus ou moins fortes. Il y a toujours, de mon côté au moins, une attirance, un minimum de séduction et de temps passé à découvrir quelques atomes crochus, de les cerner, avant d’envisager de passer à l’acte, d’aller plus loin, si les circonstances et l’envie de l’autre se confirmaient. Dans ce domaine, j’ai toujours eu des principes forts et une ligne de conduite que j’ai suivie. Quel que soit la durée, j’ai respecté la personne qui se trouvait en face. J’ai toujours essayé de donner plus que je ne demandais de recevoir. Je suis un être humain et le besoin de la chair est quelque chose de tout à fait normal. Ayant choisi d’être célibataire pour mener cette expérience, cela me permet aussi de pouvoir librement envisager d’avoir une relation, autre qu’amicale, avec une femme. Le fait de passer du bon temps ne veut pas dire négliger sa santé et sa protection. J’ai eu la chance d’avoir reçu une éducation aussi dans ce domaine. J’applique certaines recommandations à la lettre pour ne pas commettre l’irréparable.

Il y a une raison si la relation, que je crée avec Nematou, me donne envie d’évoquer avec vous cet aspect de ma vie pour lequel je suis normalement assez réservé, assez timide. La rencontre avec cette femme s’est faite par l’intermédiaire d’un ami commun. Il a un peu forcé les choses. J’aurais détesté cela en temps normal mais cela va aller bien plus loin que ça simple intervention première. Certains atomes crochus sont apparus rapidement. Mon départ pour Sindou et Banfora, a permis, malgré l’éloignement physique de nous rapprocher un peu plus par rapport à ce que nous avions pu construire les quelques jours auparavant. Nos différences cultures sont flagrantes. Nous n’allons pas forcément savoir comment interpréter certaines réactions de l’autre mais un dialogue sain va nous permettre de nous débarrasser de certains doutes. C’est une personne simple, qui est actuellement tourné vers les études, veut devenir indépendante et réussir sa vie. Elle aime les choses saines et simples. Elle prend soin de soi et de son corps. Elle aime plaire et être à l’aise. C’est une femme sérieuse qui n’a eu que 2 relations qui ont durées. Elle est très timide. Elle est peu entreprenante dans la conversation. Elle a beaucoup de mal à me regarder dans les yeux. Nous ne l’avions pas mutuellement envisagé mais notre relation va, petit-à-petit, prendre une ampleur importante. Nous nous attachons rapidement l’un à l’autre. Pourtant certaines choses me font dire de mon côté que cela ne pourrait pas durer et que je ne pourrais rien envisager à long terme avec elle.

Après avoir passé du temps à deux, chez Bikontine, nous nous rendons à la foire commerciale et au siège de la S.N.C. Il s’agit d’une exposition de vente des produits d’artisanat, d’industrie, de pharmacopée traditionnelle, de tenues vestimentaires. C’est en fait en grand marché mélangeant produits locaux et produits modernes. Comme d’habitude, je pensais ne rien acheter faire un petit tour, rentrer dans les boutiques «pour le plaisir des yeux», et repartir comme j’étais venu. Rentrant dans l’une d’entre elles, vendant des objets d’artisanat, je vais craquer sur deux masques. Le vendeur fera tout ce qu’il faut pour que je reparte avec. Après avoir négocié de très bon prix, je me laisse tenter et me retrouve avec un poids supplémentaire à porter. Je vais y remédier le plus vite possible. 

J’offrirais, par pur plaisir, un petit cadeau à Nematou. Le sac-à-main lui plait beaucoup. J’ai rarement fait du shopping avec une femme, ce n’est pas mon activité préférée mais c’est agréable de flâner, de faire plaisir et de se faire plaisir. Nous mangerons dans un stand un riz en sauce, boirons un verre. C’est vraiment un jour de fête, pour moi voyageur! C’est agréable de le partager.  

Nous filons ensuite près de la mairie pour assister à l’ouverture officielle du marché des communautés. Il s’agit du regroupement des différentes ethnies majoritaires du pays qui présente leurs spécificités, leur culture et coutumes. Plusieurs stands sont aussi occupés par les pays limitrophes qui présentent leur identité. 

Nematou a une obligation. Elle doit me laisser pour rejoindre sa maman. Je vais donc profiter seul des bons moments qui s’annoncent dans ce village monté de toutes pièces. Le maire de la ville viendra, dans l’après-midi, couper la corde, proclamant l’ouverture officielle. Une fois la cérémonie passée, les officiels font le tour des stands entraînant des dons de spécialités, un échange cordial des vœux, une danse en leur honneur. L’agitation va ensuite retomber. Je vais en profiter pour passer du temps devant les stands qui ont attirés mon attention. Je rencontre les chasseurs Lobi. Prenant quelques clichés, le chef va me prendre à partie. Non, cela ne le dérange pas du tout. Au contraire cela va permettre d’établir un lien et de lancer la discussion. Il me demandera finalement que l’on reste en contact. Il sera la personne qui demandera à ce que nous prenions une photo ensemble. Je vais ensuite discuter avec un français, installé au Burkina Faso depuis 15 ans. Il travaille avec les Peuls. Son but est de leur donner accès à la modernisation, à l’optimisation de leur richesse, à l’alphabétisation, sans perdre leurs coutumes ancestrales et leur mode de vie. Ceux sont des nomades qui se déplacent tout au long de l’année pour assurer la survie de leur cheptel. Pour se faire, selon les saisons et les besoins, ce peuple peut parcourir des centaines de kilomètres, traverser des frontières. Maintenant la transhumance à l’étranger est régie par des lois spéciales. La plupart n’ont eu accès à aucune éducation. Les enfants se rendent de plus en plus dans les centres d’alphabétisation. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de l’expérimenté, mais presque 70% de la population peut encore être considérée comme analphabète. Ces personnes ont conservé leurs coutumes ancestrales, les traditions sont omniprésentes. Pourtant le début de la sédentarisation, la comparaison avec les autres poussent les jeunes à s’uniformiser, à porter les vêtements apportés par l’occident. Il a peur que les traditions se perdent et que très vite ces dernières ne soient plus que du folklore qui subsisterait lors d’événements exceptionnels. Il est encore possible de découvrir le mode de vie de plusieurs générations de Burkinabés seulement en se rendant dans des villages et en assistant à la vie quotidienne de ces habitants. Mais pour combien de temps encore?

Je ne serais vous donner une réponse. Mes connaissances sur le sujet étant vraiment limitées. En attendant je vais profiter de ces dernières avec les représentants de différents pays ou ethnies. Je vais danser avec des ivoiriens, goûter le plat des béninois, admirer les jeunes filles vierges de la région de Sya (ancien nom de la ville de Bobo-Dioulasso) effectuer une danse traditionnelle, prendre plaisir à écouter un groupe de musique traditionnelle, discuter avec des femmes, dont une espagnole, qui travaillent pour une association visant à l’émancipation et l’indépendance des femmes, à l’aide des «filles-mères»… Les échanges sont passionnants. 

Je vais ensuite me rendre dans un kiosque que j’ai déjà fréquenté pour boire un sachet d’eau et discuter avec le propriétaire. Une fois finie, je marche jusqu’à la maison de la culture où se déroule la première soirée de compétition. J’arrive sur place à 19h30, alors que l’événement doit, sur le papier, commencer à 20h00. J’attendrais finalement plus d’1h30 avant que le lancement de la soirée soit donné. Nous nous retrouvons dans une très grande salle moderne qui a été finie de construire voilà 2 ans. J’ai l’impression d’assisté à un vrai anachronisme entre ce modernisme et le défilé des groupes jouant avec des instruments ancestraux, produits avec des produits naturels à l’état brut, dans des vêtements traditionnels. Je vais donc faire abstraction de l’environnement pour me concentrer sur le spectacle proposé. Je suis particulièrement enchanté par les danses et musiques instrumentales traditionnelles. Je me sens emporté dans d’autres lieux, pris par l’euphorie que créent ces groupes. Même dans le public l’ambiance est survoltée, les applaudissements augmentent au mérite. Je vais avoir des échanges intéressants avec mes voisins. Je me trouve dans les premiers rangs, au abord de la scène, derrières les officiels. Je vais passer plusieurs fois à la télévision burkinabaise lors des événements auxquels je vais assister avec Bikontine ou Nematou.  Je ne vais pas voir passer les 3h00 de spectacle et l’envie de revenir les soirs suivants est donc grande. A la sortie, je retrouve Bikontine, qui avait voulu voir un spectacle sur un plateau Off mais il n’est pas très satisfait du résultat. 
Les jours suivant vont plus ou moins se ressembler. Nous prenons le matin un petit-déjeuner avec Bikontine. Nous allons faire les quelques courses, voir certains de ces amis, faire quelques achats. Le 24 Mars par exemple, je vais retourner à la foire commerciale pour compléter des achats et des souvenirs. J’ai en effet obtenu l’ensemble des informations pour un envoi en France. Il est plus intéressant d’accumuler plusieurs objets. Le prix est le même, jusqu’à 5 objets, pour obtenir l’authentification et le droit à l’exportation par les services d’état. Le prix est dégressif au-dessus d’un kilogramme concernant le poids et l’envoi par la Sonapost.  J’aurais alors tort de me priver pour une fois que je fais ce genre de dépenses. Il s’agit d’objets en bois que j’expédierais par la poste le lendemain. Je serais vraiment ravi de savoir, par l’intermédiaire de mes parents, qu’ils sont bien arrivés à destination.  Cela fera de très beaux souvenirs quand je penserais à m’installer. Je n’aurais jamais pu penser comme cela voici quelques mois! Serais-je déjà vers la fin de ce projet? Ce n’est pas prévu pour les prochains mois, mais cela matérialise un vrai changement concernant la vision du voyage.










Dans la journée, je vais assister à des représentations culturelles, tels que de la lutte ou tir à l’arc traditionnel, la compétition des enfants ou leur initiation à l’art. Je vais toujours avoir un moment dans la journée que je passerais avec Nematou. Cela tombe bien, elle a du temps libre car ceux sont les vacances dans son école d’économie et d’assurances. Nous allons participer à la S.N.C. ensemble, prendre le temps de discuter, aller manger une glace dans une pâtisserie.
En soirée elle ne peut pas être à mes côtés. Il s’agit en fait d’obligations de sa maman avec le scooter. La ville est grande et se déplacer sans moyen de locomotion un peu compliqué. Elle m’a très vite exposé son problème et le fait qu’elle aimerait trouver les finances pour s’en payer un, car ces parents ne sont pas capables de le financer. Elle m’a très vite demandé si je pouvais envisager de l’aider. Cette demande très rapide et inhabituelle aurait pu mettre des freins définitifs au développement de notre relation. Je ne veux pas que l’intérêt financier intervienne dans ce type de relation. Seuls les sentiments et l’envie de partager doivent être présents. L e blanc passe déjà souvent pour un porte-monnaie vivant car considéré comme possédant beaucoup de biens. J’ai donc été très vite sur mes gardes.

Des discussions dissiperont très vite tous malentendus. C’est un problème qui l’obnubile en ce moment. Elle en parle donc à toutes les personnes qui l’entourent pour trouver une solution, ne pas garder pour elle un frein à sa liberté qui l’obsède. Moussa me confirmera ces dires. Ma réponse négative pour l’aider ne changera rien à son envie de passer du temps avec moi, notre relation n’en pâtira pas.

Je lui ai fait comprendre que je n’ai pas les moyens financiers actuellement de l’aider. J’ai un projet personnel à mener, je n’ai pas de revenus. De plus, si j’avais les moyens, dans ce pays, je dépenserais de telles sommes pour d’autres causes, pour essayer d’aider des personnes ayant des besoins vitaux et non des problèmes du monde moderne. D’ailleurs, je compte bien donner de ma personne dans les mois à venir pour physiquement aider les populations. J’ai un projet d’aide dans une pouponnière et orphelinat de Lomé au Togo. J’ai déjà et je vais financièrement aider certains. J’ai donné une somme d’argent à une association locale. J’ai payé un repas à des enfants de la rue.  Nous ne verrions jamais cela en France, tous les enfants sont admis dans des centres d’accueil. Mais, ici, les structures sont inexistantes. Ils sont trop nombreux. Ils déambulent donc dans la ville, quémandent en se promenant avec des boites de conserve en guise de gamelle pour obtenir un peu de nourriture, une pièce.

Sans transition, ce thème touche les artistes car beaucoup en parleront dans leurs textes et deux chorégraphes ont mis en scène leur vie. Je profite pendant 5 jours de toute cette effervescence. Je multiplie les sorties et enchainent les spectacles. Pourtant je dois réfléchir à la suite. Certains impératifs se sont installés dans mon planning dont la venue d’Antho au Bénin. Je ne peux pas stagner, il faut que je rentre à Ouagadougou pour faire mon visa de l’Entente, qui me donnera le droit d’entrée au Togo, Bénin, et même Côte d’ivoire et Niger, si je le désire. Je ne vais donc pas attendre la fin de la manifestation et réserver mon billet de bus. Je n’ai jamais menti à Nematou. J’ai toujours été honnête en lui disant que je continuerais mon chemin et que certaines obligations m’attendent. Elle ne s’attendait simplement pas à ce que cela arrive aussi vite.

Je vais la voir après avoir réservé mon trajet. Je sens tout de suite une grosse tristesse. Malgré la carapace que je me suis créé depuis plusieurs années, le fait que je n’envisage pas de créer une relation de longue durée avec elle, la proche séparation m’affecte fortement. Je déteste voir les personnes malheureuses surtout par ma faute. Je n’ai pas joué avec elle. Ça a été la même situation pour toutes les relations de ces dernières années, plus ou moins longues, plus ou moins sérieuses. Je suis toujours celui qui part, celui qui prend la décision! Je n’ai jamais laissé d’autres alternatives à la femme qui venait de partager du temps avec moi. Elle n’y était souvent pour rien.

Je sais pourquoi je ne veux pas encore revivre cette situation. Je sais pourquoi j’aimerais trouver une personne avec qui je pourrais partager ma vie, construire, et faire tout ce qui est en mon pouvoir pour ne passer que des moments de bonheur.  Je n’étais pas prêt auparavant, pour diverses raisons telles que ce Vol Libre autour du monde. Je pense que la donne a changé, que la rencontre et des sentiments associés pourraient faire naître d’autres projets, déjà bien présents dans mon esprit, laisser libre cours à d’autres aventures humaines.

Mais à Bobo-Dioulasso, en cette fin de mois de Mars, une personne est inconsolable. Bizarrement l’échange sur le sujet rendra Nematou beaucoup plus bavarde que ce que je n’ai pu la connaître auparavant. Ceux yeux vont beaucoup s’exprimer. Les larmes emplissent déjà les globes oculaires. Je vais lui prendre la main, la prendre dans mes bras, lui masser la nuque. Mais ces gestes d’attention n’auront pas les effets réconfortants attendus. Cette tendresse augmente encore de la tristesse de cette dernière qui n’a jamais été habituée à de telles intentions d’un homme. Les larmes coulent maintenant sur son visage et viennent s’écraser sur cette terre ocre chaude de fin d’après-midi d’une Afrique, où la vie n’est pas toujours facile.

J’aurais pu envisager de changer mes plans, de penser à créer un autre avenir que celui que je me suis tracé, celui que j’ai imaginé jusqu’à l’heure actuelle. Mais même si je ressens quelque chose pour Nematou, mes sentiments ne sont pas assez puissants. Beaucoup de paramètres me font dire que je ne pourrais jamais être heureux à moins de totalement changer de personnalité. Ceci n’est pas du domaine du possible. Je sais trop bien ce que je veux. Je ne tire pas un trait sur cette histoire, passant sans sourciller à un autre chapitre de ce voyage. J’ai simplement fait un nouveau choix, en mon âme et conscience. Je sais que je ne le regretterais jamais non plus, il n’y a aucun doute sur le sujet. Non je ne suis pas une bête insensible, je suis plutôt un être censé lors de cette décision.
Je vais passer la dernière soirée avec Bikontine et Jacqueline, une de ces amis comédiens. Nous nous rendons au spectacle à la maison de la culture. Encore une fois les représentations sont intéressantes. Elles mettent en valeur la culture du pays et l’ensemble de ces traditions qui régissent encore beaucoup de villages. Ceux ne sont pas des artistes professionnels qui jouent devant nous. Mais ils sont nés et ont vécus avec ces coutumes. Ils ont pratiqué régulièrement ces chants et danses. Ils sont donc ancrés dans leur être. L’intensité, avec laquelle ils se produisent, parle pour eux. Il suffit simplement de regarder  les expressions de leurs visages, de voir la puissance de la voix qu’ils peuvent déployer, ou la vitesse d’exécution de leur jeu de jambes. Ils vivent leur représentation avec force, quel que soit l’âge du participant. 

J’ai eu une chance inouïe de participer à cet événement. Je ne reste pas sur place jusqu’à la clôture. Mais je vais pouvoir suivre cela d’un peu plus loin avec un autre œil, comme la majorité des burkinabais, à la télévision. Lors de cette dernière soirée, nous allons veiller très tard. Après avoir raccompagnés Jacqueline, nous allons manger un petit bout dans une gargote. Une fois encore, je vais goûter à la culture du pays. Je vais pour la première fois ne pas adhérer. Il s’agit d’une soupe avec de gros morceaux de viandes. Plus exactement, il s’agit de la partie de la mâchoire du bœuf. Ce n’est que du gras, ou des morceaux très plastiques. Je n’aime pas la texture, le goût, la sensation. Première expérience du voyage où je dois me forcer avant d’abandonner. Pourtant, j’en ai goûté des choses étranges qui changeaient de la nourriture ordinaire d’un européen. Mais, à minuit passé, en cette dernière matinée à Bobo-Dioulasso, je dois renoncer à finir mon assiette. Nous allons passer ensuite plusieurs heures, chez Bikontine, à discuter de la situation du pays, des conditions de vie, des modifications dans le comportement du burkinabais avec une perte de cette solidarité légendaire du continent, de la nature de l’homme et de l’impact sur la société. Nous n’allons pas beaucoup dormir. 
Le réveil un peu difficile coïncide avec un départ compliqué, révèle un état d’esprit où une certaine mélancolie, voir tristesse, domine mes sentiments. Je garderais toujours de magnifiques souvenirs de cette ville qui m’a accueilli pendant 10 jours. Il n’y a peu de lieu lors de ce voyage, où j’ai passé autant de temps. A chaque fois le départ n’a pas été chose aisée, laissant derrière moi des souvenirs construits.

Lors du trajet en bus, la dame assise à mes côtés est très sympathique. Elle confirme, si besoin, l’accueil que les burkinabais réservent aux étrangers. Je retiendrais de ce trajet l’échange sympathique avec cette dame, le fait de pouvoir observer furtivement, le long de la route, de nombreux villages typiques avec leur toit de chaume, les murs en terre, leurs cases circulaires, les greniers, et les habitants qui s’activent pour aller puiser de l’eau au puits, entretenir leur jardin… Je vais aimer l’arrêt, dans la gare de Boromo, avec les villageois qui vendent aux passagers toutes sortes de denrées alimentaires et le fait que ça grouille de partout. Malheureusement un fois encore, je suis confronté à l’extrême pauvreté d’une grande part de la population, d’un état de santé de certains, dont des enfants, qui est inacceptable.

Comme je me le suis dit depuis mon adolescence, je ne peux pas éradiquer, à moi seul, tous les maux de ce monde. Je ne suis pas insensible non plus à la détresse de celui qui me fait face. Mais je ne dois pas me faire souffrir en vain, car je n’admets pas cette situation, et finalement rester impuissant. Je peux faire quelques gestes, actions qui compteront d’une manière ou d’une autre. Je dois surtout profiter de tout ce que la vie m’a offert, des possibilités que je dois saisir, être heureux, jouir de ma liberté, en faisant attention à celle de mon prochain.

Face à une telle réalité, il y a parfois de quoi être révolté, avoir envie de repartir les richesses plus justement. Mais qui serait prêt à cela. Moi-même, vu la société dans laquelle j’ai vécu, serais-je prêt à renoncer à tous mes privilèges? Je dois me rendre à l’évidence. La nature de l’homme, dans notre société actuelle, ne me permettra jamais d’arriver à un tel rêve…

Après mettre perdu dans mes pensées concernant ce sujet, je discute avec ma voisine de la pluie et du beau temps. D’ailleurs, elle me dit «qu’Il fait beau car il n’y a pas trop de soleil, que le temps est gris et que cela procure un peu de fraicheur»! Nous n’avons définitivement pas les mêmes standards. Vous vous imaginez dire cela en France? Toutes les burkinabais se plaignent de la chaleur insupportable en cette saison. Je suis plutôt agréablement surpris car elles ne dépassent pas 45°C. L’air est surtout très sec. Je suis, peut-être, un vrai caméléon concernant ces différents aspects de froid ou chaud. Seul une humidité importante me dérange vraiment.  J’ai vraiment l’impression d’avoir connu des conditions climatiques plus compliquées.

Quoi qu’il en soit, je suis de retour à Ouagadougou sous la grisaille. J’aurais aimé connaître des amis de Sylvie et Yves qui habitent la ville. Mais Désiré, l’homme de la maison, est souvent en déplacement. Il se trouve actuellement en Europe. Je ne vais donc pas déranger Nikiema, sa femme, avec ces enfants. Je retourne donc chez Rasmane qui m’accueille avec plaisir. A peine arrivée, le sac déposé dans la chambre qui m’a été alloué, nous allons pratiquer l’activité la plus importante pour moi dans ce pays. Nous nous installons sur des chaises et discutons avec certains de ces amis, de ces  connaissances, pendant des heures sur la vie de chacun, les difficultés rencontrés, leur mode de vie… Après une bonne douche au seau d’eau, je tombe rapidement de sommeil.

Le lendemain matin place à la priorité numéro un du séjour pour moi ici; l’obtention du visa de l’Entente, qui donne accès à la majorité des pays de la CEDEAO. Je peux visiter le Togo, le Bénin, Le Burkina Faso, le Niger et la Côte d’Ivoire. Ceux sont actuellement pour les deux premiers pays cités, que ce visa m’intéresse aujourd’hui. Je n’ai aucun problème administratif à faire la demande pour cet aspect administratif, et politique en quelque sorte. Rasmane m’emmènera seulement refaire des photos d’identité pour que j’en aie deux identiques à leur fournir. Si je n’avais pas fait ce dernier lors de mon premier séjour dans la capitale c’est parce qu’il n’est valable que deux mois.  Il faut attendre 72h00 ouvrées pour venir le rechercher dans les mêmes locaux. Cette obligation pour la suite de mon voyage n’est pas une déconvenue ou quelque chose de désagréable. Je suis revenu pour faire ces papiers, il faut être honnête mais cela va largement dépasser ce simple cadre. Je suis ravi de revenir ici à Ouagadougou, dans ce quartier où je commence à connaître du monde, où Rasmane et sa famille sont des hôtes très agréables, sympathique et faisant dans la simplicité.

J’avais pris mes marques et je les retrouve instantanément. Comme je vous l’ai déjà évoqué, la grande ville n’est pas très loin, avec tout ce que cela implique. Il y a de grands bâtiments, des personnes riches avec de très belles voitures, de nombreux restaurants. Ne vous imaginez tout de même pas dans Paris ou New-York car le standard, même des quartiers les plus luxueux, est très loin de ce que nous connaissons. Même dans le centre-ville, de nombreuses rues sont en terre, ou au moins les trottoirs, les petits échoppes délabrés sont présentes, des endroits sont laissés à l’abandon. Mais si on prend une portion de quartier, comme celui où je me trouve, à l’extérieur du cœur de la ville et plutôt dans la seconde périphérie, on pourrait se croire dans un petit village. Les maisons sont en terre. Les familles vivent dans des cours commune où plusieurs habitations ont été créées. Les stands dans les rues sont faits avec de la chaume et 4 bouts de bois. Au mieux une structure métallique vient compléter le tout pour permettre au commerçant de ne pas avoir à ranger tout son matériel dans sa maison à chaque fin de service.

Je vais avoir du temps pour discuter, pour rencontrer les personnes, me rendre au marché pour faire mes achats de fruits et légumes. Certains enfants que j’avais vus 2 semaines auparavant viennent me serrer la main. D’autres que je rencontre, m’appelle «le blanc » ou «Nassara». Certains veulent bien me serrer la main mais sont assez peureux. Ils suivent juste le mouvement des autres enfants qui sont avec eux. Ils me tendent les bouts des doigts pour être le plus loin possible. Je ne peux pas les approcher plus. Puis le temps va passer, nous nous voyons et revoyons. Je passe du temps, parfois seulement quelques secondes, à jouer avec eux. Ils vont alors devenir plus entreprenants. Ils me touchent d’abord les jambes, les pieds, puis la tête, la barbe. Cela les intrigue car ils n’ont jamais touché un blanc auparavant. Ils aiment beaucoup jouer avec les poils comme ceux des jambes par exemple. Après deux ou trois rencontres je peux les approcher de plus près. Bientôt, ils me voient arriver de très loin. Ils accourent et ils se jettent dans mes bras, me sautent au cou. Ceux sont souvent les enfants les plus craintifs qui sont maintenant les plus expressifs. Comment ne voulez-vous pas être touché par cette spontanéité, ces sourires? Revivre ce que j’avais vécu à mon arrivée est extraordinaire.
Les adultes sont, en grande majorité, très  souriants, contents de m’accueillir. Certains sont surpris et garde un visage fermé. Mais, si j’entreprends un échange avec eux ou certaines personnes proches, elles se dérident souvent. Par exemple, au niveau d’un kiosque, 2 jours auparavant, j’avais salué une dame et discutait un peu avec elle. Les personnes présentes ont vraiment appréciées le geste. Quand je suis repassé, même si cette dame n’est pas là, ils m’interpellent pour que je discute un peu avec eux. Ils me proposent de boire avec eux le Dolo. La spontanéité des relations est extraordinaire.
Beaucoup de personnes disent que tout va mal. Je ne minimise pas leur problème même si je pense que dans cette grande ville, les personnes que je fréquente sont plutôt bien loties en comparaison avec la classe moyenne de ce pays. Ce que je veux dire c’est qu’ils ont accès aux besoins vitaux sans trop de difficulté: boire de l’eau saine, manger, avoir un toit pour dormir, souvent avec l’électricité, pouvoir s’habiller correctement. Même si ce n’est pas un gage de bien être ou de développement, ils ont tous des téléphones portables, des télévisions chez eux. Beaucoup peuvent se permettre le luxe de faire des folies comme dépenser plusieurs euros dans une soirée pour boire de la bière. Il faut être conscient d’une chose. Quand ils ont de l’argent, la majorité ne pense pas au lendemain, ils vont le dépenser même dans des choses futiles, en partageant très souvent avec leurs amis, la famille. Je répète un peu les mêmes idées que celles développés lors de mon premier séjour à Ouagadougou. Mais chaque instant vécu confirme ces dires.

Je peux comprendre leur désarroi, leur envie d’accéder à quelques choses de plus grands. Beaucoup n’ont pas la chance d’avoir fait des études. Il n’y a pas de travail pour tout le monde. Ce n’est pas toujours très drôle de passer son temps à attendre, ou de ne pas toujours avoir d’autres choix que de rester chez leurs parents, de ne pas pouvoir tous les jours assouvir même parfois des plaisirs simples. Il est évident aussi qu’ils n’ont, pour beaucoup, pas les moments de voyager, même dans leur propre pays, qu’ils sont cantonnés aux mêmes habitudes, aux mêmes personnes, aux mêmes lieux 365 jours dans l’année.

Ce que j’essaie de leur faire comprendre c’est que pour moi tout va bien par ce qu’ils sont là, par ce que nous vivons ensemble cette expérience humaine extraordinaire, faite de joie, de partage, de moments simples, où les discussions sont saines et sans tabous. Il faut tout de même que je réalise que je suis avec eux que pour quelques jours. Je n’éprouverais sûrement pas le même sentiment si cela faisait des années que ça durer, ou que j’étais né dans cette situation, que je ne pouvais guère espérer en sortir, alors que les médias me montrent un tout autre visage du monde extérieur.

En attendant, je profite un maximum de ces quelques jours sur place. Je m’installe dans une petite routine, ponctuée de quelques imprévus et originalités journalières, qui me convient parfaitement. Le temps passe plus vite que prévu à faire les simples activités du quotidien. Dans la journée, les températures montent rapidement en flèche pour atteindre des pics à plus de 45°C. Heureusement l’ai est sec, et il y a assez souvent une petite brise d’air pas trop chaud.. Dans ma chambre, même si je ne fais rien, la sueur dégouline partout sur mon corps, au point d’en être trempé. Il est préférable alors de rester dehors à l’ombre. Je vais manger de nombreuses fois avec différents membres de la famille, boire le café ou thé au petit kiosque du coin de la rue avec Rasmane, regarder le comportement et l’interaction entre Burkinabés, les voir chaque jour, se donner les bonnes combines pour les chevaux, jouer au PMU et espérer gagner une somme qui les font rêver. Je retourne chez Mahdi, le boutiquier, avec qui nous discutons toujours autant. Je vais aussi, sur le petit poste dans sa boutique, regarder de très intéressants documentaires sur le pays, ou certains reportages, qui parfois m’interpellent, me semblent si loin de la réalité du pays au quotidien, dans le mauvais sens malheureusement. Un ami à télécharger aussi pour lui une série télévisée dont je vais prendre un malin plaisir à regarder quelques épisodes avec lui. Le fait de se sédentariser pour quelques jours m’a donné envie de reprendre le sport. En fin de journée, vers 17h00, quand le soleil se rapproche dangereusement de l’horizon, que l’air chaud n’est plus asphyxiant, que la chaleur diminue grandement, je pouvais laisser mes affaires en sécurité, mettre mon short et mes baskets, et aller courir pendant 1h00. Je vais le faire 4 jours sur 5. Cela va créer des interactions brèves mais fortes avec autrui. Les personnes me reconnaitront ensuite, la journée suivante, et ils m’interpellent…

Ils m’ont vu la première quand je courrais. Un monsieur, qui avait acheté de la nourriture sur leur stand,  m’avait interpellé, m’offrant de partager son repas. Je le remerciais poliment, en lui disant que je n’avais pas faim et que je voulais finir de courir, puis aller prendre ma douche. 2 jours plus tard, je m’arrête en revenant d’un cyber-café devant la maison de cette famille… Il s’agit de la famille Sedoko, avec les grands-parents, leur 5 filles et 2 fils, et les petits-enfants au nombre de 6 pour l’instant. L’accueil est très chaleureux.  La grand-mère va m’offrir du Babenda. C’est un repas fait avec des feuilles d’oseilles, qu’elle sert avec une sauce à la tomate et du Tô. Un expatrié, maintenant nationalisé qui se trouvait dans le stand d’à côté, me propose de déguster quelques morceaux de porc. Nous buvons tous ensemble du Dolo. Ayant aimé le repas et leur compagnie,  j’y retourne dès le lendemain midi. . Deux des petites filles me sautent au cou à mon arrivée. Je joue beaucoup avec elles. Me sentant à l’aise et le plus naturel du monde avec les filles, nous allons beaucoup rigoler. Je vais me voir offrir plusieurs femmes, ou plutôt filles à marier, que je devrais refuser, sans négociations ou débats possibles, en raison de leur très jeunes âges. Tout cela se passant bien sûr sous le ton de la plaisanterie. Je passe un très bon moment avec la maman, et grand-mère, qui tient ce stand. Elle va m’apprendre de nombreuses choses sur les coutumes ancestrales du pays.  J’aime ce qu’ils préparent comme nourriture saine pour la santé. J’aime le fait qu’elles soient honnêtes avec moi. Je pensais que ce plat, qu’elle m’avait offert la veille, coûter environ le même prix qu’un riz en sauce soit 300 Francs CFA. Or elles le vendent seulement 100 Francs CFA, et elles me le diront sans hésiter. J’aime aussi passer du temps avec elles. Je me sens totalement intégrer. Des regards complices, des échanges dans la bonne humeur ne sont pas trompeurs. De plus, je ne peux pas les manquer car elles sont sur le chemin pour la ville, pour le cyber-café, pour diverses activités que je fais.

La dernière journée à Ouagadougou, au Burkina Faso,  sera de l’ordre du quasi-parfait. Les enfants me sautent dans les bras. Je rencontre des personnes, avec qui nous avons de superbes discussions, d’autres m’invitent à boire le Dolo. Lors de petits achats sur le marché, les vendeuses me donnent le sourire. Des personnes me saluent car elles me reconnaissent, car elles ont aimé le contact que nous avons eu auparavant. Je pense que je transpire la joie de vivre. Je pense que j’essaie de passer le plus de temps possible avec des personnes voulant partager ce bonheur de l’instant présent. Obligatoirement, cela se ressent et crée des moments plaisants à vivre. Je retourne voir la famille Sedoko, le midi pour manger un Badenga.  J’ai mes parents sur Skype alors que je ne les avais pas eus depuis mon arrivée au Burkina Faso (J’aimerais échanger plus souvent avec le reste de la famille et les amis, sur ce moyen moderne extraordinaire de communication où Il est possible de se parler, de se voir avec la webcam, tout cela gratuitement quand vous avez une bonne connexion internet. Mais faut-il encore que les personnes soient connectées à ce site). Ils ont toujours faits ce qu’il fallait pour que l’on puisse avoir la chance de passer un peu de temps ensemble sur internet, ceux sont les personnes, et de très loin, que j’ai le plus régulièrement sur la toile mondiale d’internet. Ils ont toujours fait  beaucoup pour moi et leur soutien est plus qu’indispensable.

Je pars ensuite courir pour la dernière fois dans cette ville. Je ne me serais jamais senti autant en jambe. Je courre plus d’une heure sans m’arrêter, avec une allure proche de ce que je suis habituellement capable de faire. J’ai tourné à plus de 15 km/h. Je ne suis pas encore à mon meilleur niveau. Cela me donne des ailes et le coucher de soleil y participera aussi. L’astre lumineux est jaune-orangé, bien rond, longtemps avoir d’avoir atteint l’horizon. Il y a sûrement une combinaison de plusieurs raisons pour expliquer ce phénomène. Un ciel un peu nuageux, de la chaleur, et une fine couche de pollution en sont sûrement les acteurs majeurs. Plusieurs personnes me saluent, me félicitent et m’encourage à persévérer. Une fois encore les  enfants m’appellent, essaient un peu de me suivre. Je salue encore et encore les gens que je croise sur mon chemin. Tous les contacts sont des plus agréables.  Cette dose d’endorphine accompagnée de la gentillesse des burkinabés sont primordiaux. Seul un petit garçon me demandant directement de l’argent dans la rue me fera un peu retomber les pieds sur terre. C’est bien dommage car je serais bien resté sur mon petit nuage de ces dernières 24h00, mais cela me permet de me rappeler où je suis et dans quelles conditions vivent certaines personnes  à quelques encablures de là, parfois seulement quelques dizaines de mètres.
Je ne peux pas et ne veux pas porter tout le malheur du monde sur mon dos. Le seul moyen de faire est de profiter de la chance que j’aie tout en faisant quelques gestes pour mon prochain. En attendant, je mange un très bon plat de lentilles avec la famille. Je regarde un match de football de la Champions League, je vais ensuite discuter un peu avec le boutiquier, avant une fin de soirée tranquille dans ma chambre après avoir salué Rasmane.
Le jeudi 3 mars, après que j’ai pu dire aux revoir à différentes personnes, nous nous rendons à la gare routière CTS. Voici venu le départ vers un nouveau pays. Comme j’ai pu souvent le ressentir et vous l’exprimer, c’est un peu dur de laisser des personnes auxquelles nous nous sommes accrochées. Mais d’un autre côté, la soif d’aventure, de découvertes est encore plus forte après avoir passés quelques jours dans le même lieu.

Dans le bus, il y a des militaires armés de fusils mitrailleurs. Je ne sais pas si cela doit être rassurant ou non. Une chose est sûre, ça fait tout drôle. Pourtant, le voyage est plaisant. Seule la chaleur, sans la climatisation, et la poussière ocre, rentrant par les fenêtres ouvertes, venant se coller sur ma peau et mes affaires moites, sont difficilement soutenables. Une vérité que l’on m’avait déjà indiquée se vérifie. Elle est horrible car consacre la loi du «plus fort» au dépend de la sécurité routière. Sur la route, «plus tu es gros, volumineux, imposant, plus tu as la priorité». Autrement dit, les voitures et camions klaxonnent sans cesse. Les piétons, vélos,  scooters doivent se ranger. Si deux véhicules se croisent en même, avec leur présence à ce niveau, ils doivent se mettre sur le bas-côté, s’ils ne veulent pas risquer leur vie. Heureusement, les mentalités sont bien ancrées telles quelles et la plupart des personnes se poussent rapidement pour fuir le danger.
Sinon, nous traversons des paysages désertiques. La terre ocre est prédominante, les seules herbes présentes sont brulées et jaunâtres. Seuls quelques arbres à feuilles procurent un peu de verdure à cet environnement impitoyable. Ce dernier est parsemé de villages aux constructions traditionnels, où le puits, forage humain, est un des lieux majeurs. Des fermiers conduisent leurs troupeaux de vaches, chèvres, ou brebis pour trouver un peu de nourriture. Des groupes de vautours guettent, se reposent à l’ombre, et boivent dans de petites mares. Les quelques oiseaux présents se réunissent autour des points d’eau rarissime de la région. La route est assez bonne. De nombreux véhicules au chargement assez atypique utilisent la route. Sur une moto, tu peux voir à l’arrière sur une barre, plusieurs dizaines de poules, entassés, qui dépassent de chaque côté. Sur un minibus, tu peux voir des dizaines de jerricanes à l’arrière et une vingtaine de brebis attachées sur le toit, les quatre fers en l’air.  Etant en première place, j’ai une sensation de vitesse indéniable. Pourtant, nous allons mettre de longues heures pour parcourir quelques centaines de kilomètres (je pense moins de 400 kilomètres en plus de 7h00. Départ de la gare routière à 12h00 et arrivée à la frontière à 19h00.). Les arrêts sont multiples et longs; pour se ravitailler, pour prendre quelques passagers, pour un contrôle de police et de douanes qui s’éternisent, où des papiers devront être effectués et réglés sur place. Finalement à quelques kilomètres de la frontière, les 3 militaires descendent. La nuit tombe, les postes frontières ne sont pas encore franchis, les kilomètres sont encore importants jusqu’à ma première escale au Togo. A quelle sauce, vais-je être mangé pendant la suite de ce périple?