mercredi 30 juillet 2014

Togo, Lomé, second séjour à la pouponnière

(Non, il n’y a pas eu de problème lors de la publication! C’est normal si aucune photo n’est publiée sur cette page de mon blog. Je n’ai pris aucun cliché lors de ces trois semaines à Lomé, dans l’orphelinat. Reportez-vous au précédent article sur le Togo, si vous voulez visuellement vous représenter la vie que j’ai pu mener lors de ce second séjour à la pouponnière Sainte Claire et dans ma famille d’accueil).



«Ça c’est Magnifique, panpanpan, panpanpan, ça c’est super!» est la phrase qui me revient en rengaine dans la tête alors que je fais le trajet de Cotonou à Lomé, avec Eddy. Ceux sont les enfants de l’orphelinat qui chantent cela régulièrement. Ils l’adaptent parfois à une personne en particulier! J’aurais le droit plusieurs fois pendant le séjour à «Ça c’est Magnifique, panpanpan, panpanpan, ça c’est Matteu!» (En effet mon prénom est rarement prononcé Matthieu, même par les adultes des pays étrangers, surtout quand il s’agit de pays anglophone. Mais cela n’a aucune importance à mes yeux! C’est l’intention qui compte. Quand certaines syllabes n’existent pas dans un pays c’est toujours compliqué de les prononcer dans un premier temps). Cela fait toujours chaud au cœur de vivre ces moments avec des êtres insouciants qui ne demandent qu’à recevoir de l’amour!

En attendant, je ne suis pas encore de retour à l’orphelinat. En ce mercredi 14 Mai 2014, nous sommes à la frontière avec Eddy, un de ces employés et le chauffeur. Pour des raisons différentes, avec Eddy, nous devons faire un nouveau visa à la frontière. Concernant Eddy, sa secrétaire n’a pas fait attention à la date de péremption de son précédent visa. Ce dernier vient d’expirer, il y a quelques jours. Pour ma part, le visa de l’entente qui me permet de circuler pendant 2 mois au Burkina Faso, Bénin, Togo, Niger et Côte d’Ivoire, ne me permet pas de rentrer une seconde fois dans un pays, après en être sortie. Il était valable encore une quinzaine de jours. Mais cela n’est pas perdu. Je vais donc pouvoir avoir plus de liberté concernant mes dates de ce deuxième séjour au Togo. Heureusement pour nous, il est assez aisé d’obtenir un visa d’une semaine à la frontière. Ce dernier est ensuite prolongeable, quasiment sans frais, pour un mois au total, dans des bureaux administratifs à Lomé. Le personnel  de la frontière est agréable et détendu. Cela se passe donc sans coup férir. Quelques minutes plus tard, après avoir présenté notre carnet de vaccination international, avec le tampon, à jour, concernant la fièvre jaune, nous pouvons reprendre notre route vers la capitale du Togo.

Moins d’une heure après la frontière, nous sommes déjà arrivés dans les rues de cette grande ville. Après avoir longé la mer, nous filons directement aux bureaux des visas pour le Togo afin de faire prolonger ce dernier sur notre passeport. Eddy s’arrange avec son employé, ancien policier, pour que les démarches ne prennent pas trop de temps. Après avoir fait faire des photos d’identité, dans la rue, devant la devanture d’un petit magasin, après avoir rempli un formulaire, nous laissons nos passeports dans les mains d’un fonctionnaire. Nous pourrons les récupérer dès le lendemain! Nous faisons ensuite quelques démarches professionnelles, dont Eddy voulait se débarrasser l’esprit rapidement. Puis nous gagnons notre hôtel. Il s’agit d’un hôtel très sympathique, avec vu sur la mer, à quelques encablures du port. Ce dernier est en hautes eaux et il connait une activité permanente, 24h00/24. L’endroit est sympathique. Mais en cette matinée, nous ne faisons qu’y déposer nos affaires. L’emploi du temps d’Eddy est assez chargé. Nous repartons donc en ville, nous passons à l’hôtel où ces employés dormiront. Le standing est très différent que l’hôtel où nous allons loger! Ils se trouvent dans le même quartier, où il a loué des locaux pour l’installation d’une nouvelle antenne de son entreprise en Afrique. Le prix des chambres a déjà été négocié. Son emplacement est très pratique pour le travail. Je pensais, dès cette première nuit, dormir dans la famille d’hôte. Mais Eddy est heureux de m’avoir à ces côtés. Je vais donc passer les prochaines 48h00 à ces côtés. Avec la simplicité qui le caractérise, cela ne lui pose aucun problème de partager son lit double à l’hôtel!

L’expérience que je vais vire, avec lui, est beaucoup proche du métier que j’ai déjà  exercé, et que j’aimerais exercer lors mon retour à la réalité du monde du travail. Il faudra juste que je trouve un poste où l’aspect humain et relationnel est mis en avant, où je n’aurais pas à revenir à un poste de bureau, assis 8h00, devant un ordinateur. J’espère retrouver un poste de responsable de projets, en gérant une équipe, dans un domaine qui me passionne. En effet, ma formation d’ingénieur et mes expériences professionnelles m’avaient permis d’atteindre des postes où je m’épanouissais (gestion de projet de la phase initiale à sa réalisation complète, management d’équipe, formation, relation clients)… Seul l’envie de voyage et de découvertes du monde m’en ont écarté. Des envies de se poser, de construire ma vie sont sérieusement dans mon esprit actuellement. J’espère simplement que je trouverais le bon compromis et les bonnes personnes, pour m’entourer, pour que je puisse créer des attaches fortes! Ces dernières me pousseront alors à continuer de construire par choix et envie.  Mais pour l’instant, il me reste encore quelques expériences et rêves que je veux réaliser sur les routes du monde, quelques pays où je veux bourlinguer avec mon sac-à-dos. Faire du volontariat était un souhait fort, je suis donc heureux de retrouver ces enfants à Lomé dans quelques jours!

Après avoir mangé dans un restaurant sympa de Lomé le midi, nous retournons dans ces futurs bureaux. Ils se trouvent dans un bâtiment flambant neuf. Seul une petite partie a déjà été investie par une autre entreprise. Tous les autres étages sont vides. Les bureaux se trouvent au dernier étage. Il aura aussi, un magasin au rez-de-chaussée, pour exposer du matériel, tel que des générateurs électriques et autres petites pièces, et y faire de la vente. Il a fait venir un aménageur d’intérieur. Eddy lui indique les travaux qu’il désire: installation de cloisons pour séparer les grandes pièces en différentes zones de travail. C’est le cas aussi bien pour les bureaux, que la zone de vente. Il lui fournit des spécifications précises de ces désirs. Il indique aussi comment il veut procéder à la destruction d’un mur dans la zone de vente pour obtenir un grand espace, à partir, aujourd’hui, de deux pièces distinctes. Il prend ensuite d’autres rendez-vous, par téléphone, avant que nous rendions, chez un de ces amis, qui a ouvert il y a quelques mois un karting en ville. Nous y passons la soirée. Il revoit un jeune homme, vivant ici depuis des années, dont il connait bien le père. Ce dernier possède un réseau important au Togo. Il est à la recherche d’un travail, pour se sortir de l’entreprise familiale pour laquelle il a travaillé depuis trop longtemps à son goût. Ils trouveront peut-être un terrain d’entente. Un rendez-vous est fixé pour un déjeuner d’affaire le lendemain.  Nous nous amusons sinon sur la piste de karting. Les engins sont très performants! Nous enchaînons les bières ou les verres de vin, accompagnés par un repas simple mais efficace : « croque-madame» avec frites… Je suis alors très loin de la réalité de la majorité de la population locale, que je vais retrouver dans quelques heures!

Après une bonne nuit à l’hôtel, et un petit-déjeuner copieux avec vu sur la mer, nous reprenons une journée rythmée par diverses obligations. Il y a des rendez-vous, le déjeuner d’affaire, la visite de magasins pour l’achat de mobilier de bureau. Nous nous rendons aussi dans les bureaux de l’administration pour récupérer nos passeports. Ces derniers ne sont pas encore prêts quand nous arrivons. Eddy va accélérer le processus en discutant avec la personne qu’il a soudoyé de quelques billets la veille. Malheureusement beaucoup de choses fonctionnent comme cela quand tu veux échapper aux lenteurs administratives, où à des complications avec les forces de l’ordre au barrage de police sur la route, par exemple. Je n’avais pas encore assisté à cela auparavant. Mais ça ne sera pas la dernière fois. Quoi qu’il en soit, maintenant, nos passeports sont en règle pour un séjour d’un mois. Nous allons ensuite inspecter un terrain, qui pourrait intéresser Eddy, assez rapidement, si les affaires fonctionnent, au Togo, comme il le prévoit.  La journée sera bien chargée! Après un nouveau tour au karting en début de soirée, Eddy m’invite dans un très bon restaurant tenu par un chef français. Les mets sont délicieux! Les produits sont de qualité et leur préparation très fine! C’est exquis! Cela faisait très longtemps que je n’avais pas mangé aussi bien! Surtout, que le midi, la cuisine était, peut-être un peu moins raffinée, mais ce fut un vrai régal aussi. Après un digestif, nous allons faire un tour dans un des bars animés, en semaine, les autres étant fermés, puis nous rentrons à l’hôtel!

Eddy a été d’une générosité sans borne. Il m’a permis de vivre, pendant quelques jours, sa vie d’expatrié en Afrique. Il est temps pour lui de reprendre la route vers Cotonou et le Bénin, car certaines grosses affaires et ventes l’attendent! Les marchés du BTP, des mines, de l’extraction de matières premières sont porteurs et juteux. Il ne faut cependant jamais relâcher les efforts, car la concurrence est rude aussi. Je veux garder contact avec Eddy et sa famille. J’espère sincèrement avoir la chance de les revoir, à mon retour, surtout que leur maison ne se trouve pas très loin d’où habitent mes parents… En attendant, avec son chauffeur, Eddy me dépose au rond-point Limousine, dans le quartier Avedji, avant de reprendre la route. Je suis de retour dans la famille de Ro, où je m’apprête à y passer encore quelques temps.

L’accueil est sympathique et chaleureux. J’offre des cadeaux aux filles de la grande sœur; Reine et Alice, ainsi qu’à Gloria, la cousine présente chez eux depuis de nombreux mois. J’ai le droit à de vrais remerciements. J’aurais tout de même l’impression que les cadeaux auraient dû être un dû pour les plus grands! En effet, ils me demandent ce que je leur ai ramené pour eux. Ro me disant que j’aurais pu leur ramener ceci ou cela, car c’est ce qu’ils peuvent recevoir normalement de personnes venant du Bénin. Il aurait fallu qu’il m’en parle avant que je parte. Je n’y ai pas du tout pensé et je n’aurais jamais eu l’idée moi-même! Mais personne ne m’en tient vraiment rigueur. Ceux sont justes des remarques, ou sous-entendus que j’ai clairement noté et qui m’ont fait réfléchir sur le sujet. Le week-end se passe en toute simplicité. Samedi matin, je pars courir, à 8h00, alors qu’il fait déjà plus de 35°C. La reprise n’est pas évidente sous cette chaleur. Et je comprends pourquoi j’aime courir, le matin, avant le lever du soleil et avant d’aller au travail. Cela me fera tout de même un bien fou.

Je retrouve aussi les coutumes locales et les plats traditionnels. Nous passons du temps à discuter sur le bord de la route, à faire quelques activités simples.  Nous mangeons du Yens, de la «pâte» (fait à base de farine de Mil) et du «Foufou» (fait à partir d’Igname écrasé et pétri avec de l’eau).  Le programme n’est pas surchargé. J’en profite alors pour mettre à jour certains dossiers sur mon ordinateur, pour faire des lessives, pour passer du temps avec tel ou tel membre de la famille, à jouer avec les petites…

Le lundi matin, 19 Mai 2014, arrive très vite. A 6h30, j’effectue le trajet en bus, avec la compagnie Sotral, en charge de ce service public. C’est le moment des retrouvailles avec  des habitués. Ils sont heureux de me revoir. Ils me demandent où j’ai été et ce que j’ai fait pendant tout ce temps. Je leur dis seulement avoir passé un bon moment au Bénin avec mon meilleur ami. Evidemment, je ne rentre pas dans les détails de nos péripéties car cela nécessiterais de longues heures… Puis il y a aussi pleins de questions concernant le carton que je transporte! En effet, des personnes du groupe paramoteur m’ont donnés des médicaments à distribuer. Anne m’a remise de nombreux crayons, feutres, peintures, pinceaux, papiers qu’elle avait en stock à sa crèche pour que je les remette à l’orphelinat.  Je leur explique donc simplement que ceux sont des dons pour les orphelins. Plusieurs personnes rétorquent alors: «Nous aussi nous sommes des orphelins, tu n’as pas quelques choses à nous donner?» Même si cela s’explique au vu de la situation de beaucoup, je n’aime pas les gens qui quémandent, même pour blaguer. Surtout que ces personnes, contrairement à beaucoup de leurs concitoyens, ne sont pas dans le besoin, en manque des éléments vitaux et nécessaires à la vie. La plupart vivent simplement, avec des ressources limitées. Mais ils ne sont vraiment pas à plaindre. Et même, si j’en avais l’opportunité et le choix, je ne voudrais pas faire de l’assistanat. J’ai toujours trouvé l’idée mauvaise de donner pour donner, au grès des rencontres, au hasard dans la rue, sans savoir ce qu’il en adviendra! Comme dans beaucoup d’endroits dans nos sociétés modernes, les personnes ne savent pas profiter de la chance qu’ils ont,  se rendre compte qu’ils ont l’essentiel, plutôt que de vouloir toujours plus, surtout matériellement parlant! Je suis conscient que c’est toujours plus facile à dire dans ma situation. En effet, je peux financièrement vivre dans un certain confort. J’ai les moyens de vivre sans compter, au jour le jour, pour mes besoins de premières nécessités! Je sais que le fait de vivre en Europe me permet d’avoir une liberté beaucoup plus grande, d’avoir une aisance incomparable avec une grande majorité d’entre-eux. Je voyage actuellement depuis longtemps, certes car j’ai fait des choix et j’ai travaillé, mais aussi parce que j’ai pu économiser des sommes non négligeables, chose impossible pour beaucoup ici. Mais encore une fois, toutes les personnes que j’ai croisées et qui se plaignaient d’avoir une vie dure, n’avaient aucun problème pour survivre et même pour vivre! Ils ont tous accès à des biens de consommation moderne tel que le téléphone portable (souvent 2 ou 3 par personnes en Afrique), la télévision, pour certains les scooters. Ceux sont des signes ostentatoires de richesses, souvent utiles dans nos sociétés, mais ils ne sont pas indispensables. De nombreuses personnes aussi se paient des bières ou autres biens de consommation, qui ne sont que des achats éphémères, non vitaux, ayant pour but de se faire plaisir. Je tenais à en parler car cela m’a marqué, cela m’a fait me poser des questions.

Cela me permet aussi, sans transition, de faire une remarque, qui n’est pas incompatible avec ce que je viens de dire mais qui est, d’une certaine façon, diamétralement opposé! En effet, depuis mon arrivée en Afrique de l’ouest, je suis très agréablement surpris par le rapport que je peux avoir avec une très grande majorité de locaux. Aussi bien au Burkina Faso, au Bénin qu’au Togo, contrairement à d’autres pays dans le monde, je n’ai que très rarement eu des personnes m’abordant en quémandant, ou m’accostant en parlant directement d’argent! Même, lors de discussions un peu plus importantes, le rapport à l’argent n’est pas abordé, ou pas dans la majorité des cas. Lors de rapports un peu plus long, ils se montrent généreux et offrent sans compter. Cela se confirmera lors de ce nouveau séjour au Togo, pour mon plus grand bonheur! J’aurais l’occasion de rediscuter d’aspects financiers avec les uns ou les autres, de ne pas toujours être d’accord sur leur rapport avec l’argent! Mais cela n’est pas à l’ordre du jour! Je suis arrivée, à l’arrêt «Protestants», où je descends pour rejoindre l’orphelinat Sainte Claire.

L’aspect vénal s’évapore instantanément lors des retrouvailles avec les enfants. Ils mettent quelques secondes à me reconnaître. En premier lieu, ils ne réagissent pas à mes «Bonjour les enfants». Certains visages sont circonspects. A moins de 4 ans, il leur faut un peu de temps pour réunir tous leurs souvenirs et faire le lien. Je n’avais passé que 3 semaines, avec eux, avant de partir, et voilà plus de 3 semaines que je suis parti! Or ils vivent principalement dans le moment présent. Ils voient aussi défiler régulièrement des stagiaires et volontaires. Puis les premiers vont m’appeler «Papa, papa». Finalement, ils se souviennent tous bien de moi. Très vite nous rétablissons des liens forts. Je constate que certains enfants ont beaucoup évolués en ce court laps de temps. 3 semaines, dans la vie d’enfants ayant parfois moins de 2 ans, font parfois une grande différence!

Je ris toujours de mes parents quand ils me parlent de leur petite-fille, quand ils me disent que chaque semaine elle change tellement et qu’elle grandie si vite. Ils me disent que quand ils ne voient pas Alice, pendant 15 jours, les changements sont flagrants. Je sais que c’est vrai, surtout dans les premiers mois de la vie d’en enfant. Mais c’est tellement facile de se moquer, ou plutôt de rire avec de parents et grands-parents totalement «gaga». Alice n’a qu’un peu plus de 9 mois. Je peux constater sur les photos qu’elle évolue tellement rapidement. En tout cas je crois comprendre qu’elle fait le bonheur de ma sœur et de Yann, ainsi que des grands-parents. Cela me rend heureux! Pour revenir aux enfants de l’orphelinat, Daniel, par exemple, est capable maintenant de parler, ou au moins de prononcer quelques mots audibles et compréhensibles. Jérôme semble plus épanoui. Ida, quant à elle, a grandie et elle mange maintenant seule. D’autres sont capables maintenant d’enlever leurs vêtements et d’en remettre des propres. Certains me semblent avoir un comportement un peu bizarre avec moi, comme pour me dire qu’ils ne sont pas comptant que je les ai abandonnés. Mais arrêtons la philosophie et l’étude comportementale de bas étages. Ces derniers étaient peut-être dans un mauvais jour… Je vais vivre le moment à fond. Ils ne sont plus 15 mais 14, car Benoit est retourné dans sa famille, pour vivre avec des oncles et tantes. C’est toujours une bonne nouvelle que des enfants puissent retourner auprès des siens.

Je retrouve très vite mes repères avec les enfants et le personnel de l’orphelinat. Au cours de ce second séjour, je serais toujours avec les «Grands», c’est-à-dire les enfants de plus d’un an, qui marche seul et vont preuves déjà d’un peu d’indépendance, jusqu’au plus grand âgé de 4 ans. Cela ne m’empêchera pas d’aller assez régulièrement voir les «Bébés 1» (nourrissons de quelques jours à quelques mois) et les «Bébés 2» (enfants entre la phase de marché à quatre pattes et le fait de marché seul et avec aisance).

Avec les plus grands, je reprends immédiatement toutes les activités que nous faisions ensemble, avant que je ne parte au Bénin. Je retrouve tous les moments de proximité avec les enfants, lors du changement vestimentaire, des repas et surtout des temps de jeux sous le préau, dans le bac à sable, lors de nos marches près de l’église, ou dans la salle pour leur éveil!

Je revois Sœur Aimée lors de cette première journée. Elle me donne de très bonnes nouvelles. J’avais en effet parlé de l’orphelinat, au Bénin, à plusieurs personnes, devant se rendre à Lomé. Ces personnes sont passées la voir. Ils ont faits des dons de différentes natures!  Je trouve génial d’avoir pu faire passer le message de cet orphelinat à travers les frontières. J’aime l’idée d’aider ces enfants de toutes les façons que je peux. Sœur Aimée est aussi touchée et agréablement surprise par les médicaments et le matériel de dessin et de peintures, que je ramène avec moi. Je sais que le meilleur usage possible sera fait de ces derniers!

Pour Sœur Elisabeth, française, cette journée ne se déroule pas sous le signe des retrouvailles mais plutôt des adieux. Après plus de 7 mois dans l’orphelinat, elle rentre en France, à Toulouse. C’est une novice en formation. Sa mission vient de prendre fin. Elle doit dire au revoir aux enfants. Il est facile de constater le déchirement que cela lui procure, l’attachement qu’elle a envers ces petits bouts et des «mamans» (personnel de l’orphelinat) qui s’occupent tellement bien d’eux!  Il est 17h00 passé, l’heure du diner pour les «Grands». Elle dit au revoir à tous les enfants puis aux mamans. Ces dernières entament une chanson en son honneur, avant de l’embrasser. Elle partira et reviendra, 2 fois consécutivement, pour saluer une dernière fois tout le monde. Je ne peux que lui souhaiter d’autres moments de bonheur intense, au cours de la fin de sa formation ou de sa vie de sœur, comme ceux vécus ici.

Ma première journée de retrouvailles se termine à l’orphelinat. Le ciel devient de plus en plus gris avec le soleil descendant vers l’horizon. Plus je me dirige vers le Nord de la ville, avec le bus Sotral, plus le ciel s’assombrit. Ceux sont maintenant des nuages, semblant, d’une densité impressionnante qui pèse au-dessus de ma tête. Arrivé au carrefour Limousine avec le bus, je me dépêche de rentrer chez les Ayedji, alors que les premières gouttes glissent sur mes cheveux et suintent sur mon front. Ro et son père installent des bacs en plastique sous le bord du toit ne possédant pas de gouttière, pour faire de la récupération d’eau. A peine ais-je posé mon sac-à-dos, dans la pièce leur servant de bureau et de débarras, que la pluie s’intensifie devenant rapidement torrentielle. C’est maintenant un vrai déluge qui s’abat sur Lomé, avec des vents violents. Cela va durer plus d’une heure! Nous sommes au début de la saison des pluies dans la région et ça pourrait se reproduire régulièrement dans les prochains jours, les prochaines semaines. Plusieurs dizaines de millimètres d’eau vont tomber au centimètre carré au cours de ce laps de temps. Les éclairs déchirent le ciel à la vertical mais aussi à l’horizontal! Les éclairs illuminent ce ciel si sombre qui pourrait faire penser à l’apocalypse. L’orage est proche! Le tonnerre résonne dans la pièce, faisant un bruit assourdissant quelques secondes après les jets de lumière! J’ai déjà vécu des orages d’une telle intensité (Brésil, Miami, Australie,…). Mais cela faisait longtemps que je n’avais pas assisté à un tel spectacle, à un orage tropical. Je regarde cet événement climatique à la fenêtre et, debout, derrière la porte en bois entrouverte. Au sec, s’en est presque jouissif!

Je passe ensuite la soirée au calme, mangeant avec Ro, discutant avec sa sœur, puis regardant un film sur l’écran de mon ordinateur.  Lors de la deuxième journée, les enfants sont redevenus des anges! Ça ne doit pas être simple pour eux pourtant de s’habituer à des personnes pendant quelques jours, quelques semaines, avant qu’elles ne partent. Heureusement que les «mamans» (les employées) sont là, et qu’elles restent là. Elles forment des repères, des socles sur lesquels les enfants peuvent se reposer. Elles ont leur habitudes avec ces enfants, et réciproquement. Je suis persuadé que cela les rassure, et surtout leur permet d’adopter un comportement constant avec des personnes qui s’affirment et ne se laissent pas faire, pas déborder, pour que la vie en collectivité soit possible. En tant que volontaire, nous leur apportons, ou en tout cas j’essaie de leur apporter (car je suis le seul volontaire présent à ce moment), ce que les mamans n’ont pas le temps de faire. Elles sont occupées par toutes les tâches ménagères, de fonctionnement, par les besoins matériels et physiques des enfants. Elles sont pleines de bonnes intentions et d’amour pour ces enfants. Cela se voit et se ressent mais, parfois, elles n’ont pas le temps de s’occuper de chacun individuellement. Pour ma part, c’est ce que je considère le plus important, ce que je peux apporter le plus aux enfants ; de l’Amour et du temps à partager avec eux. L’éducation, que j’ai reçue en France, est différente de celle fournie ici sur certains aspects. Apporté ce que je suis, à ces enfants, leur permettront peut-être aussi d’avoir d’autres perspectives, d’adopter d’autres façons de penser pouvant leur ouvrir leur esprit et leur capacité à s’adapter à ce monde qui se globalise...

Une chose est sûre, la plupart des enfants aiment que je m’occupe d’eux, que je joue avec eux, que je les respecte mais que je me fasse aussi respecter! Leur inculquer des règles ou fixer des limites n’est pas inapproprié, surtout quand ces derniers essaient de voir jusqu’à quel point ils peuvent aller. Ils montrent souvent leur mécontentement de façon plus ou moins démonstrative quand je les bride, je les gronde, ou que je les stoppe dans des actions, qui vont à l’encontre d’une éducation censée pour s’insérer dans la société. C’est aussi le cas, quand la liberté qu’ils s’octroient, porte atteinte à la liberté de leur camarade. Cela se finit parfois par des pleurs, des hurlements, une colère noire envers moi ou envers leur camarade impliqué dans l’histoire, même s’il n’a rien fait en particulier, qu’il est plutôt la victime des agissements du premier enfant… Mais, comme je l’ai déjà précisé lors de la première expérience, ils reviennent souvent vers moi après quelques secondes, minutes, ou heures, avec un grand sourire et l’envie de partager! Même si, sur l’instant, ils ont voulu se rebeller contre cette attaque, qu’ils prennent personnellement, ils sont capables de faire la différence entre le bien et le mal, de comprendre pourquoi je me suis mis sur leur chemin, les empêchant de continuer ce qu’ils avaient commencés à entreprendre. Une fois encore, même si ces moments sont quotidiens, avec l’un ou l’autre des enfants, cela n’est qu’une minorité des échanges que je partage avec les enfants. Majoritairement, il s’agit de jeux, de chants, de rires, de moments simples que nous vivons et expérimentons… Ils sont toujours demandeurs de plus d’affection, de plus d’amour! Certains enfants plus que d’autres soit dit en passant! Ils ont tous leur personnalité, leur comportement typique ou atypique. Plus je les connais, plus je peux adapter mes réactions à chacun, et essayer de leur donner le meilleur de moi-même.

Alexandra, Ida, Agnès, Gloria, Ange, Jules, Rémy, Alexis, Jean-Baptiste, Jérôme, Antoine, Joseph, Kokou, et Daniel sont des enfants qui vont tous m’apporter quelque chose! Avec chacun, je vais passer des moments particuliers, parfois intenses. Comme les adultes, les enfants ont des jours avec et des jours sans. Je peux même dire des demi-journées! En effet, parfois, après la sieste, le comportement de certains enfants peut changer. Un enfant très souriant le matin peut devenir exécrable et très susceptible l’après-midi, ou inversement. Entre les enfants, je peux constater des affinités fortes se créer, ou se développer avec les jours passant. En revanche les amitiés sont très fluctuantes. Tu as beau être le meilleur ami d’un tel, si tu lui prends des mains l’objet ou le jeu avec lequel il s’amusait, tu peux immédiatement devenir son pire ennemi. Les enfants, à cet âge, vivent vraiment dans l’instant présent. Il ne possède pas encore la notion du temps, de ce que cela impliquera dans les prochaines années de leur vie. Ils se lassent très vite d’une activité, qu’ils auront pourtant adorée quelques minutes auparavant. Cela implique de préparer des activités en fonction de leurs capacités et de les adapter à leurs attentes. Il y a pourtant des activités qui font exceptions. Sur un tourniquet ou des balançoires, les enfants, portés par le mouvement et la fréquence de répétition, se font bercer. Lorsque tu leur racontes une histoire qu’ils aiment, que tu leur chantes une chanson, ou qu’ils exercent eux-mêmes leurs cordes vocales, tu peux être sûr que tu pourrais répéter l’action en boucle, jusqu’à épuisement de tous! Les enfants aiment aussi faire des transvasements d’un endroit à un autre. Par exemple, dans le bac-à-sable, il suffit qu’ils aient deux récipients pour jouer, à plusieurs. Cela peut aussi durer indéfiniment. Les poussettes ou les véhicules, qu’ils poussent ou que tu les pousses dedans, sont aussi des jouets qui ont un grand succès.

J’exagère sûrement un peu la réalité mais, de mon point de vue, les enfants sont des adultes, en miniature, qui ont les mêmes besoins et les mêmes envies! Ils font donc les traiter tel quel. Il ne faut surtout pas les prendre pour des êtres n’ayant aucune jugeote, aucune intelligence et aux capacités intellectuelles limitées. Bien au contraire, ceux sont de vrais éponges, intellectuellement parlant, qui vont enregistrés tous les messages que leur aînés leur apportent d’une façon ou d’une autre. Avec la répétition d’actes réalisés par les adultes, qui les entourent et qui sont leurs modèles, les enfants vont, inconsciemment, considérés ces derniers comme la norme à appliquer. Même si, parfois, cela va à l’encontre des règles de la société, de la bonne conduite, ou du respect d’autrui, les enfants, devenant adultes, auront parfois un dur combat mental à mener, pour ne pas reproduire des actes enregistrés dans leur inconscient.  Je crois, de plus en plus, que les premières années de la vie d’un être humain auront des répercutions tout au long de son existence. C’est pourquoi,  je pense qu’il est très important de donner de l’amour, d’apporter un cadre de vie structuré et des règles simples de politesse et respect d’autrui à ces enfants! La personnalité d’un individu qui est unique, les échanges avec son prochain, et les faits de la vie joueront aussi dans les choix de ce dernier et dans son destin… Mais il ne faut surtout pas négliger ces premières années et ce que leur entourage peut leur apporter.

Il est alors aisé de comprendre pourquoi il est dit que le métier le plus difficile au monde est celui de parents. Mais c’est sûrement aussi l’un des plus beaux et celui qui procure le plus de bonheur… Même si j’en ai envie, je ne sais pas si j’aurais la chance un jour de pouvoir réellement expérimenter  le fait d’éduquer mes propres enfants avec une femme que j’aime. Seul la rencontre, au bon moment, avec des projets et des sentiments forts en commun, me permettront de réaliser ce projet, ce rêve de vie. En attendant, pendant quelques semaines, j’essaie de donner mon meilleur à chaque enfant de l’orphelinat.

Les «mamans» et les sœurs m’ont immédiatement données un très bon retour concernant mon travail et mon approche du travail à leurs côtés. Plusieurs fois, certaines d’entre-elles me diront: «ta femme sera chanceuse car elle aura un homme qui sait tout faire, et qui est prêt à faire toute les tâches ménagères» (Il n’est pas évident pour moi d’écrire ces lignes car c’est une auto-narration, et je ne veux pas paraître prétentieux ou imbu de ma personne. Mais je ne pense pas l’être. Il s’agit de faits, de vérités entendues, et je pense qu’il est important de les retranscrire aussi dans mes récits car ils sont les révélateurs de mon comportement et de mon interaction avec mon prochain quel que soit son âge). Une chose est sûre j’ai été éduqué de tel manière que je ne sais pas à rester rien faire quand les autres travaillent, que je suis toujours prêt à donner un coup de main et que je ne considère pas, qu’une tâche ou une autre est ingrate et que je devrais la laisser à d’autres personnes, car elles ne sont pas dignes de mon statut. J’ai toujours essayé de considérer autrui comme mon égo. Je pense, qu’au cours de mon voyage, cela a eu de très bonnes répercussions dans mon rapport avec toute personne qui a croisé mon chemin, malgré les différences culturelles ou sociales. Lors de cette expérience, je vais avoir une très belle relation avec les enfants, assez aisée, car ils ressentent mon envie de partager, mon plaisir d’être avec eux, et l’amour que j’ai envie de leur procurer.

Les jours s’écoulent les uns après les autres. Les horaires restent inchangés, les lieux visités sont les mêmes, les interactions avec les personnes sont constantes! Cela amène obligatoirement quelques habitudes journalières, pas forcément déplaisantes, bien au contraire. Le matin, je bois un porridge local, où la femme, qui tient le stand, m’accueille avec un grand sourire. Elle m’offrira plusieurs fois des petits compléments gratuitement. Dans certains magasins, où je me rends régulièrement pour acheter des jus de fruits, nous discutons! Avec le temps qui passe, et la répétition de ces conversations, nous parlons de plus en plus de notre vie personnelle. Avec les «mamans», un rapport fort c’est créé. Avec certaines, une en particulière, surtout quand nous nous retrouvons à deux, elle va se confier à moi, me demander mon point de vue sur sa situation personnelle. L’échange culturel est important. J’apprends beaucoup de choses sur leur mode de vie, leur point de vue de la vie dans leur pays, les aspects positifs et ceux négatifs de la situation politique, économique du Togo. Je vais aussi leur faire plusieurs petits cadeaux qui vont fortement les toucher. Elles me proposeront régulièrement de partager leur repas, ou de déguster des petits snacks qu’elles donnent généreusement aux enfants lors de la petite balade, autour de l’église, en matinée. Nous passons alors devant une entrée d’école, ou les étudiants restent tous les yeux ébahis, devant tous ces enfants marchant à leur rythme, chacun avec leur style, en découvrant un peu plus l’environnement qui les entoure, lors de cette sortie en dehors de l’enceinte de la pouponnière. D’ailleurs ce ne sera pas la seule interaction, pour eux, avec le monde extérieur.

Lors de ma deuxième semaine de présence, une sortie est prévue pour se rendre à «l’English School». Un minibus appartenant à cette organisation va venir nous chercher. Il s’agit d’une école internationale, où l’anglais est la langue d’enseignement et de communication entre les élèves. J’étais alors persuadé, que lors de cette après-midi, un professeur donnerait un cours d’apprentissage d’anglais à ces jeunes enfants qui commencent seulement à s’exprimer dans leur langue. Il n’en sera rien. Il s’agit d’une première. Rien n’a vraiment été déterminé. Quand nous arrivons dans l’établissement, nous sommes accueillis par quelques élèves, originaire du Niger, d’Inde, de France, du Mexique…, et d’un professeur anglais qui ne parle que quelques mots de français. Après avoir tergiversé pendant de longues minutes, il est décidé que nous nous rendons dans une des cours de l’école, réservés au primaire, où il y a des jeux d’extérieur. Nous passons deux heures sur place, à jouer dans ce nouvel environnement, avec des élèves, âgé entre 15 et 18 ans de cette école internationale. Puis, un peu avant 16h00, le minibus nous reconduira à l’orphelinat. Je pense qu’il est important pour ces enfants de sortir de leur environnement dans lequel ils évoluent au quotidien. Il est facile, par exemple, de voir dans leurs yeux, l’émerveillement simple, à regarder, à travers les vitres du minibus, le trafic routier, et ce qui se passe dans les rues. J’espère, pour eux, que ces activités se multiplieront, qu’ils auront de plus en plus d’ouverture sur le monde, qui les entoure, à l’extérieur de la pouponnière Sainte Claire.

Avec les enfants, chaque jour est différent. Chaque relation est différente. Même si, j’essaie d’être impartial et égaux avec tous, il est difficile de ne pas avoir de préférence… Il y a des enfants que je me verrais facilement adopter en raison de leur comportement, qui exprime des similitudes et des compatibilités avec ce que je suis. Pour d’autres, je suis sûre que la collaboration serait possible mais pas aussi naturel et donc toujours un peu plus compliqué.

Alors que j’écris ces lignes, fin juillet, je vais recevoir un email d’une femme française, assistante sociale, et habitant à Valenciennes. Elle a entamé les démarches pour une adoption, voilà plus de 5 ans. Ces dernières devraient finalement aboutir dans quelques semaines… Je suis admiratif de telles démarches. En effet, je suis amené à constater qu’elles sont beaucoup plus longues que ce que je pouvais imaginer. Les parents n’ont aucun contact avec l’enfant, qui deviendra le leur, pendant toutes ces années, même lors des dernières semaines. Ce n’est pas les parents qui peuvent choisir l’enfant qu’ils adopteront, même s’ils peuvent exprimer quelques critères de choix. Cela se comprend aisément car il ne s’agit pas d’un marché aux chiots, chattons, ou poissons rouges (j’exagère un peu la comparaison pour faire aisément passer le message). Pourtant, avec l’expérience que je vis actuellement, j’aimerais, dans ce cas, pouvoir faire des propositions pour choisir plutôt tel enfant qu’un autre. Mais cela n’est pas la réalité de l’adoption. Alors que cette maman devrait accueillir un des orphelins dans quelques semaines, elle ne possède qu’une simple photo figée en noir et blanc, un prénom et un échange de contact avec sœur Aimée, commencé il y a seulement 15 jours, à la date où j’écris ce récit. Elle s’est permis de m’envoyer un email alors, qu’en faisant des recherches sur l’orphelinat de Sainte Claire, elle est tombée sur mon blog et le récit de mon premier séjour. Elle m’exprime sa joie d’avoir pu lire ma description de l’orphelinat, du fait de pouvoir un peu plus connaître l’environnement dans lequel «son fils» évolue. Elle me demande aussi si je peux lui donner plus d’informations concernant son enfant. Elle me dit qu’elle comprendra très bien que je ne lui réponde pas.  Je réfléchi un peu à la question ne voulant pas interférer dans le processus d’adoption. Mais je ne vois pas de raisons qui s’opposent au fait que je lui exprime mon point de vue, que je la rassure sur son enfant et l’environnement, dans lequel il a évolué ces dernières années. Je me mets aisément dans sa situation, et je ne peux que lui répondre favorablement à sa requête, en lui retournant un email avec des explications complémentaires. Elle m’apprendra aussi lors de cet échange, qu’un autre enfant est prêt à être adopté, par une autre famille d’accueil, ayant commencée les démarches en même temps qu’elle. Cela me réjouit pour ces deux garçons qui vont, je l’espère, pouvoir prendre leur envol et avoir une vie heureuse.

En attendant, j’aimerais revenir aux caractères spécifiques de chaque enfant. J’aime Ange et le temps de je passe avec lui. Il est très actif, comprends les choses rapidement, aime interagir avec les autres. Contrairement à mon premier séjour, il sera néanmoins beaucoup plus susceptible. Il va piquer deux ou trois fois des grosses colères interminables avec des pleurs.  Personnes ne pourra l’approcher sauf une maman avec qui il a établi un lien particulier. A part cela, il porte assez bien son nom et l’interaction avec lui est vraiment intéressante pour moi. Nous avons beaucoup de traits de caractère en commun. De même, comme lors de la première fois, j’établis un lien très particulier avec Alexandra. Elle est une petite fille assez timide, qui parle peu. Mais elle a très rapidement accrochée avec moi. Elle a besoin de beaucoup d’affection. Etant une personne qui en a aussi beaucoup besoin, il est facile pour moi de lui en fournir autant qu’elle en veut. C’est même un plaisir! Elle parlera, avec moi, beaucoup plus qu’avec d’autres adultes, avec lesquels elle interagie. Elle a tout de même un petit côté vicieux et coquin, que je découvrirais. Alors qu’elle fait des bêtises, elle fait ce qu’il faut pour que les autres enfants en portent la responsabilité. Quand je la prendrais sur les faits, je ne laisserais pas l’occasion de la gronder, ne pouvant plus alors lui faire des faveurs!

Daniel est un petit garçon, avec qui je n’avais pas partagé beaucoup, lors des trois premières semaines. Il était un peu malade. Cela ne l’aidait pas à s’épanouir totalement. Mais cette fois-ci, il va très vite s’accroché à moi. Il adorera me tenir la main quand nous allons d’un point à un autre. Ça sera même parfois une déchirure, pour lui, quand je lui lâcherais la main, terminant parfois même en pleurs. C’est un peu la même chose avec Agnès, qui a la petite dernière arrivée chez «les grands»! Elle est encore toute petite et possède une belle petite frimousse. Elle reçoit donc naturellement beaucoup d’affection des sœurs et des «mamans». Elle en ressent vraiment le besoin! Cette fois-ci, avec elle, nous créons un lien beaucoup plus fort. Elle adore être dans mes bras, qu’elle ne veut plus quitter, une fois qu’elle les a conquis… Pour Daniel, je vais essayer de lui faire changer ces mauvaises habitudes de vouloir toujours ce que les autres ont. Il en vient donc, souvent, à piquer des mains l’objet convoité, faisant pleurer l’enfant qui le détenait. Devant lui reprendre des mains, pour le redonner à l’autre enfant, je le fais pleurer à maintes reprises. Mais je pense que c’est le meilleur enseignement, pour lui. Il doit apprendre à ne pas convoiter ce que les autres possèdent, qu’il n’est pas possible d’obtenir des choses matérielles ou des libertés personnelles au dépend d’autrui.

Alexis est un petit garçon qui n’aime pas plus, que trois semaines auparavant, les contraintes imposées par les adultes. Il aimerait avoir plus de liberté. Il essaie toujours de tester la patience des personnes le surveillant. Il pousse toujours trop loin, jusqu’au point où cela peut être dangereux pour lui, à l’encontre de la vie en communauté, ou des possibilités que l’on peut accorder à un jeune de son âge. Il est donc souvent réprimandé. Il le vit très mal. Il finit souvent en pleurs. Mais je pense que c’est, pour lui, un moyen de s’exprimer et d’attirer l’attention des adultes. Comme, je le disais déjà lors de mon premier séjour à l’orphelinat, même après que je l’ai puni, il revient quelques minutes après, comme si de rien était, avec un grand sourire et voulant partager de bons moments. Avec Antoine, le plus grand, je vais passer beaucoup moins de moments. Il a en effet l’âge d’aller à l’école, à 4 ans. Il s’y rend donc les 5 jours de la semaine. Je ne le vois que le matin avant qu’il n’y parte, le midi, et le soir à son retour. C’est un petit garçon intelligent, intéressant, très indépendant, mais qui comme beaucoup d’enfants de son âge, a besoin de tester les limites de son corps et des interactions avec les adultes. Il a aussi d’autres besoins que des enfants, ayant deux ans de moins que lui, n’ont pas. Il est en demande d’activités lui permettant de satisfaire son intellect. Il n’est pas question qu’il s’ennuie avec des activités devenues maintenant obsolètes pour l’intéresser plus que quelques minutes.

Pour Joseph, il s’affirme aussi comme l’un des plus grands. Il est maintenant capable d’aller aux toilettes seul. Il ne nécessite plus de rester sur le pot pendant longtemps afin d’être propre. Il s’habille seul. Il aime, pendant le temps du change des enfants, diriger le groupe en chantant, taper des mains, et donner un certains divertissement aux autres. Il s’exprime facilement. «Jo» est un être très social qui a besoin d’intention. Il n’est pas le dernier à faire des bêtises parfois avec ces complices Alexis, ou Antoine quand ce dernier est dans les parages. Mais c’est aussi un garçon  qui aide les plus petits que soit. Il va aider un enfant qui est tombé à se relever. Si un de ces copains se fait gronder, ou est en pleur, il va venir le consoler et lui dire que ce n’est pas grave. Il arrive souvent à les faire arrêter, puis ils rejouent ensemble. C’est aussi un petit garçon très altruiste et prévenant. Malgré son côté assuré et sûr de lui, il a un grand besoin d’affection et d’écoute.

Avec Ida, les rapports sont très changeants. Elle peut être la plus adorable des enfants, mais aussi devenir une petite peste qui ne veut rien entendre. Elle peut t’avoir dans le collimateur pour une journée. Tu ne peux alors rien en tirer… Kokou est un enfant un peu plus limité que les autres enfants. Il est pourtant très attachant. Il nous fait parfois vraiment rire. Jules et Jean-Baptiste sont deux petits garçons charmants la plupart du temps, chacun ayant des phases plus ou moins joyeuses, plus ou moins tristes, avec des susceptibilités comportementales variant selon la journée. Il en va de même pour ma relation, avec eux, qui peut être un total néant certains jours, ou très intense pour d’autres. Gloria est une petite fille que je vais avoir un peu de mal à cerner tout au long de mon séjour. Cela n’empêche pas que je peux passer de très bons moments à ces côtés, que l’échange peut devenir très intéressant. En ce qui concerne Jérôme, je trouve qui a totalement changé depuis mon absence de trois semaines lors de mon séjour au Bénin. Il était avant cela, de mon point de vue, un petit garçon rondouillard, peu causant, avec qui je n’avais presque pas d’échange car il n’en était pas demandeur. J’avais l’image d’un petit garçon bon à rien (même si je caricature un peu ce trait de personnalité), étant seulement le favori d’une des «mamans». Lors de mon retour, j’ai découvert un garçon beaucoup plus épanoui, ouvert à l’autre et prêt à échanger avec son prochain. Il a un peu perdu ce comportement nombriliste, où seul son intérêt compte. Enfin Rémy est toujours ce petit garçon assez timide et réservé. Il est très avenant auprès des autres enfants qu’il peut aider facilement. Il a aussi une passion et un don pour la musique, le chant, et le fait de jouer d’un instrument. Il est déjà capable de faire un rythme en tapant sur un tabouret ou autre moyen de percussion qu’il trouve à sa portée. Je lui répète, plusieurs fois pendant le séjour, l’espoir que j’ai, qu’il puisse un jour exploiter ce don… Je ne sais quel avenir est promis pour chacun de ces enfants! Je sais simplement qu’ils ont eu une chance inouïe d’atterrir dans un organisme si bien structuré et organisé. J’espère que la plupart pourront retourner dans leur famille de sang, si les conditions le permettent ou que les recherches d’identité aboutissent. J’espère sinon qu’ils seront pris en charge par une famille d’accueil qui deviendra une vraie famille du cœur, qui sera en mesure de leur apporter tout ce qu’ils ont besoin.

Quoi qu’il en soit, pour l’instant, je passe des moments exquis avec tous ces enfants. Je leur apporte tout ce que je suis. C’est un laps de temps, finalement assez court, sur la durée de toute une vie, que je leur accorde lors de ce voyage. Mais je voulais vraiment donner un peu de mon temps pour une bonne action, pour l’aide de mon prochain. Je trouve que le faire pour des enfants, qui n’ont pas eu la chance d’avoir un début de vie facile, c’est ce que je pouvais faire de mieux. Je suis encore plus content de le faire, dans une institution, où je sais que la prise en charge continuera aussi bien après mon départ, que les enfants sont bien traités et dans un environnement très sain. Un avenir radieux est possible pour eux. Les sœurs et les «mamans» me confirmeront les intérêts multiples de la présence de volontaire, tel que je suis, auprès de ces enfants. Le temps que nous leur accordons, l’amour que nous leur fournissons, l’écoute, que nous avons auprès de ces enfants très demandeurs, est crucial alors qu’ils sont en perpétuel demande de ce genre d’attentions. Et ce n’est malheureusement pas les 1, 2, ou maximum 3 personnes du personnel, à leur disposition, au même moment qui peuvent être à l’écoute des demandes de chacun des enfants.

Avec les sœurs, le repas du midi est l’occasion de passer un moment intéressant avec des personnes de génération totalement différente. Parmi les sœurs, il y a des novices qui sont encore à l’école, alors que certaines sœurs, plus que sexagénaires, sont ici en convalescence après une longue maladie, par exemple. Les repas sont vraiment agréables. Ces sœurs sont joyeuses, pleine de vitalité et très ouvertes d’esprit. Elles me répéteront plusieurs fois qu’elle aime ma présence parmi elles, car cela apporte un peu de fraîcheur, de nouveauté. J’apprends beaucoup sur leur vie, les différents postes qu’elles peuvent avoir. La plupart font ou ont faits de longues études pour devenir infirmière, médecin, responsable d’une structure, gérant plusieurs dizaines de personnes. Elles sont aussi très intéressées par mon parcours et mes expériences. Elles me posent de nombreuses questions sur mon voyage, les étapes passées, et la suite envisagée. Tout se passe dans l’échange et la communication. C’est un vrai plaisir pour moi de partager un bon repas, très varié, avec des personnes intéressantes.  Il est facile de discerner leur culture, leur ouverture d’esprit, le fait qu’elles soient des personnes à part entière, aimant aussi faire la fête. Elle prépare en effet un jubilé pour l’orphelinat. Je sens l’engouement et l’enthousiasme que cela génère dans leur rang.

Avec la famille d’accueil, l’échange est agréable, amical et fraternel. Je passe néanmoins moins de temps avec eux lors de ce second séjour, moins de temps avec les voisins aussi, pour diverses raisons… J’ai passé plus de temps à l’orphelinat. Je suis souvent rentré plus tard. J’ai été occupé à préparer la suite de mon voyage, à écrire mes aventures. J’ai aussi passé plus de temps, avec d’autres personnes, dont une charmante demoiselle, qui en ma présence parle en français… En effet, le problème avec les membres de la famille, si je ne suis pas, en face-à-face, avec une seule personne, ils parlent en Éwé, entre-eux, même en ma présence. Cela crée naturellement une barrière, une certaine exclusion des conversations. Je vais donc me lasser à force, ne plus avoir envie de sortir avec eux dans la rue pour discuter. Il n’y a finalement plus vraiment d’intérêt. Les échanges lors des conversations, même en français, sont aussi limités. Il est facile de voir que les questions d’argent reviennent régulièrement sur la table, même insidieusement. Plusieurs sous-entendus me font comprendre que Ro aimerait que je lui donne de l’argent pour son projet d’agriculture, qu’il en a besoin. Mais pour moi, je continue d’affirmer que je ne suis pas prêt à donner de l’argent à quelqu’un, dans ce pays, dont le seul but est de faire plus d’argent pour lui. Il y a tellement de personnes qui sont vraiment dans le besoin, qui n’ont même pas le minimum pour survivre dans des conditions respectables. Si j’ai de l’argent à donner ça serait plus à ces personnes-là. Je fais pourtant des petits cadeaux à certains membres de la famille en achetant un jus à l’un, des sucettes pour les enfants, en offrant des fruits à la maman. Mais je ne ressens pas toujours le remerciement et l’intérêt de faire ces petits gestes, qui sont pour moi normal en raison de leur accueil, mais pas obligatoire car nous avons déterminé un prix pour le loyer et la nourriture que je partage avec eux. Concernant l’aspect financier, je n’aime pas vraiment le point de vue des jeunes, qu’ils vont me rabâcher plusieurs fois. Le fait par exemple qu’il faut de l’argent pour que des sentiments naissent et qu’une femme puisse t’aimer. J’aurais beau affirmer que les sentiments n’ont rien à voir avec le nombre de billets que tu as dans ton portefeuille, ils ne seront jamais d’accord. Je sais que l’argent est le nerf de la guerre dans nos sociétés modernes et ultra-capitaliste, mais je reste néanmoins idéaliste. Je ne peux pas mélanger les sentiments d’un être envers un autre, avec l’intérêt financier ou matériel qu’il peut lui apporter. Pour moi, une relation amicale, amoureuse, fraternel ne devrait jamais être basé sur de simples questions matérielles et financières. Ces différences de point de vue, ces attentes un peu différente, le partage de moins de moment agréables ensemble va donc nous éloigner un peu. Je ne dis pas que tout fut mauvais. C’est juste le constat que nous n’avons pas exactement la même vision de la vie, que nous n’avons pas les mêmes attentes, et que malgré ma joie de les retrouver et de vivre leur mode de vie, je ne serais pas capable de faire cela pendant des années.

L’accueil a été tout de même très agréable, très respectueux. Ils ont toujours pris soin de moi, ils se sont assurés que tout aller bien. J’ai toujours eu le droit à partager les repas quand j’étais à la maison. Mais là aussi, il y a eu un petit bémol. Le fait de ne pas le partager avec tous les membres de la famille voire, parfois, de manger seul quand Ro n’était pas là, ne m’a pas aidé à vraiment profiter pleinement de ces moments. La différence culturelle est présente et parfois forte quand on passe plus de temps avec les personnes.

D’autres exemples de différences culturelles qui peuvent irriter fortement mon esprit apparaissent au cours de ce séjour! C’est le cas pour les personnes qui te sifflotent comme un petit chien, pour t’appeler dans la rue ou t’offrir un service… En tout cas, c’est comme cela que je le prendrais en France! J’ai alors une énorme pensée pour mon petit frère, qui déteste cela encore plus que moi! Je pense qu’il serait prêt à déchiqueter quelqu’un à chaque fois qu’on lui fait cela! Pour ma part, cela me fait monter en pression, à chaque fois, surtout au début. Puis je vais relativiser très vite. Ici, le sens n’est pas le même. Il s’agit d’une prise de contact par quelqu’un pour proposer ces services à quelqu’un d’autre. Il faut simplement entrer dans les mœurs locales et comprendre les différences. Je ne vais pas casser la tête de quelqu’un tous les 20 mètres. Je ne vais pas exploser les dents sur le bitume de la moitié de la population de Lomé… J’exagère très fortement la puissance de ma violence, de la rage qui nait en moi. Surtout que je prône vraiment la non-violence physique. La dernière fois que j’ai frappé une personne se fut une gifle à une fille, en sixième, alors qu’elle l’avait bien cherché et qu’elle s’était cachée dans les toilettes pour ne pas me remettre ce qui m’appartenait… Depuis plus d’acte de violence envers autrui, même si parfois certaines personnes ont essayé de me pousser à bout. Je me rappelle même avoir tendu l’autre joue, à un ex petit-ami, jaloux que je m’entende très bien avec son ancienne partenaire. Je n’avais pas arrêté de lui répéter que la violence physique était l’arme des faibles, des personnes ayant torts, et aucun argument verbal. Cela l’avait encore fait sortir plus de ces gongs. Il m’avait donc frappé, avant de rester hébéter devant le fait que je ne riposte pas… Je ne suis pas un saint non plus. La situation n’était pas alarmante car d’autres personnes étaient autour de nous. Je me défendrais si jamais mon intégrité physique était en danger. Mais j’aime à me rappeler cette histoire qui illustre bien la limite très fine, qu’il peut exister entre la violence, la guerre, ou le règlement d’un conflit entre êtres-humains…

Le but, en tout cas de cet exemple de sifflements intempestifs dans les rues de Lomé, est de vous faire comprendre qu’une incompréhension, due à des différences de cultures, peut très rapidement mener au drame. Si une personne n’est pas capable d’analyser tranquillement les faits et de comprendre pourquoi cette interaction existe, la situation peut très vite s’envenimer! Je vais très vite en rigoler intérieurement.  Je ne réponds pas, me retourne même pas quand c’est fait de la sorte. Il y a  entre autre tous les zemidjen qui le font beaucoup quand ils sont à l’arrêt. Ils te klaxonnent aussi à tout bout de champs quand ils roulent et passent à côtés de toi… J’ai envie de leur dire : «Arrête de me casser les oreilles imbéciles, si je marche depuis le carrefour où 20 de tes confrères attendaient pour un client, c’est qu’il y a une raison… Et oui, j’ai le droit d’aimer marcher!» Ceux ne sont que des petits détails mais qui, avec la répétabilité, et le fait que cela m’horripile, ne m’aident pas à profiter pleinement de mes ballades dans les rues.

L’Afrique est plurielle, complexe, parfois instable! Elle doit vivre avec ces contradictions et ces mauvais côtés. Mais notre jugement, nous occidentaux, est faussé. Nous ne sommes pas meilleurs qu’eux. J’ai passé des moments exceptionnels avec des personnes qui ont partagés tout ce qu’elles avaient, même si elle n’avait pas grand-chose. Ce que j’ai pu constater et ce que je ne peux pas admettre, c’est l’injustice dans ces pays, la corruption flagrante qui les plombe et détruise leur économie. Un possible essor ne se produit pas parce que certaines personnes véreuses, pour leur enrichissement personnel, condamnent des populations entières, à vivre sous le seuil de pauvreté. Comment des personnes peuvent vivre dans l’opulence en profitant des autres, de leurs frères qui n’ont rien! Malheureusement, nous, les occidentaux, ou en tout cas nos gouvernements, cautionnions ce système et l’entretenons car cela nous arrange, évite une concurrence à faible coût. Le passé colonialiste a encore un impact majeur sur ce continent, l’indépendance et la démocratie de beaucoup de pays existent, très souvent, seulement sur le papier. Cela profite aux dirigeants qui ferment les yeux sur les conséquences désastreuses que cela engendre pour la majorité des leurs et qui peuvent diriger leur pays d’une main de fer, souvent avec des aspects bien plus près d’une dictature ou d’une royauté. Les conflits internes, l’instabilité dans beaucoup de pays freinent aussi le développement et les investissements qui restent timides.

Nous ne pouvons pas, malheureusement, changer la géopolitique mondiale globale en claquant des doigts, encore moins à notre échelle, de simple citoyen du monde. Cela se fera progressivement, par des petits gestes du plus grand nombre, par des prises de conscience en interne et dans la communauté internationale. Une chose est sûre, actuellement pour eux, le plus important reste la santé et l’accès aux soins. Toutes personnes sur cette terre devraient avoir la chance de vivre dans la dignité, manger à sa faim, et avoir accès aux soins basiques de santé pour survivre, surtout avec les moyens technologiques et pharmaceutiques actuels. Les choses bougent même si c’est très timidement. J’espère que des dirigeants honnêtes viendront au pouvoir, que des investisseurs, voyant le potentiel de ce continent multiculturel et ethnique, leur permettront dans un futur proche d’avoir accès à une vie meilleure.

Il ne faut surtout pas réduire l’Afrique aux problèmes qu’elle rencontre. Tellement de belles choses et de beaux moments de vie sont possibles à voir ou à partager. Je suis heureux de prévoir encore plusieurs mois pour découvrir les richesses de ce continent, la diversité des cultures, des paysages. Si mon expérience sur place continue de se passer comme c’est le cas actuellement, j’en reviendrais comblé. J’espère que je peux et que je pourrais, à travers mes récits et le fait de conter mes aventures, changer un peu les idées fausses que nous avons de ce continent, en occident. Les idées préconçues sont fortes et ancrées dans nos esprits depuis notre plus jeune âge. Elles sont amplifiées par les seules mauvaises nouvelles, tragédies, et horreurs que diffusent régulièrement les médias dans nos pays. C’est une réalité à laquelle doit faire face certains des habitants de ce continent et que nous ne pouvons pas renier. Mais ce n’est qu’une réduction faussée et partielle de la vie en Afrique.


Pleins de détails ou habitudes dans leur vie de tous les jours me plaisent et égayent mes journées! Dans les pays traversés, les personnes m’ont toujours très bien accueilli, avec un grand sourire et une envie de m’aider et de me donner tout ce qu’ils ont, même si ce n’est parfois pas grand-chose (j’aime à le répéter car ce n’est pas évident. Et souvent les personnes qui ont beaucoup ne donnent rien et garde tout pour eux). Je passe des moments simples au Togo, mais tellement agréables, surtout quand c’est fait dans le partage. Un rapport amical se crée avec les personnes rencontrées et que je côtoie quotidiennement. Les repas à base d’haricot avec de la farine de Manioc, les jus de fruits frais d’ananas, de citron, ou autres fruits locaux, ou le foufou à base d’igname  sont des spécialités que j’aime particulièrement. Les énormes pluies diluviennes qui s’abattent de plus en plus fréquemment dans la région sont magnifiques à regarder depuis un endroit protégé. Un soir dans le bus, le chauffeur a mis de la musique assez forte. Certaines personnes commencent à chanter. Puis, à la fin du trajet, tout le monde chante, frappe dans les mains, ondulent le haut du corps! Il est facile de ressentir la communion forte de tous les usagers de ce bus, autour de ces musiques faisant actuellement le hit-parade dans le pays. Le chauffeur s’amuse aussi à ne pas s’arrêter au terminus habituel. Il part un peu plus loin, fait demi-tour, pour repartir dans l’autre sens, et s’arrêter à l’arrêt de départ dans l’autre direction. Tous les passagers, descendant au terminus, sont donc encore présent! Il a réussi à faire durer un peu plus le plaisir et à faire rigoler tout le monde. Très important aussi, les togolais sourient, jouent avec toi, te saluent… mais pratiquement personne va venir  te demander de l’argent ou essayer de tirer profit d’un homme blanc, toujours considéré comme une personne riche, financièrement parlant, pour la majorité des africains. Encore une fois les idées préconçues et les images véhiculées par la majorité, par les médias, sont fortement ancrées dans le subconscient de chacun. Seuls quelques cas isolés que je vous ai déjà racontés me confrontent à ce rapport intéressé.  Les contacts sont sinon fraternels,  très souvent sans aucune arrière-pensée.

Malgré nos différences, je suis heureux de revoir Ro et sa famille. J’aime ce sentiment de retourner dans un lieu connu. J’ai été heureux de revenir à l’orphelinat pour passer encore des moments incroyables avec les enfants, les sœurs et le personnel qui s’occupent si bien d’eux. Tout le monde est tellement agréable à mon égard! J’aime et j’ai besoin de cet esprit de famille, de cette insouciance, de cette spontanéité forte, retranscrite par les enfants de cet âge. Cela va dans la continuité de la semaine passée avec la famille d’un expatrié à Cotonou, avec Eddy. Cela fait du bien de vivre des moments de partage fort et intense. Moments de vie où tu ressens facilement l’affection et l’amour donné par des personnes simples, ayant le cœur sur la main.

Cela me fait prendre conscience d’une chose essentielle à mes yeux et qui est devenue une certitude encore plus accentuée avec ce voyage. J’ai aimé et j’aime vivre des moments forts et intenses, sortant de la réalité de tous les jours. Moments que quelqu’un, qui ne vit qu’à un seul endroit la majorité de sa vie, ne peut pas expérimenter.  J’aime le voyage, la richesse des découvertes et des moments vécues avec d’autres. Théoriquement je pourrais rester sur les routes encore de nombreuses années et toujours faire quelque chose de différent et découvrir de nouveaux endroits. Mais, aujourd’hui plus que jamais, j’ai envie de construire un jour ma propre vie, de partager avec les personnes que j’aime. Je commence à ressentir l’envie de poser mes valises. Le retour devrait prendre forme dans quelques mois. J’ai envie de me donner toutes les chances pour mes autres projets, mes autres rêves. J’aurais toujours, en moi, cette soif de découvertes, de voyages, du fait de sortir un peu de sa zone de confort, de son quotidien pour passer des moments exquis… Mais cela se fera dans une autre proportion, avec des priorités qui changeront, des envies qui me pousseront à faire d’autres choix pour être heureux. Et puis, il n’y a pas forcément besoin d’aller à l’autre bout de la terre pour s’octroyer de telles sensations. Rien que dans notre belle région d’Anjou, où mes parents habitent encore, et où j’ai passé la plus grande partie de mon enfance, il y a déjà des beaux coins de paradis. Cela peut-être à seulement quelques kilomètres d’Angers! En France, il y a de nombreuses régions où je me verrais bien vivre plusieurs années et pourquoi pas toute une vie. Si j’avais le choix, j’opterais pour vivre à proximité de la montagne et de toutes les joies qu’elle me procure! Mais je verrais bien ce que la vie me réserve comme possibilités, opportunités, et choix.


En attendant, je vis encore mon Vol Libre aussi intensément que possible. J’aurais pu rester encore quelque temps sur place. Mais l’Aventure appelle l’Aventure, la soif de liberté, les expériences inouïes sur les routes! Je me donne encore quelques mois de voyage et je veux expérimenter encore tellement. Je ne peux pas me concentrer pour l’instant à un seul endroit, pour une seule cause. Je commence donc à entrevoir la fin de mon séjour au Togo, pour poursuivre vers d’autres pays. Le Ghana est la prochaine destination envisagée.


Je prépare donc la suite de mon voyage lors de soirées calme chez les Ayedji. Je suis confronté à une certaine problématique. Le Ghana et son consulat au Togo ne donne pas facilement un visa d’entrée sur leur territoire pour les étrangers. Je ne le savais pas, avant de venir, mais il ne délivre normalement pas, au Togo, ce précieux papier permettant d’entrer sur leur territoire. Il faut normalement faire les démarches dans son pays d’origine. Cela est impossible pour moi lors de ce voyage au long cours. Il m’aurait fallu des semaines, en France pour faire ces démarches, et la plupart des visas seraient arrivés à échéance avant que je puisse les utiliser. Heureusement, pour cette problématique administrative, je vais entrevoir une éclaircie, une solution s’offrant à moi. Je ne le savais pas avant de commencer mon expérience à l’orphelinat mais elle va me sauver la mise. Si je peux justifier d’un certificat de résidence, ou de la pratique d’un travail, même en tant que volontaire, je peux alors prétendre à effectuer ma demande de visa au consulat du Ghana au Togo. J’ai alors toutes les chances d’obtenir ce précieux sésame, qui m’ouvrira les portes de ce nouveau pays. Il ne me reste donc plus qu’à obtenir une lettre de la pouponnière justifiant de mon activité en tant que volontaire.

Cela parait alors facile! Mais pour simplifier ma venue en tant que volontaire dans l’orphelinat, il n’y a pas eu de contrat de signer, de protocole de rempli. En effet, les démarches peuvent demander parfois plusieurs mois et doivent donc être entreprise longtemps à l’avance. Ayant reçu les recommandations d’une amie et trouvant ma démarche très bonne, la directrice, sœur Aimée, avait donc facilité les choses en ne produisant rien par écrit. Alors que je lui demande un document officiel pour faire ma demande de visa, elle va rechigner fortement à me fournir un tel document.  Si jamais j’avais un problème et que je décide de me retourner contre l’établissement, ce dernier pourrait être confronté à de sérieux problèmes. Très loin de moi cette idée mais j’ai cru comprendre que cela leur été déjà arrivé auparavant. Je n’aurais jamais pu l’envisager mais nous nous retrouvons dans une situation un peu délicate… Nous allons beaucoup en discuter avec la sœur. Je retourne, au consulat, avec un document signé de la famille et prouvant ma résidence pendant quelques temps sur place, au Togo. Mais ce document n’aura aucune valeur à leurs yeux. Après de nombreux aller-retour, de nombreuses propositions de solutions diverses et variés, nous allons finalement trouver un terrain d’entente avec sœur Aimée. Elle veut m’aider mais elle ne peut pas compromettre l’établissement. En l’échange de ce document officiel qu’elle me procure, je vais lui écrire une lettre de décharge, précisant que je ne me retournerais jamais contre l’établissement, que je possède une assurance de voyage, me permettant de régler tous mes problèmes liés à la santé. Après quelques frayeurs, quelques incompréhensions, je vais finalement obtenir cette attestation de travail en tant que volontaire. J’étais loin d’imaginer cette réalité dans le monde du volontariat et de l’aide à son prochain. Serais-je vraiment déconnecté de toute réalité de notre monde? Non pas totalement! Mais, notre société est devenue tellement procédurière, partout dans le monde, que chacun doit se protéger, ne pas prendre de risques, pour ne pas compromettre son activité. Je n’avais vraiment pas conscience de ce fait. Je comprends maintenant pourquoi il n’est pas si simple d’offrir ces services à son prochain. Cela passe aujourd’hui aussi par des démarches administratives, si l’on veut que cela soit officiel! Même si, dans mon cas, cela ne concerne que le simple fait d’obtenir un visa pour continuer mon périple.

Heureusement que nous avons trouvé un bon compromis avec sœur Aimée. Ces tracasseries administratives ne remettront finalement pas en cause la suite de mon voyage. En possession de ce document, tout va se dérouler très naturellement! Je dépose ma demande de visa, le jeudi 29 Mai 2014. Je pourrais alors récupérer ce dernier, le lundi 2 juin.
Je trouve intéressant de vous faire part du texte de ce document officiel. Il retranscrit très bien l’expérience que je pu vivre:

«Pouponnière Sainte Claire de Tokoin :

Attestation de services accomplis au titre de volontaire.

Je soussignée Sœur Aimée Aw…(je n’inscrits pas son nom en entier pour que ce denier n’apparaisse pas sur internet), Directrice de la Pouponnière S.C. de Lomé, atteste que Monsieur Matthieu BOSQUET, travaille à la Pouponnière S.C. de Lomé au titre de bénévolat depuis le lundi 14 Avril 2014 et finira le 04 Juin 2014.

En effet , la pouponnière Sainte Claire de Lomé, situé à Tokoin Séminaire, 15, rue K…. à Lomé (capitale du Togo), est une institution confessionnelle à but non lucratif dont la mission est de sauver la vie des enfants en situation de détresse et dont l’âge est compris entre 0 et 4 ans, l’effectif varie entre 45 et 50 enfants dans l’année.

Ces enfants issus de catégories sociales diverses (orphelins, abandonnés, enfants nés de mère malade mentale, enfants dont la mère est en état de détention ou frappée d’une maladie invalidante), sont entièrement pris en charge à travers des prestations de qualité grâce à l’appui d’un personnel pluridisciplinaire.

A ce titre, Monsieur Matthieu BOSQUET a donné des soins aux enfants résidents à la pouponnière (toilette, habillement, biberon, bouillie, repas salé), jeux d’éveil (chants, jeux), encadrement des enfants en salle de jeux.

Il a également été disponible aux enfants en les prenant dans les bras, les calmer quand ils pleurent.

En foi de quoi, la présente attestation lui est délivrée pour servir et valoir ce que de droit.

La directrice

Sœur Aimée AW…


Cette lettre vous permet peut-être d’avoir une idée un peu plus proche ma réalité, vécue pendant ces nombreuses semaines. Mais elle ne vous donne pas l’intensité des moments passés avec les enfants. Lors de ce deuxième séjour, nous avons souvent éclatés de rire. Ils se sont de plus en plus habitués à moi. Ils m’apprécient vraiment. Ils viennent de plus en plus de leur propre initiative vers moi. J’ai renforcé encore un peu plus les rapports déjà fort avec certains. Je me suis rapproché maintenant d’enfants, avec qui je n’avais presque rien partagé auparavant. Quand les enfants sont tristes, ils viennent me voir et demandent un câlin. Ils sont de plus en plus demandeur pour que je joue avec eux, leur raconte des histoires…

Les jours défilent et le temps est venu pour moi de reprendre ma route. Qu’est-ce que je retiens de cette expérience avec les enfants ?  Je les adore et ils me le rendent bien! Ils sont tellement attachant avec leur insouciance, leurs actions incontrôlées et spontanées. Le caractère de chacun s’affirme déjà dès le plus jeune âge. Je ne peux que me souhaiter de rencontrer la bonne personne, une femme avec qui je pourrais envisager de passer le reste de mes jours, de construire une vie  à deux, puis une vie de famille. C’est un vrai projet de vie, un autre rêve, une autre aventure que j’espère avoir la chance d’expérimenter un jour. Seul l’avenir me le dira mais quoi qu’il en soit, je viens de vivre quelque chose de fort!

Cela me permet de me questionner sur le fait de vivre le moment présent pleinement.  J’ai toujours voulu croire que je vivais le plus possible l’instant. Plus je vieillis, plus je m’assagis sûrement, plus j’essaie de mettre ce fait en application. Mais je suis conscient que j’ai toujours dans un coin de ma tête les souvenirs du passé qui m’ont construits et que j’ai toujours un œil tourné vers le futur! Ce n’est pas quelque chose de négatif. C’est plutôt ce que je suis! Et puis, je préfère avoir trois coups d’avance, plutôt que deux de retards. J’essaie néanmoins de ne pas trop planifier, de ne pas trop essayer de vouloir contrôler des événements de la vie qui ne le sont pas. Même si on ne doit pas le faire au quotidien, j’aime pourtant faire appel à ma mémoire (sinon comment pourrais-je par exemple écrire ce récit presque 2 mois après les événements). Sans mon imagination, mes rêves pour le futur, mon présent aurait, j’en suis persuadé, moins de saveur… Quoi qu’il en soit, c’est un savant équilibre à trouver! Me concernant, je sais que j’oscillerais toujours, vacillerais parfois. Je n’atteindrais jamais un état parfait d’équilibre! A l’impossible, nul n’est tenu! A ce jour, cela me réjouit! Ça me fait grandir encore un peu plus après chaque expérience vécue… Je voulais auparavant atteindre la perfection! J’en ai souffert, à chaque faux pas ou non atteinte d’un but, si petit soit-il. Je suis heureux de ne plus être esclave d’un fait qui ne deviendra jamais réalité. J’aime, ou plutôt je dois apprendre à aimer cette imperfection de mon âme, de mon cœur, de mes actions. Je ne me repose pourtant pas sur mes lauriers, j’essaie de m’améliorer sans cesse, de me remettre en cause et d’apprendre à travers de nouvelles expériences. Même si le futur n'existe pas encore, même si je ne souhaite plus le contrôler, il est sage d'en avoir une petite idée. Cela permet de construire doucement, de pouvoir avancer, surtout avec nos modes de vie moderne.  C’est aussi le vecteur d’une certaine motivation, qui fournit une énergie positive. Comme j’ai toujours aimé à le dire à des personnes de mon entourage, n’étant pas au meilleur de leur forme: « Tu dois avoir des projets, des rêves car ces derniers permettent de vivre heureux, et de mieux vivre cet instant présent…»


Ce moment vécu est à la pouponnière fut riche en enseignement. J’espère qu’il me donnera encore d’autres perspectives à mon imble vie. De telles réflexions personnelles ne me permettent de limiter ma vision au moment présent. Cela me fait réfléchir aussi à mon futur.


Je ne m’inquiète pas concernant la suite. Je veux juste être prudent. Un retour à d’autres réalités peut me replonger dans certains travers… L’être humain a vite tendance à oublier ce qui s’est passé surtout quand ça l’arrange et, encore plus, quand cela lui permet de se remettre dans un moule dicter par la société. Je n’ai pas non plus envie de vivre totalement en marge. J’aime l’interaction avec les autres, surtout famille et amis. Pour se faire, tu dois t’accorder un minimum avec les attentes des autres. SI je crée une vie de famille, ce que je souhaite, je ne veux pas que mes enfants soient pénalisés par un comportement différent, qui est toujours jugé, très durement par les autres. Mais je ne pense vraiment pas être différent du commun des mortels, je prétends aux mêmes envies et mêmes besoins. Et ce n’est pas cette expérience incroyable, lors de ce voyage au long cours, qui pourra remettre en cause ces faits. Bien au contraire, je pense que cela ne peut que me simplifier la vie, mes attentes et le rapport avec mon prochain.


Pour l’instant, je ne souhaite que poursuivre tranquillement mon chemin. J’ai envie d’apprendre et de m’émerveiller chaque jour. Je fais ce qu’il faut pour profiter de l’instant présent, car il s’agit sûrement de la meilleure façon de vivre. Finalement que nous est-il donné d'autre à vivre que cet instant présent ? Chaque jour me permet un peu plus d’affirmer une réponse. Des échanges écrits que je vais avoir, lors de cette période, avec Laëtitia, une amie écrivaine rencontré en Malaisie, me permettront d’affiner cette dernière. «Le passé n'existe plus, et le futur n'existe pas encore ». Il en serait même à se demander si «un, soi-disant, moment présent existe, car il est tellement fugace, éphémère,  impalpable ». Peu importe, nous sommes beaucoup à essayer de nous «fixer sur ce moment présent car régurgiter le passer et s'aventurer dans le futur ne sont ni plus ni moins des exercices de la mémoire et de l'imagination». Alors que ce soit disant "instant présent" ressemblerait déjà plus à une expérience authentique.


Je m’efforce que ces faits et ces questionnements sur la vie me permettent d’avancer. Le fait de prolonger encore un peu plus cette expérience et de la partager par écrit me permet d’apporter des réponses à certaines de mes problématiques de vie. Je n’étais pas vraiment parti dans ce voyage au long cours pour cela, mais je me rends compte que, naturellement, la vie et le temps qui passe, les rencontres et les expériences permettent de continuer à mûrir, et de modifier mes conceptions intellectuelles et spirituelles. Je ne sais pas encore où les vents insufflés lors de ce Vol Libre me conduiront. Mais doucement et sûrement, je sais qu’ils s’atténueront, pour me permettre de me poser en douceur, dans un lieu, où je pourrais trouver la quiétude de mon esprit. Je suis un esprit ravagé, et en perpétuel questionnement… Je sais que cela ne prendra jamais vraiment fin. Mais ce n’est pas dans la recherche infinie de solutions, qui n’existent pas, que je trouverais la réponse. C’est en essayant de vivre au mieux ma vie, de suivre mes projets et rêves, et en les partageant, que je serais le plus heureux…


Lors de la fin de ce séjour au Togo, plusieurs surprises vont couper la réalité de mon voyage. Je vais recevoir une proposition pour participer à une émission sur la chaine française M6. Après avoir pesé le pour et le contre, avoir eu une conversation téléphonique avec la recruteuse, qui m’expliquera le projet, j’écarterais quasi-immédiatement cette possibilité. Il est tout de même drôle de voir l’effervescence que cela va générer autour de moi, quand je vais partager cette possibilité, sur le réseau social Facebook! Je ne crois pas que nous partageons toujours les mêmes valeurs avec les gens que je côtoie de plus ou moins loin. Peu importe, l’expérience que je souhaite est pour l’instant, ici, en Afrique. Je ne vais pas la sabordé pour quelque chose qui ne me correspondrait pas.  Mes parents vont aussi me faire suivre une lettre de la mairie d’Angers. Il s’agit d’une présélection pour faire partie d’un jury d’assise. Cette lettre décrit le devoir de citoyen que cela implique. Je dois renvoyer un papier avec ma profession actuelle. Je demanderais à mes parents de reprendre l’intitulé suivant: «Ingénieur de formation, actuellement sans emploi, car réalisant un projet personnel à l’étranger!» Je ne sais pas si j’aurais un jour un retour de ce courrier. Sylvain, un ami du lycée, m’a précisé qu’il avait reçu la même convocation, il y a quelques années, et qu’il n’y avait jamais eu de suite. A ce jour, fin juillet, je n’ai toujours rien reçu comme document complémentaire. Qui plus est, cela était dans la perspective de constitué un jury d’assise pour 2015. J’ai donc encore quelques mois devant moi pour voir ce qu’il adviendra de ce courrier de la réponse que je leur ai fournie. Et puis si cela devrait arriver, je pense que l’expérience pourrait être intéressante, constructive…

En attendant, je suis au Togo! En ce jeudi 5 juin 2014, je viens de vivre ma dernière journée avec les enfants, les «mamans», et les sœurs à l’orphelinat. Je croyais mettre créer un cœur de pierre, émotionnellement parlant pendant ce voyage. Je pensais tout de même être un peu attristé de quitter cette institution mais pas comme cela va se produire. Mettre les enfants dans leur lit, un par un, après leur douche, fait monter fortement mes émotions! Ces dernières sont graduelles selon l’affection plus ou moins grande que j’ai pour les enfants (Et oui, je ne suis qu’un simple être humain, qui a ces préférences et ces préférés. Même inconsciemment, j’ai lié beaucoup plus d’affinités avec certains qu’avec d’autres! Mais quoi de plus naturel si l’on y réfléchie objectivement)! J’ai les larmes aux yeux. Cela m’affecte réellement. Une fois de plus, le constat est flagrant que l’on ne change pas une personnalité mais que cette dernière évolue au grès du temps et des expériences. C’est le cas pour ma propre personne. Je ne perdrais jamais cette sensibilité que j’ai parfois essayé d’enfouir, de masquer par des subterfuges souvent douteux. .. Je ne vais pas rester non plus des heures avec ces enfants, à leur dire au revoir encore et encore. Cela ne changera en rien la peine, ou la difficulté du moment. Je savais que je devrais me confronter à ce genre de situation, comme c’est le cas après chaque étape importante de ce voyage… Encore une fois, je dois quitter des personnes et un lieu qui m’ont apporté plus que je ne peux l’exprimer… Les «mamans» me remercient chaleureusement pour tout ce que j’ai fait pour ces enfants et ce rapport fraternel que nous avons établis. Je salue une dernière fois sœur Aimée, avant de m’éloigner pour la dernière fois des locaux de cette pouponnière…

Je pensais partir le vendredi matin. Je décide finalement de rester un jour de plus et de ne partir que le samedi matin de Lomé. Après avoir effectué un tour dans le cyber, près du carrefour Limousine, le dernier soir, un inconnu me fait signe de la main depuis une table d’une terrasse d’un café. Il m’invite à se joindre à lui et à son employé. Il s’appelle Emmanuel. Il est togolais et l’heureux propriétaire d’un garage de mécanique voiture! Il veut parler avec moi de ces problèmes pour réparer des pannes avec les nouveaux modèles de voiture, de la vie,… Il m’offre une bière, des morceaux de viandes grillés, puis une seconde bière…  Nous passons un agréable moment. Nous discutons de différents sujets. Il me propose de m’emmener dans le village, dont il est originaire, pour vivre des moments au plus proche de la population locale, pour expérimenter les vérités auxquelles elle est confrontée au quotidien. Je suis sûr que cela aurait pu être intéressant mais je n’ai plus le temps de rester. J’ai envie de découvrir un peu le Ghana, un pays anglophone de l’Afrique de l’ouest, avant de m’envoler vers l’Est. Je lui explique forcément ces projets et la non-compatibilité avec ces projets à mon égard. Nous passons tout de même un très bon moment. Il ne me demande rien en retour, sauf peut-être de pouvoir l’aider ultérieurement, si jamais j’en ai l’opportunité, même après mon retour en France… Mais il n’y a aucune obligation ou pression!

Le vendredi soir et le samedi matin, les adieux avec la famille sont simples et rapides. Je leur paie comme prévu le loyer, et les frais pour la nourriture. Je leur offre une bouteille de vin et d’autres présents. A Ro, je laisse des effets personnels qui pourront lui être plus utile qu’à moi. Je ne sentirais pas un grand enthousiasme, une grande déchirure, ni même une vraie démonstration de leurs sentiments. Mais je ne le prends pas personnellement. Il n’exprime déjà pas souvent leurs sentiments les uns pour les autres. Ce fut le cas par exemple quand la sœur aînée est parti pour une semaine au Maroc, fait rare, mais personne n’aura été vraiment démonstratif. J’ai pu le constater  aussi lors du départ de Lucie (une française rencontrée lors d’une soirée) et de sa maman avec une autre famille. Elles viennent depuis de nombreuses années. Elles possèdent un lien fort et particulier avec leur famille d’accueil. Pourtant, les membres de la famille n’exprimeront pas plus leur sentiment, que la famille Ayedji le fera avec moi.  Encore une particularité culturelle qui nous différencie. Ce n’est ni bien, ni mal! Il s’agit d’une simple constatation… pourtant cela m’affecte toujours, même inconsciemment…

En ce samedi matin, j’effectue le dernier trajet en bus Sotral, avec Mélanie, une demoiselle avec qui j’ai lié d’amitié en effectuant, chaque jour, le même trajet à ces côtés. Je descends comme elle, cette fois-ci, au terminus de ce trajet, près du marché central de Lomé. Je lui dis au revoir, puis je marche le long de la plage jusqu’au poste frontière avec le Ghana. Je profite de la beauté de la plage, de cette large étendue de sable, des palmiers qui la bordent, des sportifs du week-end qui s’exercent à différents endroits, rompant pendant quelques instants, le bruit régulier des vagues, qui viennent s’écraser sur les bords de cet océan. Me voici, à la frontière d’un nouveau pays. Je n’attends rien de particulier de la découverte de ce dernier, surtout par ce que j’y suis pendant le début de la saison des pluies.  J’ai quelques idées néanmoins des endroits où je veux me rendre, j’espère que l’expérience culturelle sera riche et passionnante. Je vais me laisser porter au grès des rencontres et des moments vécus sur place!